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Les concepteurs de dossiers environnementaux et leurs juges ne devraient pas perdre de vue  ce qui se joue avec la forme du résumé non technique ou le degré d’explication des partis pris dans les études d’impact : une participation effective du public qui ne se réduise pas à une simple information sur l’existence de sa consultation.

Ainsi lors d’une affaire relative au permis de construire d’un champ de modules photovoltaïques à la Martinique, la Cour administrative d’appel de Bordeaux  a voulu apporter par l’arrêt qu’elle a rendu,  des précisions sur le contenu des études d’impact réalisées antérieurement à la réforme desdites études (CAA Bordeaux, 4 avril 2013, n°12BX00153).

Ces précisions sont à relativiser mais nous donnent néanmoins l’occasion de revenir sur le nouveau régime de l’étude d’impact et en particulier sur la forme et la place que doit y prendre le résumé non technique, ainsi que le minimum requis concernant la justification des raisons du projet.

Forme et place du résumé non technique

Tout d’abord, concernant le résumé non technique, le juge bordelais remarque qu’ « aucune disposition ne définit la place de [ce résumé] dans l’étude d’impact ».

De cette constatation, il en déduit que satisfait aux exigences de l’article R. 122-3, III du code de l’environnement, une étude d’impact dans laquelle « chaque paragraphe était suivi d’un résumé non technique dans un encart grisé ».

Les exigences de l’article R. 122-3 auxquelles il est fait référence sont celles en vigueur avant la réforme de l’étude d’impact intervenue le 1er juin 2012. L’article R. 123-3, III prévoyait alors qu’ « afin de faciliter la prise de connaissance par le public des informations contenues dans l’étude, celle-ci fait l’objet d’un résumé non technique ».

La position adoptée par la Cour administrative d’appel consistant à dire que le résumé non technique d’une étude d’impact peut prendre la forme d’encadrés insérés à la fin de chaque partie de l’étude nous parait pourtant être contraire au texte de l’article R. 122-3, III précité.

En effet, cet article indique explicitement que l’objectif du résumé non technique est de faciliter la prise de connaissance des informations contenues dans l’étude. Or, plusieurs résumés non techniques prenant la forme d’un encart situé à la fin de chaque partie de l’étude, ne peuvent sérieusement remplir efficacement cet objectif.

Au surplus, on notera que suite à la réforme des études d’impact entrée en vigueur le 1er juin 2012, l’article R. 122-5, IV du code de l’environnement prévoit qu’ « afin de faciliter la prise de connaissance par le public des informations contenues dans l’étude, celle-ci est précédée d’un résumé non technique des informations visées aux II et III [du présent article]. Ce résumé peut faire l’objet d’un document indépendant ».

Ainsi, désormais, il est explicitement prévu que le résumé non technique doit :

–          Soit précéder l’étude d’impact ;

–          Soit faire l’objet d’un document indépendant.

Par conséquent, la position discutable du point de vue de la vocation informative du résumé non technique adoptée par le juge dans la présente affaire sous l’empire  des dispositions antérieure à la réforme des études d’impact concernant la place et la forme du résumé non technique ne doit en aucun cas inspirer les rédacteurs de nouvelles études d’impacts !

Ceux-ci devront absolument réaliser un seul et unique résumé non technique de l’étude d’impact qu’ils feront figurer soit en préalable à l’étude d’impact, soit dans un document distinct.

Ce résumé non technique reprendra tous les points de l’étude d’impact énumérés à l’article R. 122-5, II et III du code de l’environnement.

Les raisons de l’implantation de l’installation sur un site donné

Concernant la description des solutions de substitution au projet, le juge bordelais décide qu’ « en l’absence d’autres partis envisagés pour implanter la centrale photovoltaïque en litige, l’étude d’impact n’avait pas à justifier les raisons pour lesquelles le site avait été retenu ».

 Cette position est là encore totalement critiquable. En effet, l’article R. 122-3, 3° du code de l’environnement applicable au litige prévoyait que l’étude d’impact doit comporter : « les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d’environnement, parmi les partis envisagés qui font l’objet d’une description, le projet présenté a été retenu ». Pour les études d’impacts des installations classées, existait également à l’époque une disposition tout à fait similaire ayant donnée lieu à une jurisprudence on ne peut plus claire.

Si la personne envisageant la création de l’installation n’a pas à présenter dans l’étude d’impact plusieurs sites envisageables, elle devrait néanmoins justifier les raisons pour lesquelles le lieu d’implantation du projet a été retenu. Mais  faute d’avoir souhaité imposer la comparaison, le juge en est  réduit à prendre formellement acte des arguments d’autorité de l’opérateur pour le site qu’il a effectivement retenu. Ainsi lorsque la Cour administrative d’appel de Douai  opère le contrôle des éléments ayant présidés au choix d’un site d’implantation cela flirte avec la motivation alibi : « Considérant que l’étude d’impact présente les neuf facteurs qui ont présidé au choix du parti retenu et qu’il ne résulte pas de l’instruction que la pétitionnaire ait pu en envisager d’autres ; qu’ainsi, elle présente suffisamment les raisons pour lesquelles le site a été retenu » (CAA Douai, 24 mai 2007, n°06DA01405 – dans la même veine CAA Paris, 20 déc. 2007, n°04PA00665).

On reprochera à la Cour administrative d’appel de Bordeaux d’avoir raté (une fois de plus) une occasion de tenter d’imposer aux rédacteurs de toutes les études d’impact un vrai travail sur la justification des choix d’implantation du projet. Ce travail certaines professions se l’imposent particulièrement pour optimiser l’implantation par exemple des éoliennes. Il n’est pas une étude sérieuse qui prendrait le risque de faire l’impasse sur ce bilan couts/avantages de l’implantation.

Gageons que là encore le cadre textuel de l’étude d’impact rattrape et dépasse la jurisprudence. Depuis la réforme des études d’impact, l’exigence de présenter dans l’étude d’impact les raisons ayant conduit à retenir le projet présenté a été reprise par l’article R. 122-5, IV du code de l’environnement  en des termes qui va rendre plus délicat non seulement de ne pas étudier d’alternatives, mais aussi de dispenser de justification d’implantation. En effet, désormais « [L’étude d’impact doit présenter] une esquisse des principales solutions de substitution examinées par le pétitionnaire ou le maître d’ouvrage et les raisons pour lesquelles, eu égard aux effets sur l’environnement ou la santé humaine, le projet présenté a été retenu ». Le « et » donne une autonomie à une réelle deuxième exigence alors que ce qui est « esquissé » n’a pas à avoir été réellement envisagé, ce qui a minima vaut pour tout projet sérieux !

Les bureaux d’études devront donc par sécurité, face au mutisme du donneur d’ordre, s’efforcer d’esquisser a minima les facteurs qui ont présidé au choix du parti retenu.

Etienne POULIGUEN – Juriste (Green Law Avocat)