Vers une annulation rétroactive des projets éoliens offshore déjà attribués, à défaut d’une importante baisse des prix ?

ビジネスイメージ―契約破棄Par David DEHARBE (Green Law Avocats)

Le gouvernement demande à EDF, Engie et Iberdrola, les trois lauréats d’appels d’offres d’éolien en mer, de revoir à la baisse les tarifs négociés en 2012 et 2014. Les tarifs de rachat de l’électricité avaient alors été négociés autour de 200 euros le mégawattheure pour les six parcs éoliens.

Désormais, le gouvernement souhaite s’orienter vers les attributions d’appels d’offres actuels, dont les prix de rachat de l’électricité se situent autour de 80 euros le mégawattheure. La baisse visée est donc très importante puisqu’il s’agit d’une baisse de près de la moitié qui est attendue par le ministère de la Transition écologique.

Le gouvernement justifie cette décision en considérant que « Le tarif accordé à ces installations est très élevé et ne correspond plus aux prix actuels de l’éolien en mer, entraînant des rémunérations excessives pour les candidats retenus ». (Commentaire de l’exécutif pour son amendement du 8 mars 2018).

S’il est vrai que la production sur le territoire  de l’éolien offshore a de coûts singuliers comme le démontre très légitimement le Syndicat des Energies Renouvelables (cf. Eolien en mer : quel est le véritable coût du soutien public ?), le Gouvernement n’en a sans doute pas moins à l’esprit les coûts pratiqués en Europe. Ainsi en décembre 2017 on apprenait qu’au Royaume-Uni, deux projets (celui du consortium réunissant le portugais EDPR et le français Engie avec 950 M sur le site de Moray East et celui de Dong Energy, pour1386 MW sur le site Hornsea 2) ont demandé un prix garanti de 57,5 livres par mégawattheure (MWh) pendant quinze ans (soit environ 65€). De même le projet du groupement de et du norvegien Statkraft et de l’Allemend Innogy a été attribué à un prix garanti de 74,75 livres (soit 85 € environs). Enfin en Allemagne, des parcs offshores parviennent désormais à se financer, hors coût du raccordement, sur le marché de l’électricité.

L’exécutif  français invite donc les lauréats à une négociation de trois mois, au cours de laquelle les lauréats devront faire part de leurs propositions.

Mais à défaut d’une importante baisse des prix, le gouvernement prévient les industriels que les appels d’offres seront relancés par décret. Il menace donc de remettre en cause de manière rétroactive, des projets d’éolien offshore qui ont légalement été attribués dans le cadre d’appels d’offres.

Le gouvernement précise que cette démarche ne concerne que les appels d’offres déjà attribués pour lesquels le contrat d’obligation d’achat ou de complément de rémunération n’a pas encore été signé.

Si le gouvernement mettait à exécution sa menace, les industriels pourraient alors former un recours contre cette décision devant le juge administratif.

Ces éventuels recours dépendront donc de l’issue de ces trois mois de négociation et de la décision du gouvernement, qui interviendra « au plus tard en juillet ». En attendant, la filière de l’éolien offshore prévient qu’une telle décision risquerait de retarder considérablement les projets, alors que la France est déjà à la traîne vis-à-vis de ses voisins européens.

Mais cette volonté du gouvernement n’est pas nouvelle. En effet, le 8 mars dernier il avait déjà déposé un amendement en ce sens auprès du Sénat. Initialement prévu pour autoriser la renégociation légale des tarifs, l’exécutif a ensuite laissé entendre l’éventualité d’une annulation pure et simple des appels d’offres de 2012 et 2014.

Cependant, le Jeudi 5 avril 2018 la commission mixte paritaire, chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi renforçant l’efficacité de l’administration pour une relation de confiance avec le public, n’était pas parvenue à un accord. Parmi les points de blocage, la possibilité de remettre en cause des appels d’offres passés pour la construction d’éoliennes en mer. Une possibilité souhaitée par le Gouvernement et l’Assemblée nationale mais rejetée par le Sénat, considérant qu’ « un partage des profits pour éviter une rentabilité excessive était certes souhaitable, mais qu’il ne pouvait résulter que d’une négociation avec les porteurs de projet ».

Tout ceci décrédibilise un peu plus la parole de l’Etat en matière d’EnR, pour allonger encore la liste des erreurs, plus ou moins consciemment, commises :  soudains changements de tarifs en matière solaire, malencontreux oublis de notifications des arrêtés tarifaires en matière éolien à la commission européenne requalifiés d’aides d’Etat par le juge administratif, cafouillages sur l’indépendance de l’autorité environnementale, comme l’insécurité juridique incessante et organisée au plus haut niveau ministériel (autorisation expérimentale, autorisation unique …).