La Cour de cassation a rappelé, le 14 décembre 2011, la nécessaire distinction entre les troubles anormaux de voisinage et la responsabilité du fait des choses que l’on a sous sa garde.

 

Les faits:

Dans cette espèce, une société civile immobilière avait acquis un appartement dans un immeuble aux fins d’exercice une activité médicale par son gérant.

Le propriétaire avait ultérieurement fait réaliser des travaux d’aménagement dans les appartements situés à l’étage du dessus (suppression des moquettes et pose d’un parquet flottant) et revendu ces derniers à des tiers.

Le nouveau propriétaire du 1er étage ainsi que le médecin exerçant son activité dans les lieux, se prévalant de nuisances sonores en raison d’une perte d’isolation phonique, ont alors introduit une action en justice, sur le fondement de l’article 1384, al. 1 du Code civil pour solliciter la condamnation in solidum, de l’ancien propriétaire ayant fait effectuer les travaux et des deux nouveaux propriétaires, à réaliser les travaux d’isolement nécessaires à la suppression du trouble ainsi qu’ au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

 

La procédure

La Cour d’appel de Dijon les a déboutés au motif que leur action consistait à obtenir la réparation d’un trouble de voisinage et que le caractère anormal de ce dernier n’était pas établi.

Elle retient que si une augmentation des bruits d’impact est effectivement constatée, en revanche des bruits de pas des occupants sur le parquet flottant ne constituent pas un trouble d’une anormalité telle qu’il doive être réparé sur ce fondement.

Les demandeurs au pourvoi ont alors soutenu que la juridiction d’appel avait méconnu les dispositions des articles 1382 et 1384 du Code civil et l’article 12 du Code de Procédure civile.

Cependant, la Cour de Cassation approuve les juges du fond d’avoir « retenu que les dispositions législatives et réglementaires invoquées par [les demandeurs] ne pouvaient servir de fondement à une demande de condamnation qu’ils avaient fondée sur des dégradations acoustiques à l’origine d’un trouble anormal de voisinage ».

 

Dès lors, la cour d’appel était parfaitement fondée à statuer sur un fondement juridique différent de celui invoqué par les parties.

En effet, l’article 12 du CPC impose au juge de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et lui donne pouvoir de donner ou de restituer l’exacte qualification aux faits et actes litigieux.

 

La Cour d’appel n’a ainsi pas dénaturé les demandes des parties dès lors que la modification du fondement juridique d’une prétention n’affecte pas sa finalité, c’est-à-dire l’avantage recherché par l’auteur de la demande.

 

Cette solution de la Haute Juridiction ne surprend guère dès lors qu’elle avait d’ores et déjà affirmé que la réparation des troubles de voisinage était étrangère aux dispositions de l’article 1384, alinéa 1 du Code civil (Cass. 2ème civ., 20 juin 1990, pourvoi n°89-12874, Bull. civ. II, n0140, p.72).

En présence d’un régime de réparation spécifique fondé sur une création jurisprudentielle autonome, tout dommage résultant d’un trouble de voisinage ne peut être réparé que sur le fondement selon lequel « nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage et ne peut donner lieu, en l’absence d’anormalité du trouble, à l’application de la responsabilité du fait des choses visée à l’article 1384, al 1 du Code civil.