Les nouvelles mesures de fiscalité environnementale pour 2017

Green piggy bank with glasses and coin stacks in ascending orderPar Thomas RICHET élève avocat

(Green Law Avocats)

A compter du 1er janvier 2017, la fiscalité environnementale française évolue et de nouvelles mesures fiscales concernant l’environnement s’appliquent. Elles sont instaurées par la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificatives pour 2016 (ci-après LFR de 2016) et par la loi n°2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 (ci-après LF de 2017).

Réforme de la TGAP déchets, modifications de diverses taxes énergétiques, renforcement du dispositif CITE et suppression définitive de l’écotaxe, autant de nouvelles mesures fiscales qui méritent d’être éclairées.

La réforme de la Taxe générale sur les activités polluantes (TGAP)

La loi de finances rectificative pour 2016 (LFR pour 2016) modifie la Taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) concernant sa part « déchets » et améliore son caractère incitatif  concernant les carburants.

Concernant sa part « déchets », rappelons que la TGAP est due par les exploitants d’installations de traitement des déchets par stockage et d’incinération. Le tarif s’exprime en euros par tonne de déchets réceptionnés. La LFR pour 2016 et la LF pour 2017 modifient les articles  266 sexies à 266 decies du Code des douanes. On peut observer :

  • Un rapprochement entre les déchets dangereux et non dangereux concernant la non- taxation du prétraitement préalable aux opérations de stockage et traitement thermique des déchets. Avant le 1er janvier 2017, seuls les déchets non dangereux n’étaient pas taxés à cette étape du processus ;
  • Une plus longue durée de l’exonération concernant la réception des déchets non dangereux générés par une catastrophe naturelle. On passe ainsi d’une réception sous exonération entre le début de la catastrophe naturelle et jusqu’à 120 jours après la fin de cette dernière alors que cette durée était de 60 jours avant le 1er janvier 2017. En revanche, les quantités non taxables feront toujours l’objet d’une comptabilité matière séparée ;
  • La présence d’une nouvelle exonération concernant certaines installations de production de chaleur ou d’électricité : les nouvelles dispositions prévoient que les « installations de production de chaleur ou d’électricité à partir de déchets non dangereux préparés sous forme de combustibles solides de récupération, mentionnées au 9° de l’article L. 541-1 du code de l’environnement» font l’objet d’une exonération (d du 2° de l’article 52 de la LFR) ;
  • Une exonération totale de la TGAP pour les réceptions de matériaux et déchets inertes dans les installations de stockage ou de traitement thermique des déchets mais également pour les déchets d’hydrocarbures destinés à être utilisés comme combustibles.

Rappelons que cette exonération ne valait que pour les réceptions de matériaux ou déchets inertes dans la limite de 20 % de la quantité annuelle totale de déchets reçus, par installation (III de l’article 266 sexies) ;

  • L’obligation pour les personnes exploitantes d’installation de répercuter la taxe afférente dans les contrats conclus avec les personnes physiques ou morales, producteurs de déchets (E du I de l’article 52 de la loi de finances rectificative).

Le 4° et le 5° de l’article 266 decies mentionnaient avant le 1er janvier 2017 une possibilité et non une obligation ;

  • La modification des tarifs de la TGAP : les différents taux de la TGAP pour les installations de stockage de déchets non dangereux vont progressivement augmenter et ce, jusque 2025.

On peut citer, à titre d’exemple, l’article 52 de la LFR pour 2016 qui prévoit une modification du taux de la TGAP pour les  « installations de stockage de déchets non dangereux non autorisée en application du titre Ier du livre V du code de l’environnement pour ladite réception ou transférés vers une telle installation située dans un autre Etat ». Ce taux augmentera progressivement jusque 2025 pour atteindre 150 euros par tonne de déchets contre 50 euros actuellement.

La quotité en euros par tonne de déchets réceptionnés dans une installation de traitement thermique de déchets dangereux ou transférés vers une telle installation située dans un autre Etat est également augmentée à 12,78 (10,03 auparavant).

Un tableau mis en place par les services des douanes permet de faire état de ces nouveaux tarifs.

Concernant sa part « carburant d’origine fossile », des modifications sont aussi à mentionner. Rappelons, que cette part a été instaurée en 2005 et est prévue à l’article 266 quindecies du code des douanes. Le taux de cette taxe diminue à proportion des volumes de biocarburant qui sont incorporés dans les carburants. La TGAP joue donc un rôle central dans la favorisation des biocarburants. A partir du 1er janvier 2017, on peut observer :

  • L’instauration d’une nouvelle prérogative pour les ministres chargés du budget et de l’industrie. Ces derniers peuvent, par décision conjointe, autoriser l’utilisation temporaire de produits non autorisés, dans le cadre de projets d’expérimentation pilotes afin de permettre le développement de carburants moins polluants (article 265 ter modifié du code des douanes) ;
  • La liste des carburants soumis à un prélèvement supplémentaire de la TGAP sur les activités polluantes s’allonge. On y retrouve désormais les fournisseurs de carburant ED 95 (article 266 quindecies du code des douanes) ;
  • Concernant le gazole non routier, l’assiette de la TGAP est désormais de 75 % des mises en consommation en France contre 50 % avant le 1er janvier 2017 (article 266 quindecies modifié) ;
  • Concernant la filière essence, le III de l’article 266 quindecies prévoit désormais que le taux est diminué de la part d’énergie renouvelable résultant du rapport entre l’énergie renouvelable des biocarburants contenus dans les produits repris aux indices d’identification 11, 11 bis, 11 ter, 55 et 56 du tableau B du 1 de l’article 265 du présent code mis à la consommation en France à usage de carburants et l’énergie de ces mêmes carburants soumis au prélèvement, exprimés en pouvoir calorifique inférieur.

Notons, que la TGAD fait aussi l’objet de modifications concernant son recouvrement qui sont explicitées sur le site des douanes et droits indirects (http://www.douane.gouv.fr/articles/a11847-taxe-generale-sur-les-activites-polluantes-tgap). La TGAP devrait faire l’objet d’une circulaire, sur le même modèle que son ainée du 18 avril 2016,  dont la publication devrait intervenir dans le courant du premier trimestre 2017.

Modification de la TICPE, de la TICFE et de la TICGN

  • Concernant la TICPE (ou « Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques »), l’article 24 de la loi de finances pour 2017 (LF pour 2017) instaure une nouvelle part de la TICPE au sein de la tranche dite « Grenelle » permettant de financer les transports d’Ile-de-France.

Une part de la TICPE permet également de mettre à jour les montants des compensations financières des transferts de compétences aux régions et départements. Cette loi de finances réduit le taux applicable au gaz naturel pour les véhicules.

La TICPE est également modifiée par la loi de finances rectificative pour 2016 qui uniformise sa part régionale. Cette LFR pour 2016 simplifie le régime de cautionnement des entrepositaires agréés (EA) de produits énergétiques, elle supprime la commission des hydrocarbures et généralise l’obligation d’utilisation du DAE (ou « document administratif électronique »).

 

  • Concernant la TICFE (ou « Taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité »), l’article 266 quinquies modifié prévoit désormais que les autobus hybrides rechargeables ou électriques, dans le cadre d’activité de transport de personnes et de marchandises, sont soumis à un taux réduit de la TICFE (0,5 € par mégawattheure).

Pour pouvoir bénéficier de ce taux réduit, des formulaires CERFA sont disponibles sur le site du Ministère de l’économie et des finances.

  • Concernant la TICGN (ou « Taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel »), l’article 266 quinquies en son 7° est modifié. L’exonération de la TICGN s’appliquant au biogaz pur est étendue au biogaz mélangé avec du gaz naturel. Avant le 1er janvier 2017, le biogaz NC 2711-29 était exonéré de la TICGN uniquement lorsqu’il n’était pas mélangé au gaz naturel.

 

Prolongation et renforcement du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE)

Le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) permet de bénéficier d’une réduction d’impôt en cas de réalisation de travaux énergétiques au sein de l’habitation principale.

Notons tout d’abord, que le III de l’article 23 de la LF pour 2017 prévoit que le gouvernement devra remettre au Parlement, avant le 1er septembre 2017, un rapport « sur la mise en œuvre du crédit d’impôt pour le développement durable et du crédit d’impôt pour la transition énergétique prévu à l’article 200 quater du code général des impôt ».

Ce rapport devra analyser l’efficacité de ces dispositifs en intégrant une distribution géographique et sociale de ces crédits d’impôt, leurs effets et des propositions destinées à renforcer durablement l’efficacité du dispositif pour la transition énergétique, notamment en matière de recours aux équipements à haute performance énergétique, de formation, de labels, de diagnostics et d’information du public.

Concernant le dispositif de crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) lui-même, sa durée est prolongée jusqu’au 31 décembre 2017 (article 23 de LF pour 2017) et l’accès en est facilité, notamment, par la suppression de la condition de ressources pour le cumul du CITE avec un éco-prêt à taux zéro au 1er mars 2016.

 

La suppression définitive de l’écotaxe :

Suspendue depuis plus de deux années, l’écotaxe a fait l’objet de vives critiques dans sa gestion, notamment, par la Cour des comptes dans son rapport du 8 février 2017 dernier où la haute institution financière française y dénonçait « un échec de politique publique dont les conséquences sont probablement très durables ».

Cette écotaxe est définitivement et irrémédiablement supprimée par l’article 84 de la LF pour 2017.

Cette suppression de la mention d’une écotaxe sur « véhicule de transport de marchandises » dans les différents textes concerne le code des douanes, le code de la route, le code des transports, la loi de finances pour 2009, la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement de 2009 et la loi portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transports.

 

Les taxes relatives à l’eau et aux milieux aquatiques :

Concernant la redevance pour pollution de l’eau, l’article L. 213-10-2 du code de l’environnement est modifié et dispose désormais en son II que : « L’épandage de digestat issu de méthanisation n’entraîne pas l’assujettissement à la redevance pour pollution de l’eau d’origine non domestique mentionnée au I. (2) ».

Rappelons que cette redevance est due par toutes les personnes, exception faite des propriétaires et locataires, qui rejettent, dans le cadre de leurs activités, des éléments de pollution (éléments listés à au IV du même article) dans le milieu naturel directement ou par un réseau de collecte.

 

Concernant la taxe « GEMEPI », des modifications tenant à son instauration par les communes et les EPCI à fiscalité propre sont à mentionner.

Rappelons que l’article 1530 bis du Code général des impôts permet pour les communes qui exercent la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, par une délibération, d’instituer et de percevoir une taxe en vue de financer cette compétence. On parle alors de taxe GEMEPI. Dans l’hypothèse où c’est un EPCI à fiscalité propre qui exerce la compétence de « gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations », ce dernier se substitue aux communes pour mettre en œuvre la taxe GEMEPI.

L’article 75 de la LFR pour 2016 organise désormais l’institution de cette taxe pour les nouvelles communes et les nouveaux EPCI issus de fusion (III bis et III ter). Cette modification est la bienvenue dans un contexte où la taxe GEMAPI était source de nombreuses difficultés juridiques liées à son instauration et à son application pour ces nouvelles entités publiques issues d’une fusion.

 

Enfin concernant l’exonération de la taxe sur les titulaires d’ouvrages hydrauliques sur le domaine public fluvial, cette dernière est supprimée pour les « les ouvrages hydrauliques ayant pour objectif d’utiliser le refroidissement par eau de rivière dans le cadre de la production frigorifique distribuée par réseau de froid urbain en délégation de service public ».

En revanche, l’exonération continue de s’appliquer pour les ouvrages hydroélectriques concédés. La taxe sur les titulaires d’ouvrages hydrauliques sur le domaine public fluvial revient à l’établissement Voies Navigables de France (VNF) au titre de l’article L. 4316-3 du code des transports. Elle permet à cet établissement public de financer une partie de ses nombreuses missions liées à la voie d’eau.

 

D’autres mesures à retenir :

Concernant les sites patrimoniaux remarquables, l’article 36 de la LF pour 2017 modifie l’article 199 tervicies du Code général des impôts. La réduction d’impôts sur le revenu accordée aux contribuables domiciliés en France du fait de travaux de restauration sur leurs immeubles situés en secteur sauvegardé, ou dans un quartier ancien dégradé, s’applique désormais aux immeubles situés dans un site patrimonial remarquable classé en application du titre III du livre VI du code du patrimoine.

La taxe sur les boues d’épuration, prévue à l’article 302 bis ZF est supprimée. Cette dernière permettait de financer le fonds de garantie des risques liés à l’épandage agricole des boues d’épuration urbaines ou industrielles prévu à l’article L. 425-1 du code des assurances.

Enfin, notons le rehaussement du plafond  de la taxe sur les pesticides.

Ainsi depuis le 1er janvier 2017,  la France a réalisé une avancée supplémentaire en matière de fiscalité environnementale. Cependant, gardons à l’esprit que selon le rapport du CGDD cette part de la fiscalité française ne représenterait actuellement que 2,1% de son PIB, contre 2,5% en moyenne dans l’Union Européenne et, à ce titre,  elle ne se situe qu’au 22ème rang des pays de l’Union en matière de fiscalité environnementale.