La Haute juridiction a confirmé dans un arrêt du 20 juin 2012 que les antennes relais, dont la hauteur est supérieure à douze mètres, et dont les installations techniques entrainent une SHOB de plus de 2m², relèvent du régime du permis de construire et non de la déclaration préalable de travaux.

Cette décision rééquilibre le contentieux en la matière, qui a fait l’objet de plusieurs soubresauts des derniers mois.  

 

En l’espèce, le Conseil d’Etat était saisi d’un jugement par lequel le tribunal administratif de Nîmes avait rejeté le recours de riverains demandant l’annulation de la décision du 30 juin 2009 par laquelle un Maire ne s’était pas opposé aux travaux déclarés par un opérateur de téléphonie en vue de l’édification d’un pylône et d’armoires techniques (CE, 20 juin 2012, n°344646, publié aux Tables du recueil Lebon).

L’antenne relais de téléphonie mobile était composée:

– d’une part, d’un pylône de radiotéléphonie d’une hauteur de 18 mètres reposant sur une dalle enterrée d’une surface de 9 mètres carrés,

– et d’autre part, d’installations techniques sur une dalle de béton clôturée de palissades en bois d’une surface de 10,5 mètres carrés ;

Le Conseil d’Etat relève alors que les surfaces de plancher cumulées du pylône et du local technique sont créatrices d’une surface hors oeuvre brute supérieure à deux mètres carrés.

 

Or, par la combinaison de plusieurs dispositions du Code de l’urbanisme qui organisent la soumission à permis de construire (qui demeure le principe), et les exceptions tenant à l’exemption de toute formalité ou à la soumission à simple déclaration préalable de travaux, le Conseil d’Etat estime que:

«  […] qu’il résulte de la combinaison des dispositions qui précèdent que les antennes relais de téléphonie mobile dont la hauteur est supérieure à douze mètres et dont les installations techniques nécessaires à leur fonctionnement entraînent la création d’une surface hors oeuvre brute de plus de deux mètres carrés n’entrent pas, dès lors qu’elles constituent entre elles un ensemble fonctionnel indissociable, dans le champ des exceptions prévues au a) et au c) de l’article R. 421-9 du code de l’urbanisme et doivent faire l’objet d’un permis de construire en vertu des articles L. 421-1 et R. 421-1 du même code; »

 

La défense de l’opérateur de téléphonie reposait sur une dissociation de l’antenne proprement dite, et des ouvrages techniques annexes. Pris isolément, chaque élément pouvait alors, selon l’opérateur (et le Tribunal administratif de Nîmes avant qu’il ne soit censuré) relever du régime de la déclaration préalable.

Or, ce raisonnement est rejeté par le Conseil d’Etat qui estime qu’il aurait fallu rechercher s’ « il existait un lien fonctionnel entre les deux ouvrages leur conférant le caractère d’une seule construction« . Et c’est effectivement le cas selon l’arrêt du 20 juin 2012, qui qualifie les antennes relais et les installations techniques nécessaires à leur fonctionnement d' »ensemble fonctionnel indissociable ».

 

 

  • Il faut noter tout d’abord que la soumission des antennes relais à permis de construire ne se justifiera qu’en fonction des circonstances de chaque espèce, selon que la surface créée par les ouvrages annexes à l’antenne proprement dite est supérieure à 2m².

Il faudra à cet égard être vigilant car les dispositions relatives au calcul des surfaces de plancher ont été modifiées au sein du Code de l’urbanisme par décret du 28 février 2012.

Ainsi, l’article R421-9 du Code de l’urbanisme prévoit dorénavant que peuvent être soumis à déclaration préalable:

« c) Les constructions répondant aux critères cumulatifs suivants :

– une hauteur au-dessus du sol supérieure à douze mètres ;

– une emprise au sol inférieure ou égale à deux mètres carrés ;

– une surface de plancher inférieure ou égale à deux mètres carrés »

Ainsi, la jurisprudence du Conseil d’Etat demeure encore valable malgré la réforme apportée en début d’année, lorsque les ouvrages annexes ont une emprise au sol ou une surface de plancher supérieure à 2m².

 

 

  • Ensuite, cette décision de la Haute juridiction (qui a les honneurs d’une publication au Recueil) s’inscrit dans un contexte où certains juges du fond avaient suivi le même raisonnement.

Ainsi, les praticiens connaissaient déjà le jugement du Tribunal administratif de Dijon (TA Dijon, 07 octobre 2010, « M. Martini », n°0802863, non frappé d’appel), qui avait considéré:

«  Considérant qu’aux termes de l’article R 421-1 du Code de l’urbanisme : ‘Les constructions nouvelles doivent être précédées de la délivrance d’un permis de construire, à l’exception : […] b) Des constructions mentionnées aux articles R. 421-9 à R. 421-12 qui doivent faire l’objet d’une déclaration préalable.’ ;

qu’en application de l’article R 421-9 du Code de l’urbanisme : ‘En dehors des secteurs sauvegardés dont le périmètre a été délimité et des sites classés, les constructions nouvelles suivantes doivent être précédées d’une déclaration préalable, à l’exception des cas mentionnés à la sous-section 2 ci-dessus : a) Les constructions ayant pour effet de créer une surface hors œuvre brute supérieure à deux mètres carrés et inférieure ou égale à vingt mètres carrés ; […] c) Les constructions dont la hauteur au-dessus du sol est supérieure à douze mètres et qui n’ont pas pour effet de créer de surface hors œuvre brute ou qui ont pour effet de créer une surface hors œuvre brute inférieure ou égale à deux mètres carrés ; les dispositions du présent alinéa ne sont applicables ni aux éoliennes ni aux ouvrages de production d’électricité à partir de l’énergie solaire installés sur le sol ;’

Qu’il résulte de la combinaison de ces articles que la demande d’autorisation tendant à la construction d’un pylône d’une hauteur de douze mètres et dont la surface hors œuvre brute excède deux mètres carrés doit donner lieu à délivrance de permis de construire ».

 

 

  • Mais surtout, la soumission des antennes relais à permis de construire s’inscrit dans un contexte jurisprudentiel mouvementé, restreignant la compétence du juge judiciaire et le pouvoir des Maires.

En effet, plusieurs décisions capitales sont récemment intervenues, redistribuant les cartes contentieuses des opposants aux antennes relais.

Chacun se souviendra des trois décisions du Conseil d’Etat du 26 octobre 2011, qui avaient jugé que seules les autorités de l’Etat désignées par la loi (ministre, ARCEP, ANFR) sont compétentes pour réglementer de façon générale l’implantation des antennes relais de téléphonie mobile. Ces arrêts avaient sanctionné les décisions des Maires, qui n’ont plus compétence pour réglementer par arrêté l’implantation des antennes relais sur le territoire de leur commune, sur le fondement de leur pouvoir de police générale. Le Conseil d’État avait à cet égard précisé que le principe de précaution ne permettait pas à une autorité publique d’excéder son champ de compétence.

Ces décisions du 26 octobre 2011 empêchaient dorénavant les Maires des communes d’implantation d’édicter un arrêté municipal restreignant ou interdisant l’implantation des antennes relais, fut-ce pour des motifs lié à la santé publique par application du principe de précaution.

 

Plus récemment encore, six décisions du Tribunal des conflits (chargé de trancher les questions de compétence juridictionnelle entre le juge administratif et le juge judiciaire) ont conduit à décider que

« les actions visant à obtenir l’interruption de l’émission, l’interdiction de l’implantation, l’enlèvement ou le déplacement d’une station radioélectrique régulièrement autorisée et implantée sur une propriété privée ou sur le domaine public, au motif que son fonctionnement serait susceptible de compromettre la santé des personnes vivant dans le voisinage ou de provoquer des brouillages relèvent du juge administratif« , au motif qu’en raison de son objet même, une décision de démolition ou d’enlèvement de la part du juge judiciaire constituerait une immixtion dans l’exercice de la police spéciale dévolue aux autorités publiques compétentes en la matière. 

(Tribunal des conflits, 14 mai 2012, « B. et autres / Sté O. », req. n°3844 ; Tribunal des conflits, 14 mai 2012, « Sté O. / Amicale confédération nationale … et autres », req. n°3846 ; Tribunal des conflits, 14 mai 2012, « G. / Sté O. », req. n°3848; Tribunal des conflits, 14 mai 2012, « Cne de C. / Sté O. », req. n°3850 ; Tribunal des conflits, 14 mai 2012, « Sté B. / R. et autres », req. n°3852 ;Tribunal des conflits, 14 mai 2012, « B. et autres / Sté F. », req. n°3854

 

Toutefois, ces décisions laissent la compétence du juge judiciaire ouverte pour les actions demandant non pas l’enlèvement de l’antenne mais l’indemnisation liée à son implantation. De surcroit, les actions fondées sur l’impact paysager (et non sur un éventuel impact sanitaire) demeurent tout à fait pertinentes, si tant est qu’elles soient sérieusement menées.

Ainsi, une action indemnitaire fondée sur le trouble anormal de voisinage exclusivement liée à l’impact paysager d’une antenne relais pourra encore aboutir (voir CA Versailles, n°10/04495, 15 décembre 2011, – jurisprudence cabinet).

 

 

Stéphanie Gandet- David Deharbe

Avocats au Barreau de Lille

Green Law avocat