panneau industrieDans un arrêt récent, la Cour administrative d’appel de Douai vient de rappeler que le terrain d’implantation d’une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) en activité peut légalement faire l’objet d’un classement en zone naturelle d’un plan local d’urbanisme (PLU) si tant est que le classement trouve sa justification dans la protection des sites, des milieux naturels ou des paysages et ne fait pas obstacle au maintien de l’activité de l’installation (Cour administrative d’appel de Douai, 1re chambre – formation à 3, 02/05/2013, 12DA00494, Inédit au recueil Lebon).

Les appelants étaient des sociétés propriétaire et exploitante d’une usine SEVESO seuil bas dont le terrain d’implantation a été classé en zone naturelle du plan local d’urbanisme.

Rappelons-nous que le juge administratif n’exerce qu’un contrôle restreint sur le classement des terrains et sur les dispositions du PLU qui leur sont applicables (Conseil d’Etat, 11 mars 1991, n°81753, Porcher ; Conseil d’Etat, 6 décembre 1996, n°141189, Commune de Saint-Adresse), ce que ne manque pas de rappeler la Cour à titre liminaire :

« 5. Considérant qu’il appartient aux auteurs d’un plan local d’urbanisme de déterminer le parti d’aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d’avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction ; que s’ils ne sont pas liés, pour déterminer l’affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d’utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l’intérêt de l’urbanisme, leur appréciation sur ces différents points peut cependant être censurée par le juge administratif au cas où elle serait entachée d’une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts ; ».

La Cour va d’abord examiner l’objectif du classement des parcelles des sociétés appelantes en zone naturelle, et constate qu’il correspond à la volonté de la commune d’étendre la protection d’un espace boisé situé au Sud-ouest de la commune :

« 6. Considérant, en premier lieu, qu’il ressort du rapport de présentation du plan local d’urbanisme que la commune d’A… a choisi de maîtriser son développement urbain en affirmant sa volonté de conforter les espaces naturels de son territoire en créant  » des zones tampons  » entre le tissu urbain et les espaces agricoles ou boisés et en valorisant la trame verte définie par la communauté de communes du Val-de-Souchez ; qu’elle a ainsi décidé d’étendre la protection de l’espace boisé naturel situé au Sud-Ouest du tissu urbain de la commune ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le plan local d’urbanisme de la commune ne tient pas compte de la nécessité d’assurer la prévention des risques naturels prévisibles, des risques technologiques, des pollutions et des nuisances de toute nature, et notamment ceux liés à la présence de l’activité de la société P… et d’anciens carreaux de mines ; »

Puis, la Cour rejette l’argument des appelantes relatif à l’incapacité du classement à assurer la prévention des risques technologiques générés par l’usine SEVESO. Elle estime que le classement en zone naturelle ne fait pas obstacle au maintien de l’activité, ni qu’il serait contraire à l’objectif de prévention des risques technologiques poursuivis par le plan local d’urbanisme :

« 7. Considérant, en deuxième lieu, que les sociétés requérantes font valoir que le classement de la parcelle AI 148, appartenant à la SCI C…, en zone naturelle n’est pas justifié par son caractère boisé et ne permet pas d’assurer la prévention des risques technologiques générés par l’installation de fabrication de spécialités de chimie classée SEVESO seuil bas présente sur cette parcelle ; qu’elles soulignent que la société P…, exploitante de cette activité, se trouverait désormais dans l’impossibilité d’assurer, dans des conditions optimales, le stockage des produits dangereux, pour leur toxicité et leur caractère inflammable, et précisent que, conformément aux prescriptions de l’arrêté préfectoral du 4 mars 1998 autorisant la société à exploiter l’installation classée et aux recommandations de la direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement, une distance minimale de 30 mètres doit être respectée entre les bâtiments de production et ceux de stockage et que seule la parcelle AI 148 permettrait de répondre à cette contrainte ; qu’il ne résulte toutefois pas des pièces du dossier que le classement en zone naturelle de la parcelle AI 148 ferait obstacle au maintien de l’exercice de l’activité autorisée au titre des installations classées ou qu’il serait contraire à l’objectif de prévention des risques technologiques poursuivis par le plan local d’urbanisme ; »

Enfin, la Cour rejette l’argument tiré des risques pour la sécurité publique :

« 8. Considérant, en troisième lieu, que les sociétés appelantes soutiennent que les auteurs de la révision du plan local d’urbanisme, en classant la parcelle AI 149 en zone naturelle, n’ont tenu compte ni de sa situation par rapport au secteur boisé, ni des risques pour la sécurité publique liés à l’existence d’un ancien site minier comportant des cavités souterraines qui rendent le sol instable ; que si le dossier départemental des risques majeurs du Pas-de-Calais de décembre 2004, repris sur ce point par le schéma de cohérence et d’organisation du territoire approuvé le 11 février 2008, relève l’existence de risques spécifiques à cette ancienne activité d’extraction de la houille, il souligne que ces risques, notamment ceux liés à l’affaissement de terrains, sont identifiés et stabilisés ; qu’en outre, il ressort des pièces du dossier que, conformément aux préconisations des Houillères du bassin du Nord et du Pas-de-Calais, le plan local d’urbanisme a établi les périmètres de protection autour des puits de mine, lesquels sont constitutifs du risque le plus important pour la sécurité ; que la présence de vestiges de l’ancienne concession minière, d’un château d’eau, d’une antenne-relais de téléphonie mobile et d’une voie de desserte ne modifient pas les caractéristiques de la parcelle qui est principalement boisée et qui se situe en continuité avec un vaste espace boisé s’étirant en triangle vers le Sud-Ouest de la commune ; que, dans ces conditions et alors même que le classement prévoit l’aménagement d’aires de promenades et de loisirs, la commune d’A… n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en classant la parcelle AI 149 (devenu AI 163) en zone naturelle non constructible ; »

En conclusion, la Cour considère que le classement en zone naturelle des parcelles d’implantation de l’usine SEVESO n’est pas entaché d’erreur manifeste d’appréciation et confirme le jugement du Tribunal administratif de Lille ayant rejeté les recours en annulation dirigés à l’encontre de la délibération approuvant le plan local d’urbanisme.

Or, on sait (et c’est semble t-il ce qui a constitué la motivation des recours) que le classement en zone naturelle d’un terrain d’implantation d’une ICPE peut constituer un véritable frein à l’activité car il limite considérablement les possibilités de construire sur la parcelle.

En effet, les constructions seules autorisées en zone naturelle étaient, à la date de la décision attaquée, les constructions « ne portant pas atteinte ni à la préservation des sols agricoles et forestiers ni à la sauvegarde des sites, milieux naturels et paysages » (article R. 123-8 du code de l’urbanisme, dans sa version en vigueur en novembre 2006).

Désormais, le code de l’urbanisme est encore plus restrictif puisque seules sont autorisées « les constructions et installations nécessaires à l’exploitation agricole et forestière et les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs ou à des services publics, dès lors qu’elles ne sont pas incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière dans l’unité foncière où elles sont implantées et qu’elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages » (article R. 123-8 du code de l’urbanisme dans sa version actuellement en vigueur).

Néanmoins, on l’a vu dans cet arrêt et c’est l’application d’une jurisprudence constante, le juge administratif ne considère pas comme incompatible le classement en zone naturelle d’un terrain accueillant une ICPE, à l’instar d’une décharge (Conseil d’Etat, 4 / 1 SSR, du 14 octobre 1992, 99865, mentionné aux tables du recueil Lebon) si tant est qu’un tel classement s’avère justifié par la protection des sites, des milieux naturels ou des paysages et ne fait pas obstacle au maintien de l’activité de l’installation.

Cela peut poser de réelles contraintes aux gérants d’ICPE pour le développement de leurs activités, lorsque l’on sait par ailleurs qu’un PLU peut être plus restrictif que le Règlement National d’Urbanisme et poser de réelles contraintes aux extensions des constructions existantes ou à l’implantation de nouveaux bâtiments. Ce d’autant qu’il faut rappeler que le PLU est encore opposable aux évolutions du titre d’exploitation. Ainsi l’interdiction des installations classées par le plan local d’urbanisme qui devient hostile pour une installations classée existante et légalement autorisée n’a pas pour effet de mettre fin à la poursuite de l’exploitation, mais il empêchera les évolutions et extensions de l’activité en bloquant non seulement la délivrance des permis de construire  mais encore la délivrance d’une nouvelle autorisation exigée par une extension substantielle au sens du R. 512-33 du code de l’environnement (CAA Paris, 27 janvier 2004, n°00PA01501 et n°99PA02609 – cf. également : CAA
Paris, 14 novembre 1995, n°94PA00510 –  CAA Lyon, 11 juin 1996, n°95LY02123 – CAA Bordeaux, 19 février 2013, n°11BX02721).

Maître Anais DE BOUTEILLER  (Green Law Avocat)