Passoires énergétiques : entre indécence des propriétaires et de l’écologie

240_F_12312842_ap8spAHwhmzrVZkynDWolIc5xMYXohtEPar Maître David DEHARBE (Green Law Avocats)

Le projet de loi Energie et Climat a été adopté par le Sénat (cf. la petite loi téléchargeable ici), en première lecture. On relèvera en particulier une modification importante apportée au texte voté par l’Assemblée nationale : les sénateurs ont associé la décence des logements à un seuil de performance énergétique chiffré opposable aux propriétaires, dont le dépassement exclurait du marché de la location leur logement, et ce à compter 1er janvier 2023. L’alinéa 1er de l’article 6 de la loi n° 89‑462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86‑1290 du 23 décembre 1986 serait désormais ainsi rédigé : « Le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d’espèces nuisibles et parasites, répondant à un critère de performance énergétique minimale, défini par un seuil maximal de 330 kWh de consommation d’énergie primaire par mètre carré et par an, et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation. ».

Reste que le Gouvernement est parvenu à faire amender le texte par les sénateurs, afin que le bailleur ne puisse être sanctionné s’il se trouve dans l’impossibilité d’atteindre l’objectif minimum de performance énergétique de 330 kWh par mètre carré et par an du fait de la réticence de sa copropriété à effectuer des travaux : « Toutefois, le juge ne peut ordonner de mesure visant à permettre le respect du seuil maximal de consommation d’énergie finale par mètre carré et par an mentionné au premier alinéa de l’article 6 de la présente loi lorsque le logement fait partie d’un immeuble soumis au statut de la copropriété et que le copropriétaire concerné démontre que, malgré ses diligences en vue de l’examen de résolutions tendant à la réalisation de travaux relevant des parties communes ou d’équipements communs et la réalisation de travaux dans les parties privatives de son lot adaptés aux caractéristiques du bâtiment, il n’a pu parvenir à un niveau de consommation énergétique inférieur au seuil maximal » (Amdt n° 342).

Ainsi le Gouvernement a-t-il souhaité que l’on ne menace pas près de la moitié du parc locatif français, quand bien même ce serait là la proportion des logements énergivores dans l’hexagone.  La nouvelle Ministre de l’Ecologie a même pris la défense des appartements Hassaniens en ces termes : « Le parc haussmannien qui n’a pas fait l’objet d’une rénovation énergétique est classé en F ou G. On peut regretter que ces logements soient si énergivores, mais il ne s’agit pas pour autant de logements insalubres ou indécents ».

Imposer au propriétaire un comportement Eco-citoyen c’est prendre le risque qu’il ne fasse pas les travaux de mise aux normes et rendre l’accès au logement plus difficile pour les candidats locataires. Pour autant faut-il renoncer aux économies d’énergie au nom du droit de l’accès au logement ; mais c’est oublier que cette inertie fait supporter le coût de ces passoires aux locataires… Il est grand temps d’imaginer de nouveaux modèles économiques pour valoriser l’économie d’énergie et rompre avec les dogmes de la propriété

Faire faire ou laisser faire, telle sera certainement la question qu’il appartiendra à la commission mixte paritaire de trancher le 25 juillet prochain…