Le 29 août 2014, le Premier ministre Manuel Valls, et la Ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité, Sylvia Pinel, ont présenté un plan de relance du logement visant à :

  • Libérer le foncier privé ;
  • Augmenter l’offre de logements neufs intermédiaires et sociaux ;
  • Favoriser l’acquisition de logements neufs ;
  • Améliorer l’habitat ;
  • Poursuivre la simplification des normes de construction ;
  • Simplifier et recentrer les dispositions de la loi Alur.

Sablier - Temps - Durée

Le dossier de presse de ce plan de relance peut être consulté ici. Afin d’atteindre son objectif de poursuite de la simplification des normes de construction, ce plan de relance prévoyait notamment de prolonger les délais de validité des permis de construire de deux à trois ans, dès cet automne.

Le calendrier semble avoir pris légèrement du retard mais la prolongation des délais de validité des permis de construire est désormais actée depuis un décret du 29 décembre 2014, publié dès le lendemain au Journal Officiel de la République Française (décret n°2014-1661 du 29 décembre 2014 prolongeant le délai de validité des permis de construire, des permis d’aménager, des permis de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration préalable).

Ce décret s’adresse à un public très large dans la mesure où il concerne : l’Etat, les collectivités territoriales, les particuliers, les entreprises et enfin les professionnels de l’aménagement et de la construction, c’est-à-dire toutes les personnes concernées par la relance de la construction de logements.

Il a pour objet d’allonger la durée de validité des permis de construire, d’aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration. Notons à cet égard qu’il n’est plus question de prolonger la seule validité des permis de construire, comme annoncé dans le dossier de presse communiqué à la fin du mois d’août 2014.

Le décret prévoit que le délai de validité des permis de construire, d’aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration est porté à trois ans au lieu de deux ans.

Cette prolongation est automatique et n’a nul besoin d’être demandée par le pétitionnaire (contrairement à la prolongation qui peut être demandée, mais n’est pas automatique pour les permis éoliens, voir notre analyse ici).

Cette prolongation de la durée de validité des autorisations n’est que temporaire. En effet, le régime prévu par le décret du 29 décembre 2014 est provisoire dans la mesure où il concerne

  • les autorisations d’urbanisme (ou de non opposition à déclaration) actuellement en cours de validité
  • et celles qui interviendront au plus tard le 31 décembre 2015.

Il est donc valable uniquement un an. Rappelons qu’un régime assez similaire avait été prévu par le décret n° 2008-1353 du 19 décembre 2008 prolongeant le délai de validité des permis de construire, d’aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration préalable (aussi appelé décret « anti-crise »).

Les dispositions auxquelles il est dérogé par le décret du 29 décembre 2014 sont les premier et troisième alinéas de l’article R.* 424-17 et à l’article R.* 424-18 du code de l’urbanisme. A cet égard, il convient de rappeler les dispositions de ces articles.

 L’article R.*424-17 du code de l’urbanisme dispose :

« Le permis de construire, d’aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de deux ans à compter de la notification mentionnée à l’article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue.

Il en est de même si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année.

Les dispositions du présent article sont applicables à la décision de non-opposition à une déclaration préalable lorsque cette déclaration porte sur une opération comportant des travaux. »

Aux termes de l’article R.*424-18 du code de l’urbanisme :

« Lorsque la déclaration porte sur un changement de destination ou sur une division de terrain, la décision devient caduque si ces opérations n’ont pas eu lieu dans le délai de deux ans à compter de la notification mentionnée à l’article R*424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue.

Il en est de même lorsque la déclaration ne comporte pas de travaux et porte sur l’installation d’une caravane en application du d de l’article R*421-23 ou sur la mise à disposition des campeurs de terrains ne nécessitant pas de permis d’aménager en application de l’article R*421-19. »

 

Il ressort de la lecture du décret que le deuxième alinéa de l’article R.*424-17 du code de l’urbanisme que ne sont pas concernées par une augmentation du délai de deux à trois ans les opérations qui font l’objet d’une interruption de travaux supérieure à un an.

En outre, le décret du 29 décembre 2014 précise que le régime transitoire ne fait pas obstacle à la prorogation de ces autorisations dans les conditions définies aux articles R.* 424-21 à R.* 424-23 du même code. Il est, par conséquent, toujours possible d’obtenir des prorogations sur demande, conformément à ces textes. Certaines de ces prorogations sont d’ailleurs bien plus intéressantes que celle autorisée par le présent décret dans la mesure où, à titre d’exemple, pour les éoliennes, la demande de prorogation peut être présentée, tous les ans, dans la limite de dix ans à compter de la délivrance de l’autorisation (article R.*424-21 du code de l’urbanisme, alinéa 2).

Enfin, lorsque les autorisations concernées par le décret du 29 décembre 2014 ont fait l’objet, avant cette date, d’une prorogation dans les conditions définies aux articles R.* 424-21 à R.* 424-23, le délai de validité résultant de cette prorogation est majoré d’un an.

  • En conclusion, en premier lieu, en dépit du but louable dans lequel le décret s’inscrit, le plan de relance du logement, il n’est pas certain qu’il parvienne à atteindre son objectif de poursuite de la simplification des normes de construction. En effet, le décret du 29 décembre 2014 ajoute un régime dérogatoire et provisoire à un régime existant ce qui ne simplifie guère la situation actuelle.

Le gouvernement est coutumier des faits comme en témoigne le nouveau régime des décisions implicites (le silence valant désormais acceptation) qui devait contribuer à la simplification du droit et qui a rendu nécessaire l’adoption de nombreux décrets et d’un nombre incalculable d’exceptions (42 décrets et 1125 exceptions selon Jean-Philippe Derosier dans son article « La nouvelle règle « le silence vaut acceptation » si rarement applicable » publié dans La Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales n° 45, 10 Novembre 2014, 2305). Cet auteur terminait à juste titre son article par la conclusion suivante : « Simplifiez, simplifiez, il en restera toujours quelque chose… de complexe ! ».

  • En deuxième lieu, l’efficacité de ce régime provisoire reste à démontrer : il n’est, en effet, nullement établi qu’il permette une véritable relance de la construction de logements. Si une personne n’a pas commencé les travaux pendant deux ans, pourquoi les commencerait-elle la troisième année ? Seule une minorité de projets devrait réellement bénéficier de cette prolongation de la durée de validité des autorisations.

  • Enfin, en troisième et dernier lieu, le décret ne résout pas le véritable problème en matière de construction, tenant au caractère précaire et fragile des autorisations d’urbanisme tant qu’elles ne sont pas définitives.

En effet, lorsqu’une autorisation d’urbanisme est délivrée, elle est fréquemment contestée en justice. Le délai avant l’obtention d’une décision juridictionnelle irrévocable est long et le pétitionnaire devra attendre l’issue du recours contentieux pour savoir si son autorisation est légale ou si elle doit être annulée. Ainsi, lorsqu’un projet fait l’objet d’un recours, les constructeurs ont tendance à attendre qu’une décision juridictionnelle irrévocable soit rendue avant de débuter les travaux de construction de l’immeuble. Les établissements de crédit attendent également souvent que l’autorisation de construire soit définitive avant de verser aux constructeurs les sommes d’argent leur permettant de mener à bien leur projet. Un recours contentieux est donc bien plus bloquant pour la construction que la question de la durée de validité des autorisations…

Il nous parait donc nécessaire, pour relancer la construction de logements, de réduire la durée de jugement des litiges en matière d’urbanisme devant les juridictions administratives.

Des mesures ont déjà été prises en ce sens. Ainsi, les conditions relatives à l’intérêt à agir des requérants ont été durcies (art. L.600-1-2 et suivants du code de l’urbanisme), ce qui devait réduire le nombre de recours et, par voie de conséquence, contribuer à réduire le temps de jugement des autres affaires. De même, il a notamment été créé des articles L. 600-1-4 et L. 600-5-1 du code de l’urbanisme visant respectivement à distinguer l’exploitation commerciale des bâtiments de la régularité de leur construction et à permettre un sursis à statuer du juge en attendant la régularisation du permis de construire, de démolir ou d’aménager grâce à un permis modificatif. Ces mesures devaient également contribuer à permettre au juge de sécuriser au plus vite les autorisations d’urbanisme contestées devant lui.

En dépit de ces mesures, les juridictions administratives sont encore engorgées par les recours en matière d’urbanisme et ne peuvent se prononcer rapidement. Plutôt que de prolonger, à l’instar du décret du 29 décembre 2014, la durée de validité des autorisations, il serait peut-être plus pertinent d’accorder plus de moyens humains, matériels et financiers aux juridictions administratives. Elles pourraient ainsi réduire leur durée de jugement et les autorisations jugées légales pourraient aboutir plus vite à la construction de nouveaux logements. Cette solution de relance du logement serait, en quelque sorte, beaucoup plus « constructive »…

 

Marie-Coline Giorno

Green Law Avocat