Urbanisme: recours contre un avis défavorable de l’ABF – le silence du Préfet vaut accord (CAA Lyon, 8 nov.2018, n°16LY02353)

Sablier - Temps - DurŽe

Par Maître Lou DELDIQUE, Avocat of counsel – GREEN LAW AVOCATS (lou.deldique@green-law-avocat.fr)

Dans une décision rendue le 8 novembre 2018 (CAA Lyon, 8 novembre 2018, n°16LY02353, consultable ici) la Cour administrative d’Appel de Lyon apporte d’intéressantes précisions sur le recours adressé au Préfet de région en cas d’avis défavorable de l’ABF.

Rappelons en effet que dans certains cas (prévus aux articles L 632-1 et suivants du code du patrimoine et R.425-1 et suivants du code de l’urbanisme) le permis de construire ne peut être délivré sans que l’ABF n’ait préalablement donné son accord (voir notamment : CAA Bordeaux, 23 mars 1998, n° 96BX02068 ; CAA Bordeaux, 12 févr. 2007, n° 04BX00894 ; CAA Bordeaux, 15 mars 2012, n° 11BX01635 ; CE, 11 mars 2009, n°307656 ; CE, 9 juill. 2010, n° 31146 ; CE, 19 février 2014, n°361769 ; CE, 4 mai 2018, n°410790 et notre analyse ici).

Dans la mesure où la décision de l’ABF lie l’autorité d’urbanisme, elle peut faire l’objet d’un recours spécifique, organisé par le code de l’urbanisme, qui prévoit que « le pétitionnaire peut, en cas d’opposition à une déclaration préalable ou de refus de permis fondé sur un refus d’accord de l’architecte des Bâtiments de France, saisir le préfet de région, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, d’un recours contre cette décision dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’opposition ou du refus » (CU, art. R. 424-14 ; voir aussi l’art. R.423-68).

 

En l’espèce, l’ABF avait opposé un avis défavorable à un projet de construction de onze maisons situées dans le champ de visibilité d’un édifice classé, ce qui avait conduit le Maire à refuser le permis de construire demandé.

Le pétitionnaire avait alors saisi le Préfet de région d’un recours visant à obtenir l’infirmation de l’avis de l’ABF. Sans retour de cette autorité, il avait considéré que le refus de permis de construire opposé par le Maire était toujours en vigueur, et il avait porté l’affaire devant le Tribunal administratif, qui avait rejeté son recours.

En appel, la Cour se fonde sur les dispositions l’article L. 621-32 du Code du patrimoine, qui prévoyait alors qu’ « en cas de désaccord soit du maire […] soit du pétitionnaire avec l’avis émis par l’architecte des Bâtiments de France, le représentant de l’Etat dans la région émet, après consultation de la section de la commission régionale du patrimoine et des sites, un avis qui se substitue à celui de l’architecte des Bâtiments de France. […] En l’absence de décision expresse du représentant de l’Etat dans la région dans le délai de deux mois à compter de sa saisine par le maire, l’autorité administrative compétente ou le pétitionnaire, le recours est réputé admis ». Notons que l’article R.423-68 du code de l’urbanisme (auquel renvoie l’article R.424-14 précité) disposait également qu’« en l’absence de décision expresse du préfet de région à l’issue du délai [de deux mois lorsque l’avis porte sur des travaux situés dans le champ de visibilité d’un monument historique], le recours est réputé admis. ».

Et elle considère :

  • Que le silence du Préfet a en réalité fait naitre une décision implicite d’acceptation du recours ;
  • Et que dans la mesure où l’avis défavorable de l’ABF avait été infirmé, le silence du Maire avait lui aussi fait naître un permis de construire tacite.

 « Le silence du préfet de région sur le recours formé par le pétitionnaire contre l’avis défavorable de l’architecte des Bâtiments de France a fait naître, le 1er octobre 2013, une décision implicite infirmant cet avis et le silence du maire de Saint-Martin-le-Vinoux au terme du délai d’un mois dont il disposait pour statuer à nouveau sur la demande de M. J… à compter de cette date, a fait naître au profit du pétitionnaire un permis de construire tacite. Si le préfet, auquel la cour a demandé de fournir des précisions sur les modalités d’instruction du recours de M. J…, a indiqué que ses « services ne trouvent pas trace de cette procédure préalable » et s’il n’a, de fait, ni notifié ce recours au maire, ainsi que le prévoient les dispositions de l’article R. 424-14 du code de l’urbanisme, ni pris de décision expresse sur le recours du requérant dans le délai de deux mois imparti par les dispositions de l’article L. 621-32 du code du patrimoine au terme duquel le recours est réputé admis, ces circonstances sont sans incidence sur la naissance d’une décision implicite infirmant l’avis défavorable de l’architecte des Bâtiments de France et d’un permis de construire tacite, dès lors, en tout état de cause, que le pétitionnaire avait lui-même adressé au maire copie de son recours contre l’avis de l’architecte des Bâtiments de France. L’absence de consultation par le préfet de la section de la commission régionale du patrimoine et des sites est également sans incidence sur la naissance de ces décisions tacites. »

Dépourvu d’objet car dirigé contre un refus qui avait en réalité disparu, le recours du pétitionnaire est donc jugé irrecevable.

Précisons que cette solution ne serait aujourd’hui plus retenue, car depuis qu’il a été modifié par le décret n°2017-456 du 29 mars 2017, l’article R. 424-14 prévoit qu’en cas de silence du Préfet, celui-ci est réputé avoir confirmé la décision de l’autorité compétente (et donc le refus) à l’issue d’un délai de deux mois.