Performance énergétique des bâtiments : nouvelles obligations pour les entrepôts commerciaux et locaux industriels avec la Loi Énergie climat

Businessman choosing between hard and easy way

Par Maître Sébastien BECUE, avocat of counsel (Green Law Avocats)

La loi dite « Energie et climat » (loi n°2019-1147 du 8 novembre 2019), publiée au JO le 9 novembre 2019 crée au sein du code de l’urbanisme un nouvel article L. 111-18-1 au sein de la section « Performances environnementales et énergétiques » du Règlement national d’urbanisme.

Il s’agit d’une reprise partielle des dispositions du second alinéa de l’ancien article L. 111-19 du code de l’urbanisme, abrogées par la loi, et qui prévoyaient que la construction des projets soumis à autorisation d’exploitation commerciale était subordonnée à la mise en œuvre de certaines obligations en matière de performance énergétique des bâtiments. Cet article s’appliquait aux permis de construire dont la demande avait été déposée à compter du 1er mars 2017.

Le nouvel article L. 111-18-1 élargit considérablement les catégories de constructions concernées par ces obligations de performance énergétique (I) en précise le contenu (II) et prévoit des possibilités de dérogation motivées sous conditions strictes (III).

I/ Le champ d’application des obligations de performance énergétique

La première condition de soumission à l’obligation est que la construction projetée crée plus de 1.000 m² d’emprise au sol.

La seconde est que la construction projetée appartienne à l’une des catégories listées. Sont ainsi concernés :

  • Les magasins de commerce de détail, les ensembles commerciaux et les « drives »

Il s’agit des constructions soumises à autorisation d’exploitation commerciale au titre des 1°, 2°, 4°, 5° et 7° de l’article L. 752-1 du code de commerce – précisées aux articles R. 752-1 et suivants du même code :

  • La création ou l’extension d’un magasin de commerce de détail ou d’un ensemble commercial d’une surface de vente supérieure à 1.000 m²
  • La création ou l’extension d’un « drive» (ou plutôt, selon sa poétique qualification par le code de commerce : d’un « point permanent de retrait par la clientèle d’achats au détail commandés par voie télématique, organisé pour l’accès en automobile »)

Rappelons que l’ancien article L. 111-19 du code de l’urbanisme soumettait à l’obligation toutes les constructions soumises à autorisation d’exploitation commerciale. Certaines opérations soumises à autorisation d’exploitation commerciale ne sont donc plus soumises à l’obligation : la catégorie 3° : changement de secteur d’activité d’un commerce d’une surface de vente supérieure à 2 000 m², ou supérieure à 1.000 m² si l’activité nouvelle est à prédominance alimentaire ; et la catégorie 6° : la réouverture au public, sur le même emplacement, d’un magasin de commerce de détail d’une surface de vente supérieure à 2 500 mètres carrés dont les locaux ont cessé d’être exploités pendant trois ans.

  • Les locaux à usage industriel ou artisanal, d’entrepôts, de hangars non ouverts au public faisant l’objet d’une exploitation commerciale (de plus de 1.000 m² d’emprise au sol, donc)

Il s’agit d’une extension considérable du champ d’application des obligations de performance énergétique.

Notons que cette liste semble reprise de l’article L. 331-12 du code de l’urbanisme qui prévoit un abattement de 50% de taxe d’aménagement pour ces mêmes constructions.

II/ Le contenu des obligations de performance énergétique

Les constructions soumises à l’obligation doivent comporter :

  • soit un procédé de production d’énergies renouvelables

On note qu’il n’est pas fixé de seuil minimal de production. Rien ne semble s’opposer à ce que l’énergie produite soit vendue à l’acheteur obligé ou sur la marché, ou encore qu’elle soit utilisée en autoconsommation pour la consommation du bâtiment.

Le dispositif pourrait avoir un effet incitatif pour l’utilisation de l’autoconsommation collective, dont le régime a également été modifié par la loi Energie Climat (ce sera l’objet d’un prochain article sur ce blog).

  • soit une toiture végétalisée (ou plutôt, selon sa poétique qualification par le code de l’urbanisme : d’un « système de végétalisation basé sur un mode cultural garantissant un haut degré d’efficacité thermique et d’isolation et favorisant la préservation et la reconquête de la biodiversité»)

Sur ce point, nous attirons l’attention des parties prenantes sur le débat en cours concernant la nature de la toiture végétalisée au regard des obligations de garantie du constructeur : ouvrage ? élément d’équipement ? autre ? Rappelons par exemple que la Cour de cassation a considéré que le constructeur ne doit pas la garantie de bon fonctionnement pour le revêtement végétal (Civ. 3, 18 fév.  2016, n°15-10.750).

  • soit tout autre dispositif aboutissant au même résultat

On devine, mais sans certitude, que le « même résultat » en question vise le « haut degré d’efficacité thermique et d’isolation et favorisant la préservation et la reconquête de la biodiversité » que doit permettre la toiture végétalisée.

Il est précisé que la mise en œuvre de ces obligations se fait sur la toiture ou sur les ombrières de parking. Un minimum de 30% de la surface de la toiture ou des ombrières est imposé.

On comprend donc qu’en réalité, l’énergie renouvelable à laquelle il est fait référence est a priori pour l’heure seulement photovoltaïque, la seule qui peut en pratique est générée en toiture ou sur ombrière.

Par ailleurs, si la construction prévue prévoit la création d’une aire de stationnement associée, celle-ci doit inclure « des revêtements de surface, des aménagements hydrauliques ou des dispositifs végétalisés favorisant la perméabilité et l’infiltration des eaux pluviales ou leur évaporation et préservant les fonctions écologiques des sols ».

III/ Les possibilités de dérogation aux obligations

Il existe d’une part trois motifs de dérogation générale à l’obligation, sous réserve de l’obtention d’une décision motivée de l’autorité compétente en matière d’urbanisme.

En pratique cela signifie que le permis de construire délivré devra comporter dans ses visas la justification de l’application de la dérogation à la construction projetée. Cela signifie également que le dossier de demande de permis de construire devra justifier de manière détaillée pourquoi il entre dans l’une des hypothèses de dérogation prévues.

Attention le texte précise que l’autorité peut « écarter tout ou partie de l’obligation », ce qui veut dire que ce n’est pas par exemple parce qu’une partie du bâtiment est exposée à un risque particulier ou visible depuis un monument historique que les obligations ne peuvent pas s’appliquer pour le reste du bâtiment.

Les motifs de dérogation sont les suivants :

  • Lorsque l’ensemble des procédés, systèmes et dispositifs mentionnés sont de nature à aggraver un risque

Cette formulation signifie qu’il faut étudier la possibilité de mise en place de chacun des dispositifs possibles. Ce n’est que s’il est démontré que tous comportent un risque que la dérogation est possible.

  • Lorsque l’installation des procédés, systèmes et dispositifs mentionnés présente une difficulté technique insurmontable ou qui ne peut être levée dans des conditions économiquement acceptables

La force des termes choisis par le législateur devrait conduire l’autorité compétente à ne s’estimer convaincue du caractère qu’au prix d’une démonstration

  • Lorsque l’installation des procédés, systèmes et dispositifs mentionnés est prévue dans l’un des secteurs protégés mentionnés à l’article L. 111-17 du code de l’urbanisme

Sont listées peu ou prou toutes les possibilités de classement règlementaire pour motif esthétique, paysager ou patrimonial.

Il existe d’autre part une possibilité de dérogation spéciale, réservée aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et dont les conditions de mise en œuvre doivent être définies par un arrêté ministériel.

Le projet d’arrêté est actuellement en consultation. Nous reviendrons sur son contenu une fois qu’il sera publié.