minePar un arrêt en date du 25 juin 2014 (consultable ici), le Conseil d’Etat vient préciser sa jurisprudence relative au contenu et à la portée des chartes de parcs naturels régionaux (PNR), et à leur articulation avec la réglementation applicable en matière de carrières.

On se souvient notamment que la position jurisprudentielle était fixée par un arrêt de 2012 (CE, 8 févr. 2012, n°321219). Dans sa décision de février 2012, la Haute Juridiction avait indiqué qu’aux termes de l’article L. 333 1 du code de l’environnement, la charte d’un parc naturel régional (PNR) est un acte destiné à « orienter l’action des pouvoirs publics (…) et à assurer la cohérence de cette action avec les objectifs qui y sont définis », et qu’il « appartient l’Etat et aux différentes collectivités territoriales concernées de prendre les mesures et de mener les actions propres à assurer la réalisation des objectifs de la charte et de mettre en œuvre les compétences qu’ils tiennent des différentes législations, dès lors qu’elles leur confèrent un pouvoir d’appréciation, de façon cohérente avec les objectifs ainsi définis. »

L’arrêt du 8 février 2012 rappelait toutefois que « la charte d’un parc naturel régional ne peut légalement imposer par elle-même des obligations aux tiers, indépendamment de décisions administratives prises par les autorités publiques à leur égard » et qu’ « elle ne peut davantage subordonner légalement les demandes d’autorisations d’installations classées pour la protection de l’environnement à des obligations de procédure autres que celles prévues par les différentes législations en vigueur ». Il précisait également que les mesures permettant de mettre en œuvre les orientations de protection, de mise en valeur et de développement de la charte peuvent « être précises et se traduire par des règles de fond avec lesquelles les décisions prises par l’Etat et les collectivités territoriales adhérant à la charte dans l’exercice de leurs compétences devront être cohérentes , sous réserve que ces mesures ne méconnaissent pas les règles résultant des législations particulières régissant les activités qu’elles concernent. »

Concernant plus précisément l’activité d’extraction de matériaux, le Conseil d’Etat avait alors jugé qu’en raison des nuisances environnementales et paysagères que celle-ci est susceptible de générer, la charte d’un PNR pouvait lui imposer des restrictions, sous réserve de ne pas méconnaître les prescriptions des autres règles applicables en matière de carrières.

En l’espèce, l’Union nationale des industries de carrières et des matériaux de construction (Unicem) Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon contestait la légalité du décret n° 2012-1390 du 11 décembre 2012 portant classement du PNR du Haut-Languedoc, et notamment la mesure 3.1.3 de la charte (reprise dans l’article 2 du décret), qui comporte des orientations stratégiques concernant l’exploitation des carrières sur le territoire du parc.

Cette mesure prévoit en effet :

–        « de poursuivre l’exploitation des matériaux du sous-sol du massif du Sidobre »,

–        «de valoriser les autres gisements potentiels, identifiés par les schémas départementaux des carrières sur le territoire du parc, à travers la possibilité de renouveler et étendre les carrières existantes, sauf dans les zones regardées comme espace d’intérêt écologique et espace paysager remarquable »,

–        et « de permettre la réouverture d’anciennes petites carrières patrimoniales ».

La fédération requérante soutenait que les auteurs de la charte avaient excédé leur compétence et empiété sur celles du préfet, chargé de l’élaboration du schéma départemental des carrières, en application de l’article R. 515-5 du code de l’environnement, d’une part, et méconnu le principe d’égalité en ne permettant l’ouverture de nouvelles carrières que dans le massif du Sidobre, où prédominent les matériaux graniteux, d’autre part.

Dans son arrêt du 25 juin 2014, le Conseil d’Etat reprend le considérant de principe de sa décision du 8 février 2012, rappelant ainsi que la charte peut légalement comporter des mesures précises concernant l’activité d’extraction et imposer une localisation de cette activité dans des zones qui lui sont affectées, dès lors qu’il s’agit d’une activité de nature à engendrer des nuisances environnementales et paysagères.

Sur le moyen tiré de l’incompétence des auteurs de la charte, il juge que « dans le cas où le zonage de ce schéma départemental serait différent de celui de la charte d’un parc naturel régional, il appartient à l’Etat de veiller à ce que les décisions qu’il prend dans l’exercice de ses autres compétences soient cohérentes avec les prescriptions de la charte » et rejette donc le moyen.

Sur le moyen tiré de la méconnaissance du principe d’égalité, il considère qu’en l’espèce, la différence de traitement se justifie au regard de la différence de situation entre le massif du Sidobre et les autres parties du territoire du parc, et qu’elle est en rapport direct avec les objectifs de protection de l’environnement poursuivis par la charte. Ce second moyen a don également été écarté.

On notera que cette décision confirme la jurisprudence précitée de 2012, tout en l’affinant : en effet, dans sa première décision, le Conseil d’Etat avait annulé  l’article 2 du décret du 30 juillet 2008 portant classement du PNR du massif des Bauges, au motif que cette disposition imposaient aux exploitants de carrière, tant pour l’exercice de leur activité que pour toute demande d’une autorisation d’ouverture ou d’extension de carrière, le respect d’obligations de procédure qui s’ajoutaient à celles prévues pour la délivrance des autorisations ICPE et par la législation spécifique aux carrières.

Il s’en infère que si la charte peut imposer une localisation précise aux carrières, elle ne peut néanmoins empiéter sur les pouvoirs de police spéciale du représentant de l’Etat et alourdir la procédure d’autorisation : la marge de manœuvre dévolue aux auteurs de la charte doit donc nécessairement respecter cet entre-deux… ce à quoi les industriels doivent veiller.

Lou DELDIQUE

Green Law Avocat