Le juge administratif des référés et le COVID-19 : maigre bilan pour la suspension !

shutterstock_1248906259Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats)

En cette période de crise sanitaire où l’on ne peut constater que le Conseil d’Etat n’est guère enclin à suspendre les mesures d’exceptions prises par le Gouvernement, on se rassure de retrouver le juge administratif dans son rôle de gardien des libertés publiques au moins contre le risque d’arbitraire des édiles locaux !

Certes nos Conseillers d’Etats semblent particulièrement dévoués à la vision que se fait l’exécutif et ses administrations déconcentrées de la bonne façon de gérer la crise sanitaire.

D’abord ce sont les demandes d’injonction de mesures incombant à l’Etat pour mieux protéger les libertés publiques de citoyens qui sont finalement rejetées in abstracto par le juge des référés au Conseil d’Etat (CE ord. 4 avril 2020, Mme E. et autres, n° 439816). Certains ont voulu d’emblée durcir le confinement en sollicitant du Conseil d’Etat qu’il enjoigne au premier Ministre de prendre les mesures suivantes :

– isolement et mise en quarantaine systématique de tous les nouveaux arrivants sur le territoire ;

– mise en place des dépistages au départ dans les aéroports et les ports internationaux, tout en réduisant au minimum les perturbations du trafic international ;

– fourniture de masques et de matériels de santé nécessaires pour la lutte contre

l’épidémie en quantité et en qualité au personnel de santé dans les plus brefs délais ;

– instauration d’un couvre-feu sur l’ensemble du territoire à compter de 22 heures jusqu’à 5 heures du matin, sauf pour des motifs qui devront être précisés, notamment pour la continuité des services publics ;

– réquisition de tous locaux nécessaires à la protection et au confinement de l’ensemble des personnes sans domicile fixe sur tout le territoire ;

– mise en place de points de contrôle dans les grands axes des villes, au besoin en recourant à l’armée ;

– mise en quarantaine systématique des récidivistes contrevenant aux règles de confinement ;

– réquisition des hôtels ou de tout bâtiment pouvant offrir des conditions d’hébergement dignes pour les personnels soignants et l’ensemble des agents publics particulièrement exposés aux personnes contaminées à proximité des hôpitaux privés ou publics, ou des cliniques ;

– confinement strict des personnels soignants ;

– organisation pour le personnel hospitalier des tests généralisés et automatiques en vue de lutter efficacement contre la pandémie à l’hôpital ;

– organisation d’un service d’acheminement de la nourriture et des produits de première nécessité dans les hôpitaux afin de permettre aux personnels soignants de ne pas sortir de l’hôpital pour réaliser ces achats ;

– prise en charge, aux frais de l’Etat, du coût de l’ensemble de ces mesures ;

– mise en place dans chaque hôpital ou clinique d’une télé-cérémonie funéraire pour les proches d’un patient décédé du coronavirus et d’une prise en charge des frais funéraires par l’Etat ;

– interdiction des rassemblements de plus de deux personnes ;

– mise à disposition de tous les hôpitaux du matériel adéquat pour assurer la possibilité des proches de rester en contact visuellement avec leurs proches ;

Mais pour le Conseil d’Etat « les requérants ne peuvent utilement se prévaloir à ce titre de l’atteinte susceptible d’être portée aux libertés fondamentales qu’ils invoquent au motif qu’un confinement insuffisamment rigoureux risquerait de durer plus longtemps ».

Plus largement toutes les tentatives en référé pour obtenir une censure des décisions administratives prises par l’Etat au titre de la crise sanitaire ont été vaines ou presque.

C’est ainsi sans succès que le Syndicat des avocats de France, d’une part, et l’Union des jeunes avocats de Paris, de l’Association des avocats pénalistes et du Conseil national des barreaux, d’autre part, demandaient de suspendre l’exécution des plusieurs dispositions de l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 ainsi que l’exécution de la circulaire du 26 mars 2020 (CE ord. 3 avril 2020, Syndicat des avocats de France, n° 439894 ; CE ord. 3 avril 2020, Union des jeunes avocats de Paris et autre, n° 439877). On demeure néanmoins très dubitatif de voire le Conseil d’Etat juger que les articles 13 et 14 de l’ordonnance qui dérogent à la présence de l’avocat durant une garde à vue ou une rétention douanière ainsi que la prolongation de la durée des gardes à vue, y compris de mineurs « ne portant, eu égard aux circonstances actuelles, pas d’atteinte manifestement illégale à une liberté fondamentale »…

D’ailleurs la tentation des tribunaux administratifs d’enjoindre à l’Etat de prendre des mesures auxquelles il se refuse ne passe pas au Conseil d’Etat. Ainsi le syndicat de l’Union générale des travailleurs de Guadeloupe (UGTG) avait obtenu des juges des référés du tribunal administratif de Guadeloupe qu’il soit enjoint au centre hospitalier universitaire et à l’agence régionale de la santé de la Guadeloupe de passer commande de tests de dépistage du Covid-19 et des doses nécessaires au traitement de l’épidémie de Covid-19 par l’hydroxychloroquine et l’azithromycine, comme défini par l’IHU Méditerranée infection, pour être capable de diagnostiquer et traiter la population guadeloupéenne. Mais par une ordonnance du 4 avril 2020, le juge des référés du Conseil d’Etat (CE ord. 4 avril 2020, Centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe et autre, n° 439904) a affirmé que si l’autorité administrative est en droit, lorsque des incertitudes subsistent quant à l’existence ou à la portée de risques pour la santé des personnes, de prendre des mesures de protection sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées, en revanche, l’existence de telles incertitudes fait, en principe, obstacle à ce que soit reconnue une atteinte grave et manifestement illégale d’une liberté fondamentale, justifiant que le juge des référés fasse usage de ses pouvoirs. Même si l’ordonnance rendue au Palais royal est particulièrement motivée, le risque que l’on fait prendre à la population locale depuis paris expose sans doute moins celui qui juge …

Et d’ailleurs les conseillers d’Etat sont pour ainsi dire obéis. Ainsi le juge des référés du Tribunal administratif de Marseille juge par une ordonnance du 6 avril 2020, considère qu’il n’y a pas de carence dans la constitution de stocks d’hydroxychloroquine et d’azythromycine dans le cadre de la prescription actuellement permis de ces molécules (TA Marseille ord. 6 avril 2020, Syndicat des médecins Aix et région (SMAER) et autres, n° 2002867).

Le syndicat des médecins Aix et région (SMAER) et les syndicat Infin’idels, notamment, lui demandaient d’enjoindre, à l’Agence régionale de santé (ARS) de Provence-Alpes-Côte d’Azur de commander des doses d’hydroxychloroquine et d’azythromycine. Reprenant le raisonnement suivi par le Conseil d’Etat avant lui, ce juge des référés affirme qu’« au regard des effets indésirables graves de l’hydroxychloroquine, des incertitudes pesant encore sur les résultats des études chinoises et de l’IHU Méditerranée infection, et alors que les mesures prises par les décrets des 25 et 26 mars 2020 sont susceptibles d’évolution dans des délais très rapides, conformément aux déclarations du ministre des solidarités et de la santé, au vu des premiers résultats de l’essai clinique européen Discovery, qui doivent parvenir dans les prochains jours, et du nouvel essai clinique mis en place le 1er  avril 2020 pour évaluer l’efficacité de l’hydroxychloroquine chez des patients atteints d’une forme non grave d’infection à covid-19 mais présentant un risque élevé d’évolution défavorable, il ne peut être reproché à l’Agence régionale de santé aucune carence caractérisée, dans l’usage des pouvoirs dont elle dispose, constitutive d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ».

Et dès le 1er avril, le juge des référés du TA de Martinique  rejetait l’injonction de dépistages systématiques de la population martiniquaise, des demandes de commandes massives de chloroquine et de mise à disposition de matériels de protection (TA Martinique ord. 1er avril 2020, Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais et autres).

Le raisonnement tenu par le juge des référés du Tribunal administratif de Versailles saisi par un maire de la légalité de la double condition pour l’autorisation de la réouverture des marchés voit encore les choix de l’Etat et du préfet validé par la juridiction (TA Versailles ord. 3 avril 2020, Commune de Maisons-Laffitte, n° 2002287).

En l’espèce, le maire de la commune de Maisons-Laffitte avait demandé au préfet des Yvelines d’autoriser la réouverture du marché alimentaire se tenant le mercredi et le samedi sur la place du marché et face au refus du préfet, la commune en a demandé la suspension au tribunal administratif de Versailles.

Mais pour le juges des référés : « l’interdiction de tenue des marchés posée par l’article 8 du décret du 23 mars 2020 trouve son fondement légal dans les dispositions […] de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique qui permet au Premier ministre d’ordonner la fermeture provisoire d’une ou plusieurs catégories d’établissements à l’exception de ceux fournissant des biens ou des services de première nécessité. Elle repose sur le constat que l’insuffisance des mesures d’organisation rendait, dans une large mesure, difficile le respect des règles de sécurité sanitaire, en particulier les règles de distance minimale entre les personnes, qu’impose la situation actuelle. Cette interdiction générale s’accompagne de la faculté pour le représentant de l’Etat d’autoriser, au terme d’un examen des circonstances locales, l’ouverture d’un marché alimentaire à la double condition que doive être satisfait un besoin d’approvisionnement de la population et que les conditions de son organisation ainsi que les contrôles mis en place permettent de garantir le respect des règles de sécurité sanitaire requises pour assurer la protection tant de la population que des personnes y travaillant. Dans ces conditions, les dispositions du III de l’article 8 du décret du 23 mars 2020 ménagent un juste équilibre entre la nécessité de garantir la santé publique et la satisfaction des besoins d’approvisionnement de la population, conformément à l’obligation posée par l’article L. 3131-15 du code de la santé publique selon lequel les mesures prises sur son fondement doivent être strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu ».

Très tôt, syndicat Jeunes Médecins avait demandé au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative (CE, 22 mars 2020, n°439674). Dans cette affaire dite de la « Demande de confinement total »(pour une vidéo très pédagogique sur le sujet : cf. son commentaire sur la chaîne Vulgadroit) , le syndicat demandait à la haute juridiction :

1°) d’enjoindre au Premier ministre et au ministre des solidarités et de la santé de prononcer un confinement total de la population par la mise en place de mesures visant à : – l’interdiction totale de sortir de son lieu de confinement sauf autorisation délivrée par un médecin pour motif médical ; – l’arrêt des transports en commun ; – l’arrêt des activités professionnelles non vitales (alimentaire, eau et énergie, domaines régaliens) ; – l’instauration d’un ravitaillement de la population dans des conditions sanitaires visant à assurer la sécurité des personnels chargés de ce ravitaillement ;

2°) d’enjoindre au Premier Ministre et au ministre des solidarités et de la santé de prendre les mesures propres à assurer la production à échelle industrielle de tests de dépistage et de prendre les mesures réglementaires propres à assurer le dépistage des personnels médicaux.

Les juges du référé liberté rejeté la demande tendant à ce qu’il soit enjoint au premier ministre de prendre une série de mesures tendant à assurer un confinement total de la population, mais ont enjoint au Premier ministre et au ministre de la santé de préciser ou de prendre dans les quarante-huit heures les mesures suivantes au nom du droit à la vie :

– préciser la portée de la dérogation au confinement pour raison de santé ;

– réexaminer le maintien de la dérogation pour « déplacements brefs, à proximité du domicile » compte tenu des enjeux majeurs de santé publique et de la consigne de confinement ;

– évaluer les risques pour la santé publique du maintien en fonctionnement des marchés ouverts, compte tenu de leur taille et de leur niveau de fréquentation.

L’ordonnance rappelle qu' » il appartient à ces différentes autorités de prendre, en vue de sauvegarder la santé de la population, toutes dispositions de nature à prévenir ou à limiter les effets de l’épidémie. Ces mesures, qui peuvent limiter l’exercice des droits et libertés fondamentaux, comme la liberté d’aller et venir, la liberté de réunion ou encore la liberté d’exercice d’une profession doivent, dans cette mesure, être nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif de sauvegarde de la santé publique qu’elles poursuivent   » (considérant n°3 ).

Et pour rejeter la demande de confinement total le juge des référés fait valoir que  » Si un confinement total de la population dans certaines zones peut être envisagé, les mesures demandées au plan national ne peuvent, s’agissant en premier lieu du ravitaillement à domicile de la population, être adoptées, et organisées sur l’ensemble du territoire national, compte tenu des moyens dont l’administration dispose, sauf à risquer de graves ruptures d’approvisionnement qui seraient elles-mêmes dangereuses pour la protection de la vie et à retarder l’acheminement des matériels indispensables à cette protection. En outre, l’activité indispensable des personnels de santé ou aidants, des services de sécurité de l’exploitation des réseaux, ou encore des personnes participant à la production et à la distribution de l’alimentation rend nécessaire le maintien en fonctionnement, avec des cadences adaptées, des transports en commun, dont l’utilisation est restreinte aux occurrences énumérées par le décret du 16 mars 2020. Par ailleurs, la poursuite de ces diverses activités vitales dans des conditions de fonctionnement optimales est elle-même tributaire de l’activité d’autres secteurs ou professionnels qui directement ou indirectement leur sont indispensables, qu’il n’apparaît ainsi pas possible d’interrompre totalement. Par suite, il n’apparait pas que le Premier ministre ait fait preuve d’une carence grave et manifestement illégale en ne décidant pas un confinement total de la population sur l’ensemble du territoire selon les modalités demandées par le syndicat requérant.  » (considérant n°3 ).

Reste néanmoins deux ordonnances de Tribunaux qui montrent qu’à l’endroit des initiatives  local les Tribunaux administratifs sont bien plus enclins à suspendre !

C’est d’abord cette ordonnance du TA de Montreuil qui doit retenir l’attention : le juge du référé liberté considère  qu’un maire ne peut pas accroître les restrictions à la liberté d’aller et venir, en invoquant de manière générale un défaut de respect du confinement (TA Montreuil ord. 3 avril 2020, M. R., n° 2003891).

Les dispositions de l’article L3131-15 du code de la santé publique (créé par Loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 – art. 2) confèrent à l’Etat un pouvoir de police spéciale en cas d’urgence sanitaire. Parmi ces mesures figurent celles restreignant ou interdisant la circulation des personnes et des véhicules.  Et ce pouvoir de police spéciale ne fait pas obstacle à ce que, pour assurer la sécurité et la salubrité publiques le maire fasse usage, en fonction de circonstances locales particulières, des pouvoirs de police générale qu’il tient des articles L. 2212-1 et suivants du code général des collectivités territoriales. Toutefois, la légalité de mesures plus restrictives est subordonnée à la condition qu’elles soient justifiées par l’existence de circonstances locales particulières.

Et si le maire prend des mesures de police plus contraignantes de nature à porter une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, le juge des référés libertés, saisi d’une demande justifiée par l’urgence et sur le fondment de l’article L521-2 du Code de Justice administrative, peut dans un délai de 48 heures prendre toute mesure de nature à faire cesser une telle atteinte.

Mais comme le rappelle le TA de Montreuil « Toutefois, la légalité de mesures plus restrictives est subordonnée à la condition qu’elles soient justifiées par l’existence de circonstances locales particulières ».

En l’espèce était contesté devant juge Montreuillois par un habitant de la commune de Saint-Ouen-sur-Seine, un arrête de son maire interdisant pendant la crise sanitaire que l’on connait le déplacement et la circulation des personnes sur l’ensemble du territoire de la commune entre 19 heures et 6 heures du matin, cette interdiction ne s’appliquant pas aux personnels intervenant pour des missions de service public.

La commune faisait en particulier valoir les difficultés de la situation sanitaire dans le département de la Seine-Saint-Denis et les entorses aux mesures de confinement et de distanciation sociale qui seraient favorisées par l’ouverture tardive de certains commerces.

Or le Tribunal suspend  l’arrête contesté en tant qu’il susceptible de porter une atteinte grave notamment à la liberté d’aller et de venir des personnes concernées, qui constitue une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative.

En effet pour le Tribunal : « il est constant que le préfet a, par un arrête du 25 mars 2020, interdit l’ouverture notamment des débits de boisson après 21 heures sur l’ensemble du département de Seine-Saint-Denis afin de lutter contre les attroupements intempestifs de nature à favoriser la propagation de l’épidémie. Par ailleurs, la seule invocation générale du défaut de respect des règles du confinement dans la commune de Saint-Ouen-sur-Seine ne saurait être regardée comme une circonstance particulière de nature à justifier une restriction à la liberté de circulation particulièrement contraignante, puisque prenant effet à partir de 19 heures, et ce alors même qu’aucune autre commune de ce département n’a pris de telles dispositions ».

C’est enfin le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise (TA Cergy-Pontoise, 9 avril 2020, n°2003905) qui a suspendu l’exécution de l’arrêté du 6 avril 2020 par lequel le maire de Sceaux oblige les habitants de plus de dix ans à se couvrir le nez et le visage avant de sortir.

Le juge des référés rappelle au préalable qu’il appartient à l’Etat face à une épidémie telle que celle que connaît aujourd’hui la France, de prendre, afin de sauvegarder la santé de la population, toute mesure de nature à prévenir ou limiter les effets de cette épidémie. Parmi ces mesures, figurent celles restreignant ou interdisant la circulation des personnes et des véhicules. Mais ce pouvoir de police spécial  ne fait pas obstacle à ce que, le maire adopte, au titre de la police générale du maire pour sa commune des mesures plus contraignantes permettant d’assurer la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques, pour autant que les circonstances locales particulières le justifient notamment au regard de la menace de l’épidémie.

Pour justifier l’arrêté contesté, la commune de Sceaux a fait valoir que le port d’un masque ne faisait que renforcer les « mesures barrières » actuellement en vigueur et que ce port était d’ailleurs recommandé par l’Académie nationale de Médecine pour les sorties nécessaires en période de confinement.

Le juge des référés considère d’abord que l’importance de la restriction immédiate apportée à la liberté d’aller et venir et à la liberté personnelle justifie qu’il intervienne en urgence.

Le juge des référés estime ensuite, qu’en se prévalant de telles considérations générales, dépourvues de tout retentissement local, le maire de Sceaux ne justifie pas que des risques sanitaires sont encourus, sur le territoire communal, du fait de l’absence de port d’un masque lors des déplacements des habitants.

Le maire de la commune a également soutenu que cette mesure répondait au souci de protéger les personnes âgées, population particulièrement vulnérable face au virus, lors de la levée future du confinement.

Mais le juge des référés relève enfin que toutes considérations liées à la levée du confinement concernent une situation future qui n’est, pour l’heure, pas envisagée. En outre, le juge des référés souligne que s’agissant des personnes âgées, des mesures ont déjà été mises en place par la commune pour protéger cette population, notamment à travers un service de courses livrées à domicile. Au demeurant si la commune faisait valoir les flux importants de personnes dans une rue piétonne le juge oppose à la commune les propres affirmations de la police municipale pour qui « les gestes barrière sont, dans l’ensemble assez bien respectés par les usagers ».

Enfin, le juge des référés ajoute que rien ne permet de retenir que la protection des personnes âgées ne pouvait pas être assurée par des mesures moins attentatoires aux libertés fondamentales. Il est ici très intéressant de constate que le pouvoir local contestait très frontalement les choix du gouvernement et que le juge lui répond de façon assez catégorique :

« En dernier lieu, il a été énoncé au cours des débats à l’audience que la mesure en litige était destinée à protéger les personnes âgées de la commune, qui constituent une part importante de la population dès lors que les plus de 65 ans en représentent 25%, et qui sont contraintes de faire leurs courses dans l’unique rue piétonne de la commune où sont regroupés tous les commerces et où se retrouve la plus grande concentration de personnes. Mais ces débats ont aussi fait apparaître que la commune avait mis en place un service de courses livrées à domicile au bénéfice des personnes âgées, susceptible de leur permettre d’éviter des déplacements présentant un risque excessif de côtoyer le virus. Par ailleurs, et alors qu’il a été reconnu par l’adjoint au maire présent à l’audience que la mesure en litige résulte du choix de la commune de ne pas imposer un confinement aux personnes âgées, lequel est apparu plus attentatoire aux libertés que l’obligation du port d’un dispositif de protection à l’ensemble de la population, il n’est pas établi que le même objectif de protection des personnes âgées n’aurait pu être atteint par une mesure moins contraignante, telle celle d’imposer le port d’un dispositif de protection efficace aux seules personnes âgées ou de leur réserver l’usage des commerces à certaines heures de la journée. »