Par David DEHARBE (Green Law Avocats)

La loi dite ASAP, LOI n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, a d’une manière générale pour objet d’alléger les procédures administratives et de sécuriser la réglementation applicable aux porteurs de projets en matière environnementale pour permettre le développement de l’activité industrielle.

Et, cette même loi est venue modifier le régime de la remise en état en matière d’ICPE par adoption de ses articles 57 et 58.

Le régime de la remise en état des sites applicable aux ICPE à l’occasion de l’arrêt définitif d’une installation classée pour la protection de l’environnement est d’ores et déjà encadré  par le code de l’environnement.

En effet, le code de l’environnement prévoit que l’exploitant doit notifier au préfet la date de l’arrêt définitif au moins 3 mois avant cet arrêt, conformément à l’article R.512-46-25 du code de l’environnement pour les installations soumises à enregistrement. Ce délai est également de 3 mois en ce qui concerne les ICPE soumises à autorisation et peut être porté à 6 mois pour les autorisations à durée limitée conformément à l’article R.512-39-1 du code de l’environnement.

Concernant les ICPE soumises à déclaration, l’exploitant notifie au préfet la date de l’arrêt définitif au moins 1 mois avant cet arrêt (article R.512-66-1 du code de l’environnement).

La notification ainsi prévu doit indiquer les mesures prises ou prévues pour assurer, dès l’arrêt de l’exploitation, la mise en sécurité du site et ces mesures comportent, notamment :

1° L’évacuation ou l’élimination des produits dangereux et la gestion des déchets présents sur le site ;

2° Des interdictions ou limitations d’accès au site ;

3° La suppression des risques d’incendie et d’explosion ;

4° La surveillance des effets de l’installation sur son environnement.

Mais les obligations liées à la cessation d’activité ne sont pas limitées à la mise en sécurité du site.

L’exploitant d’une installation doit encore réhabiliter le site pour rendre compatible les sols avec un usage futur conformément au code de l’environnement ou permettre un usage comparable à celui de la dernière période d’exploitation de l’installation mise à l’arrêt.

Quel que soit le régime applicable à l’installation, l’exploitant doit placer le site de l’installation dans un état tel qu’il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement et en fonction du type d’installations :

  • qu’il permette un usage futur du site déterminé selon les dispositions des articles R. 512-39-2 et R. 512-39-3 conformément à l’article R. 512-39-1 du code de l’environnement concernant le régime de l’autorisation.
  • qu’il permette un usage futur du site déterminé selon les dispositions des articles R. 512-46-26 et R. 512-46-27 conformément aux dispositions de l’article R512-46-25 du code de l’environnement concernant le régime de l’enregistrement.
  • qu’il permette un usage futur du site comparable à celui de la dernière période d’exploitation de l’installation  pour ce qui concerne les installations soumises à déclaration conformément aux dispositions de l’article R512-66-1 du code de l’environnement.

Les réhabilitations de sites ICPE, notamment sous le régime de l’autorisation et de l’enregistrement, peuvent impliquer la validation du projet et de l’usage futur par le préfet.

Et l’article R512-66-2 du code de l’environnement dispose qu’à tout moment et même après la remise en état du site, le préfet peut imposer à l’exploitant, les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 511-1.

En cas de modification ultérieure de l’usage du site, l’exploitant ne peut se voir imposer de mesures complémentaires induites par ce nouvel usage sauf s’il est lui-même à l’initiative de ce changement d’usage.

La procédure de réhabilitation peut donc s’avérer longue et complexe et nécessiter de nombreux échanges avec la DREAL et le préfet, plus particulièrement lorsque le site a été l’objet de pollutions historiques.

C’est pourquoi le nouvel exploitant ou l’aménageur du SSP peut souhaiter se substituer à l’exploitant en prenant à sa charge cette réhabilitation.

Le code de l’environnement prévoit  en effet la possibilité pour l’exploitant qui cesse l’exploitation d’avoir recours à un «tiers demandeur» qui souhaiterait changer l’usage actuel du site, de se substituer à l’exploitant, pour réaliser les travaux de réhabilitation en fonction de l’usage que ce tiers envisage pour le terrain concerné.

Cette possibilité est prévue et encadrée par l’article L. 512-21 du code de l’environnement depuis la loi ALUR.

Cette substitution n’est possible que si la demande en est faite auprès des services de l’Etat du département.

Le tiers demandeur adresse au représentant de l’Etat dans le département un mémoire de réhabilitation définissant les mesures permettant d’assurer la compatibilité entre l’usage futur envisagé et l’état des sols.

Le représentant de l’Etat se prononce alors sur l’usage proposé et peut prescrire au tiers demandeur les mesures de réhabilitation nécessaires pour l’usage envisagé.

La loi ASAP est venue modifier le régime de la remise en état applicable aux ICPE en consacrant à l’article 57 le recours à des entreprises certifiées pour attester d’une remise en état effective du site pollué (I.), et en élargissant la possibilité de transférer l’obligation de remise en état à un tiers (II.).

La loi ASAP a également modifié l’article L. 512-6-1 du code de l’environnement en imposant aux installations mises à l’arrêt et soumises à autorisation de ne pas porter atteinte aux intérêts mentionnés à l’article L. 211-1 du même code, et elle a ajouté à l’article L. 514-8 du code de l’environnement, les dépenses que l’Etat a engagées ou fait engager dans le cadre de la gestion ou du suivi des impacts et conséquences d’une situation accidentelle (III.).

Pour finir la loi d’accélération et de simplification de l’action publique édicte à son article 58 la possibilité pour le préfet de fixer un délai contraignant pour les opérations de réhabilitation et de remise en état des sites ayant accueilli des ICPE (IV.).

  1. La consécration du recours à une entreprise certifiée pour attester de la remise en état du site 

L’article 57 de la loi ASAP a inséré aux articles L. 512-6-1 et L. 512-7-6 qui concernent les installations soumises à enregistrement et autorisation un alinéa ainsi rédigé :

« L’exploitant fait attester, par une entreprise certifiée dans le domaine des sites et sols pollués ou disposant de compétences équivalentes en matière de prestations de services dans ce domaine, de la mise en œuvre des mesures relatives à la mise en sécurité ainsi que de l’adéquation des mesures proposées pour la réhabilitation du site, puis de la mise en œuvre de ces dernières. Un décret en Conseil d’Etat définit les modalités d’application du présent alinéa » ;

L’article L. 512-12-1 applicable aux installations soumises à déclaration est complété  par l’alinéa suivant :

« Selon les modalités et dans les cas définis par décret en Conseil d’Etat, l’exploitant fait attester de la mise en œuvre des mesures relatives à la mise en sécurité du site par une entreprise certifiée dans le domaine des sites et sols pollués ou disposant de compétences équivalentes en matière de prestations de services dans ce domaine » ;

La loi ASAP prévoit ainsi l’obligation d’avoir recours à une entreprise certifiée pour attester de l’adéquation des mesures proposées en termes de mise en sécurité et de réhabilitation du site.

Cette obligation sera restreinte à certains cas du moins pour ce qui concerne les installations soumises à déclaration, qui devront être définis par décret en Conseil d’Etat, ce décret définira également les modalités d’application de cette attestation. 

La loi ASAP a manifestement souhaité encadrer et rendre plus effectif la remise en état dans ses deux volets (mise en sécurité, réhabilitation en vue d’un nouvel usage ou d’une dépollution rendue nécessaire par les intérêts protégés par l’article L511-1 du code de l’environnement).

Gageons que le contrôle de l’Etat sur la réhabilitation était jusqu’ici extrêmement aléatoire… de façon très aseptisée, l’avis du Conseil d’Etat sur le projet de loi considérait que « Ces dispositions, qui apportent une garantie d’expertise et visent à faciliter les échanges entre les exploitants et l’administration, ne soulèvent pas d’objection d’ordre constitutionnel ou conventionnel ». Espérons que le gouvernement ne tarde pas à prendre e décret d’application.

Avec un  tel dispositif, il  n’appartiendra plus aux Inspecteurs de la DREAL de proposer des prescriptions complémentaires ou une mise en demeure au préfet, qu’en cas de défaut de certification ; l’option retenue par le législateur est finalement de privatiser le contrôle sur l’effectivité de la mise en sécurité et sur l’adéquation de la mesure de réhabilitation.

  1. La possibilité reconnue pour un autre tiers intéressé de se substituer au tiers demandeur

En vertu des dispositions de l’article 57, l’article L. 512-21 qui encadre la possibilité d’avoir recours à un tiers demandeur est complété par l’alinéa suivant :

« Lorsqu’un autre tiers intéressé souhaite se substituer au tiers demandeur, avec l’accord de celui-ci et de l’exploitant, il adresse une demande au représentant de l’Etat dans le département. Le représentant de l’Etat dans le département s’assure que l’usage prévu est identique à celui sur lequel il s’est prononcé. Si tel est le cas, seule la vérification des conditions prévues au présent V est effectuée, sans nouvelle application des II à IV, en vue de prendre une nouvelle décision ».

Ainsi, la possibilité est offerte à l’exploitant de substituer la charge de la réhabilitation qui lui incombe à un tiers demandeur qui peut lui-même substituer à un autre tiers intéressé.

Mais le régime du tiers demandeur initial imposé par l’article L. 512-21 du code de l’environnement demeure très exigeant malgré la modification cosmétique relative à ce nouveau tiers intéressé.

En effet, cette substitution doit être opérée dans les mêmes conditions que la substitution opérée entre l’exploitant initial et le tiers demandeur qui reste inchangée et c’est seulement si l’usage prévu est identique à celui sur lequel le représentant de l’Etat s’est déjà prononcé lors de la première substitution, que le représentant de l’Etat peut se contenter de vérifier que le tiers intéressé dispose des capacités techniques et des garanties financières pour couvrir la réalisation des travaux de réhabilitation.

Dans le cas contraire, le  tiers intéressé devra produire un mémoire de réhabilitation conformément au II de l’article L. 512-21 du code de l’environnement, le prefet se prononcera une nouvelle fois sur l’usage proposé et prendra une nouvelle décision par laquelle il pourra prescrire au tiers intéressé  d’autres mesures de réhabilitation.

  1. Les autres modifications opérées par l’article 57 de la loi ASAP

L’article 57 de la loi ASAP, a également modifié l’alinéa 1 de l’article L. 512-6-1 qui est aujourd’hui ainsi rédigé :

« Lorsqu’une installation autorisée avant le 1er février 2004 est mise à l’arrêt définitif, son exploitant place son site dans un état tel qu’il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l’article L. 511-1  et, le cas échéant, à l’article L. 211-1  et qu’il permette un usage futur du site déterminé conjointement avec le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’urbanisme et, s’il ne s’agit pas de l’exploitant, le propriétaire du terrain sur lequel est sise l’installation ».

La loi ASAP a donc imposé aux sites concernés outre le fait de ne pas porter atteinte aux intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement, de ne pas porter atteinte aux intérêts mentionnés à l’article L. 211-1 du même code, autrement les intérêts protégés par la loi sur l’eau.

Cet ajout est issu d’un amendement, visant à harmoniser la législation en matière de dépollution en intégrant les dispositions de protection des eaux et la lutte contre toute pollution par déversements, écoulements, rejets, dépôts directs ou indirects de matières de toute nature déjà applicables aux installations soumises au régime de l’enregistrement à l’autorisation et la mise à l’arrêt des ICPE soumises au régime de l’autorisation.

L’article 57 de la loi ASAP a modifié pour finir les dispositions de l’article L. 514-8 du code de l’environnement qui traite des dépenses correspondant à l’exécution des analyses, expertises ou contrôles nécessaires aux ICPE pour ajouter que « les dépenses que l’Etat a engagées ou fait engager dans le cadre de la gestion ou du suivi des impacts et conséquences d’une situation accidentelle, sont à la charge de l’exploitant ».

Cet ajout va ainsi permettre sans doute à l’Etat d’engager des dépenses sans passer par des sanctions administratives et une mise en demeure préalable. On peut cependant douter de la constitutionnalité de ce pouvoir conféré d’office.

  1. La consécration de la possibilité pour le préfet de fixer un délai contraignant à la remise en état du site

L’article 58 de la loi ASAP insère au code de l’environnement un article L. 512-22 ainsi rédigé :

«Lors de la mise à l’arrêt définitif d’une installation classée pour la protection de l’environnement, le représentant de l’Etat dans le département peut, après consultation de l’exploitant, du maire ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’urbanisme et, s’il ne s’agit pas de l’exploitant, du propriétaire du terrain sur lequel est sise l’installation, fixer un délai contraignant pour la réhabilitation du site et l’atteinte des objectifs et obligations mentionnés aux articles L. 512-6-1, L. 512-7-6 et L. 512-12-1.»

Mais ce nouvel article L. 512-22 n’impose rien au préfet qui « peut » fixer ce délai ; il s’agira donc de déterminer à quelles conditions ce délai pourra être fixé, et quelle force contraignante y sera véritablement attaché. Au demeurant, il convient de rappeler que  le préfet n’est pas non plus tenu d’imposer par arrêté des mesures de remise en état…

Au demeurant rappelons que le silence gardé par l’administration pendant un an sur le mémoire en réhabilitation de l’exploitant vaut rejet pour la demande de fixation des prescriptions de réhabilitation et des mesures de surveillance après la mise à l’arrêt définitif d’une ICPE soumise à autorisation (D. n° 2014-1273, 30 oct. 2014 : JO, 1er  nov.).