GreiferL’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Nancy, qui suspend l’exécution d’un jugement ayant annulé un récépissé de déclaration ICPE, rappelle qu’il ne peut être reproché au Préfet d’avoir délivré ce récépissé en dépit de l’incompatibilité de l’activité avec les prescriptions du document d’urbanisme sur le territoire (CAA Nancy 13 février 2014, société L., req. n° 13NC01753).

Rappelons qu’avant de mettre en service son installation classée relevant du régime de la déclaration, le futur exploitant doit adresser un dossier en trois exemplaires au Préfet du département dans lequel son installation sera implantée. Le contenu de ce dossier est précisé à l’article R. 512-47 du code de l’environnement, qui résulte de l’article 25 du décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 pris pour l’application de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l’environnement. Aux termes de l’article R. 512-48 du même code, « si le préfet estime que l’installation projetée n’est pas comprise dans la nomenclature des installations classées ou relève du régime de l’autorisation ou de l’enregistrement, il en avise l’intéressé. / Lorsqu’il estime que la déclaration est en la forme irrégulière ou incomplète, le préfet invite le déclarant à régulariser ou à compléter sa déclaration ».

Il ressort de la plupart des solutions jurisprudentielles rendues au visa de cette disposition qu’en dehors des cas qu’elle vise, le Préfet a une compétence liée pour délivrer le récépissé de déclaration. En d’autres termes, sauf à ce que l’installation projetée ne relève pas du régime de la déclaration ou que le dossier déposé s’avère en la forme irrégulier ou incomplet, le Préfet est contraint, en principe, de délivrer le récépissé sollicité (CAA Marseille 10 décembre 1998, Ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement, req. n° 97MA01715 ; CAA Marseille 7 février 2012, Association avenir d’Alet, req. n° 09MA04671).

Cette position est fermement posée par la Cour administrative d’appel de Marseille, qui a rappelé que « les tiers à la décision ne peuvent utilement invoquer au contentieux que des moyens tirés de ce que la déclaration aurait été irrégulièrement reçue » (CAA Marseille, 6 décembre 2010, société SOREDEM, req. n° 08MA02272). En conséquence, l’ensemble des moyens tirés de ce que le récépissé de déclaration serait contraire à des règles de fond sont écartés. En particulier, des Cours administratives d’appel ont déjà considéré que le moyen tiré de la contrariété de l’activité projetée aux règles locales d’urbanisme était inopérant (CAA Marseille 10 décembre 1998, Ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement, précité ; CAA Douai 16 décembre 2004, M. Gérard Y, req. n° 02DA00690 ; CAA Nancy 26 juin 2012, M.B, req. n° 11NC00636).

Le jugement ici censuré du le Tribunal administratif de Strasbourg, en date du 3 juillet 2013, s’inscrit tout à fait en marge de ces solutions jurisprudentielles (TA Strasbourg 3 juillet 2013, commune de Feldkirch, req. n° 1105843). En effet, pour juger que le Préfet aurait dû refuser de délivrer le récépissé de déclaration sollicité, les magistrats ont estimé que la déclaration ICPE ne pouvait être regardée comme étant régulière ou complète, dans la mesure où l’emplacement qu’elle désignait s’avérait insusceptible d’accueillir une installation classée au regard des règles du document d’urbanisme applicable :

« 4. Considérant qu’aux termes de l’article L. 123-5 du code de l’urbanisme : « le règlement et ses documents graphiques sont opposables à toute personne publique ou privée pour l’exécution de tous travaux, constructions, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, pour la création de lotissements et l’ouverture des installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan. 5. Considérant qu’aux termes de l’article 2.6 UE 2 du POS de la commune de Feldkirch : « dans la zone UE, sauf dans le secteur UEm, les constructions comprenant des installations classées au titre de la protection de l’environnement soumises à autorisation ou à enregistrement (…) ou à déclaration sont interdites, sauf celles liées à la dépollution du terril ou du site (y compris les opérations de surveillance de la nappe phréatique.) » ; que ces dispositions interdisant la présence de l’installation litigieuse à l’emplacement désigné par la société Locacil dans sa déclaration, celle-ci, indiquant un emplacement insusceptible d’accueillir légalement l’installation, ne pouvant être regardée comme étant régulière ou complète ; que, par suite, le préfet ne pouvait délivrer le récépissé contesté ».

Selon un commentateur de ce jugement, « le tribunal n’annule pas le récépissé de déclaration en raison de la non-conformité de l’installation déclarée aux dispositions du règlement du POS communal. Mais il tire de cette non-conformité la conclusion que le dossier de déclaration n’a pas présenté un caractère régulier au sens de l’article R. 512-48 du code de l’environnement » (D. Gillig, La non-conformité d’une installation classée aux règles d’urbanisme applicables peut entraîner l’annulation d’un récépissé de déclaration, Environnement n° 10, octobre 2013, comm. 68).

Ce raisonnement n’a pas convaincu les magistrats de la Cour administrative d’appel de Nancy, qui ont décidé de surseoir à l’exécution de ce jugement, au vu des arguments avancés par la société appelante (CAA Nancy 13 février 2014, société Locacil, précité). Précisément, celle-ci a fait valoir que la circonstance que le document d’urbanisme aurait pu interdire l’implantation d’installations classées sur le terrain d’assiette de son projet n’était pas de nature à permettre au Préfet de refuser de lui délivrer le récépissé de déclaration sollicité. Elle a également fait observer que les dispositions de l’article L. 123-5 du code de l’urbanisme n’étaient pas non plus de nature à permettre au préfet de fonder légalement un refus de lui délivrer le récépissé de déclaration sollicité et enfin, que son dossier respectait les exigences de forme visées à l’article R. 512-47 du code de l’environnement.

Sur un plan strictement juridique, ce sursis à exécution apparaît fondé dans la mesure où le Tribunal administratif de Strasbourg nous semble être allé au-delà des exigences requises par l’article R. 512-48 du code de l’environnement. En effet, le Tribunal ne s’est pas borné à contrôler la régularité ou la complétude, sur un plan formel, du dossier de déclaration litigieux. Sous couvert d’un contrôle formel de la régularité et de la complétude du dossier, il paraît avoir procédé, sur le fondement de l’article L. 123-5 du code de l’urbanisme, à un contrôle de conformité du projet d’installation aux règles de fond du droit de l’urbanisme. Reste à savoir si la Cour confirmera cette solution au fond. Ceci paraît tout de même vraisemblable au vu de son arrêt le plus récent sur le sujet (CAA Nancy 26 juin 2012, M.B, précité).

Cette solution en doit cependant pas éluder les problématiques posées dans l’hypothèse d’une incompatibilité du plan local d’urbanisme: le récépissé ICPE doit certes être délivré, mais il appartient aux exploitants d’obtenir, dans la majeure partie des cas, un permis de construire ou d’aménager qui sont soumis, eux, à la réglementation d’urbanisme.

Yann BORREL

Green Law Avocat