Eolien en mer : premières décisions juridictionnelles (TA Nantes, 3 septembre 2015, n°1209401 et 1305422)

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Par maître Lou DELDIQUE

(Green Law Avocat)

Par deux jugements en date du 3 septembre 2015 (consultables ici et ), le Tribunal administratif de Nantes s’est, pour la première fois à notre connaissance, prononcé sur la légalité d’une autorisation d’exploiter un parc éolien localisé sur le domaine public maritime.

A l’issue d’une procédure d’appel d’offres spécifique au développement de l’éolien en mer, la société Eolien maritime France s’était vu attribuer le lot n°5 concernant l’exploitation d’un parc éolien d’une capacité de 480 MW au large de la commune de Saint-Nazaire. Une autorisation d’exploiter ce parc lui avait ensuite été délivrée en application de l’article L .311-5 du code de l’énergie.

Ces sont ces deux décisions (décision d’attribution du lot n°5 et arrêté d’autorisation) qui étaient contestées par une association de protection de l’environnement et des particuliers.

De nombreux moyens avaient été soulevés par les requérants, qui se prévalaient notamment :
– D’une absence d’étude d’impact et d’enquête publique ;
– Des atteintes du projet aux espèces maritimes situées au niveau du Banc de Guérande ;
– D’une méconnaissance du principe de précaution ;
– De la méconnaissance de plusieurs règles d’urbanisme, et plus particulièrement de la loi littoral.

Le Tribunal administratif rejette l’ensemble de ces moyens, qu’il juge inopérants pour la plupart.

Ainsi, il considère qu’aucun texte n’imposait la réalisation d’une étude d’impact ou d’une enquête publique :

« Considérant, en huitième et dernier lieu, que l’arrêté d’autorisation d’exploiter attaqué n’a aucune répercussion directe quant à la réalisation effective des constructions envisagées ; que dès lors, les requérants citant des textes applicables uniquement aux autorisations des travaux eux-mêmes ou de l’implantation d’ouvrages, le moyen tiré de ce que ladite autorisation aurait dû préalablement faire l’objet d’une étude d’impact et d’une enquête publique doit être écarté ; » (affaire n° 1305422)

« Considérant, en quatrième lieu, que si les requérants soutiennent que le projet litigieux n’a pas fait l’objet d’une étude préalable indépendante sur ses impacts environnementaux, ils ne citent toutefois aucune disposition rendant obligatoire une telle étude ; qu’au demeurant, le cahier des charges indique, dans son article 6.3.1, qu’au plus tard dix-huit mois après la délivrance de l’autorisation en cause, le candidat retenu fournira au minimum l’étude d’incidences Natura 2000 complète, ainsi que des études complémentaires environnementales ; » (affaire n°1209401)

Son raisonnement est le même pour l’application des dispositions du code de l’urbanisme : dès lors que l’autorisation n’a été délivrée qu’au titre du code de l’énergie et qu’elle ne préjuge en rien de « la réalisation effective des constructions envisagées », les requérants ne peuvent invoquer les règles applicables aux constructions.

« Considérant, en sixième lieu, qu’en se bornant à alléguer que le banc de Guérande est une zone fréquentée par de multiples espèces maritimes, véritable poumon vert de la côte Atlantique, les requérants n’établissent pas, en tout état de cause, que ce site aurait dû être classé en zone Natura 2000 ; que, s’il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux est situé à deux kilomètres de la zone Natura 2000 « Estuaire Nord de la Loire » et à quatre kilomètres de la zone Natura 2000 du « Plateau du Four », l’autorisation litigieuse délivrée au titre du code de l’énergie ne correspond, toutefois, à aucune rubrique mentionnée à l’article R. 414-9 du code de l’environnement rendant obligatoire la réalisation d’une telle étude ; que l’arrêté attaqué n’a aucune répercussion directe quant à la réalisation effective des constructions envisagées ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que cet arrêté ne respecte pas le principe de protéger et mettre en valeur les espaces, ressources et milieux naturels, mentionné à l’article L. 110-1 du code de l’environnement, est inopérant et doit être écarté ; que la méconnaissance de l’article L. 311-5 du code de l’énergie n’est, pour les mêmes raisons, pas établie ; » (affaire n° 1305422)

« Considérant, en septième lieu, que l’arrêté attaqué n’a aucune répercussion directe quant à la réalisation effective des constructions envisagées ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que cet arrêté ne respecte pas le principe de protéger et mettre en valeur les espaces, ressources et milieux naturels, mentionné à l’article L. 110-1 du code de l’environnement, est inopérant et doit être écarté ; qu’il en est de même de la méconnaissance alléguée de l’article L. 146-6 du code de l’urbanisme, les requérants n’établissant pas, au demeurant, que le site en cause serait un espace marin remarquable au sens de ces dispositions, et des articles L. 321-6 du code de l’environnement et L. 2124-2 du code général de la propriété des personnes publiques, les requérants n’établissant pas, d’ailleurs, que le projet est situé sur le rivage de la mer au sens des dispositions précitées ; » (affaire n°1209401)
Ces deux décisions confirment la singularité du contentieux de l’éolien en mer, et l’impossibilité pour les requérants de recourir aux moyens désormais classiques en matière de contentieux éolien.

Elles mettent surtout en évidence le vide réglementaire qui existe en matière d’éolien offshore : rappelons en effet que les aérogénérateurs implantées en mer sont dispensées de permis de construire (C. urb., art. L. 421-5).

Certes, l’article 18 de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 a autorisé le Gouvernement à créer, par ordonnance, un régime d’autorisation unique, soumise à un contentieux spécifique, mais ce texte n’a pas encore été adopté…