Par un arrêt n°356097 en date du 13 décembre 2013, consultable ici, le Conseil d’Etat confirme que l’administration compétente en matière d’urbanisme n’a pas à contrôler la qualité de la personne sollicitant l’obtention d’un permis de construire.

En effet, le régime instauré par la réforme de 2007 n’impose plus au demandeur non-propriétaire de justifier d’un titre l’habilitant à construire sur le terrain. L’article R.431-5 du code de l’urbanisme prévoit ainsi simplement que le demandeur atteste remplir les conditions définies à l’article R. 423-1 du même code, au terme duquel :

« Les demandes de permis de construire, d’aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d’avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés :

a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ;

b) Soit, en cas d’indivision, par un ou plusieurs co-indivisaires ou leur mandataire ;

c) Soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l’expropriation pour cause d’utilité publique. »

Cette attestation, qui est incluse dans le formulaire de dépôt, est établie sous la seule responsabilité du pétitionnaire (Rép. min. n° 51235 : JOAN Q, 6 juill. 2010, p. 7645).

Aussi, le service instructeur doit uniquement vérifier si l’attestation est bien souscrite, et non si elle est exacte.

Il résulte de cette règle qu’en cas de fraude du pétitionnaire et de contestation ultérieure de son titre de propriété ou d’usage, l’action ne peut être portée que devant le juge civil.

Dans l’espèce commentée, le Conseil d’État rappelle ce régime simplifié, et précise que sous réserve de fraude, le pétitionnaire fournissant l’attestation susmentionnée  doit être regardé, dans tous les cas, comme ayant qualité pour présenter sa demande.

Cette solution avait déjà été énoncée à propos de l’assentiment d’une assemblée générale des copropriétaires (CE, 15 févr. 2012, n° 333631), du mandataire d’une société (CAA Marseille, 20 juin 2013, n° 11MA02050), et même dans le cas où une mesure de déclassement du domaine public était nécessaire (CAA Lyon, 18 déc. 2012, n° 12LY00657).

L’espèce commentée l’étend au cas de la mitoyenneté. En effet, l’administration avait délivré un permis de construire prévoyant des travaux portant sur un mur mitoyen, et il avait été jugé en appel que cette autorisation était illégale, au motif que les services instructeurs n’avaient pas vérifié si le pétitionnaire était seul propriétaire de ce mur, ou s’il disposait de l’accord du propriétaire mitoyen :

« Considérant que les dispositions précitées de l’article 653 du code civil établissent une présomption légale de propriété commune d’un mur séparatif de propriété ; que cette propriété commune doit être regardée comme la propriété apparente pour l’application des dispositions de l’article R.421-1-1 du code de l’urbanisme et qu’en conséquence, l’un des propriétaires ne peut être regardé comme l’unique propriétaire apparent du mur en l’absence de marques de propriété exclusive à son bénéfice ; qu’il découle des dispositions précitées du code de l’urbanisme et du code civil que, dans ces conditions, il appartient à l’autorité administrative, saisie d’une demande de permis de construire portant sur un tel mur et prévoyant les travaux mentionnés à l’article 662 précité du code civil, d’exiger la production par le pétitionnaire soit d’un document établissant qu’il est le seul propriétaire de ce mur soit du consentement de l’autre copropriétaire ; » (CAA Marseille, 24 novembre 2011, n°09MA02216)

Le Conseil d’état censure cette position, et dit pour droit que l’autorité administrative n’ayant pas à procéder à une telle vérification, aucun vice de procédure ne peut être soulevé pour ce motif :

«  Considérant, en premier lieu, d’une part, qu’aux termes de l’article R. 423-1 du code de l’urbanisme, applicable aux demandes de permis déposées à compter du 1er octobre 2007 :  » Les demandes de permis de construire, d’aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d’avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés: / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; / b) Soit, en cas d’indivision, par un ou plusieurs co-indivisaires ou leur mandataire ; (…)  » ; que le dernier alinéa de l’article R. 431-5 du code de l’urbanisme dispose :  » La demande comporte également l’attestation du ou des demandeurs qu’ils remplissent les conditions définies à l’article R. 423-1 pour déposer une demande de permis  » ; qu’en vertu de l’article R. 431-4 du même code, le dossier est réputé complet lorsqu’il comprend les informations limitativement énumérées aux articles R. 431-5 à R. 431-33 ; que l’article R. 423-38 du même code dispose que l’autorité compétente réclame à l’auteur de la demande les seules pièces exigées en application du livre IV de ce code que le dossier ne comprend pas ; qu’il résulte de ces dispositions que, sous réserve de la fraude, le pétitionnaire qui fournit l’attestation prévue à l’article R. 431-5 du code de l’urbanisme selon laquelle il remplit les conditions fixées à l’article R. 423-1 du même code pour déposer une demande de permis de construire doit être regardé, dans tous les cas, comme ayant qualité pour présenter cette demande ;

Considérant, d’autre part, que les dispositions de l’article 653 du code civil établissent une présomption légale de copropriété des murs séparatifs de propriété ;

Considérant qu’il résulte des dispositions rappelées au point 2, notamment du b) de l’article R. 423-1, qu’une demande de permis de construire concernant un mur séparatif de propriété peut, alors même que les travaux en cause pourraient être contestés par les autres propriétaires devant le juge judiciaire sur le fondement des articles 653 et suivants du code civil, être présentée par un seul co-indivisaire ;


Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’en jugeant qu’il appartenait à l’autorité administrative compétente, saisie d’une demande de permis de construire prévoyant des travaux portant sur un mur séparatif de propriété, d’exiger du pétitionnaire, outre l’attestation mentionnée au point 2, la production d’un document établissant soit que M. B…était seul propriétaire de ce mur, soit qu’il avait l’accord de l’autre copropriétaire de ce mur, la cour administrative d’appel de Marseille a entaché son arrêt d’une erreur de droit ; »

On peut toutefois se demander si cette jurisprudence, qui a certes le mérite d’être cohérente, ne risque pas d’avoir pour effet de fragiliser encore les permis de construire obtenus (alors que la tendance est au renforcement de la sécurité juridique), dès lors que, même confirmés par le juge administratif, ceux-ci restent susceptibles d’un recours judiciaire…

Lou Deldique

Green Law Avocat