Urbanisme / changement de destination d’un bâtiment : seule la dernière utilisation effective compte (CAA Lyon, 12 avril 2018, n° 16LY01751)

urba-constructionPar Maître Lou DELDIQUE, Avocat of counsel – GREEN LAW AVOCATS (lou.deldique@green-law-avocat.fr)

Une récente décision de la Cour administrative d’appel de Lyon (CAA Lyon, 12 avril 2018, n° 16LY01751, consultable ici) précise que le changement de destination d’une construction s’apprécie au regard de sa dernière utilisation connue.

Le code de l’urbanisme identifie en effet cinq types de destinations (exploitation agricole et forestière, habitation, commerce et activités de service, équipements d’intérêt collectif et services publics et autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire : CU, art. R. 151-27) et réglemente le passage de l’une à l’autre.

La notion de changement de destination intervient ainsi principalement dans deux hypothèses :

  • Pour déterminer si la construction est soumise à permis de construire ou à déclaration préalable (CU, art. R.421-13 et s. ; voir par exemple : CE, 23 juill. 2010, n° 325724 ; CE, 14 oct. 2011, n° 331846 ; CAA Versailles, 2e ch., 19 oct. 2017, n° 15VE01459 ; Rép. min. n° 128963 : JOAN Q, 1er mai 2012, p. 3269) ;
  • Ou pour savoir si elle est conforme au PLU (qui peut encadrer les changements de destination, notamment en zone agricole).

En l’espèce, une société avait déposé une déclaration préalable pour le ravalement des façades et le changement des menuiseries extérieures d’une bâtisse qu’elle voulait affecter à un usage d’habitation.

Le Maire s’était toutefois opposé à la déclaration au motif que les travaux s’accompagnaient d’un changement de destination et devaient donc faire l’objet d’un permis de construire.

L’affaire avait alors été portée devant le Tribunal administratif, puis la Cour administrative d’appel de Lyon.

Après avoir rappelé que les travaux qui modifient la structure porteuse ou la façade du bâtiment sont, en vertu de l’article R. 421-14 du code de l’urbanisme, soumis à permis de construire lorsqu’ils s’accompagnent d’un changement de destination entre les différentes destinations, la Cour relève :

  • Qu’aucun élément ne permettait de considérer que le bâtiment avait été affecté à l’habitation ;
  • Mais que des éléments apportés par la commune attestaient en revanche de son utilisation par comme centre éducatif dans les années 1970, même si aucune autorisation n’avait alors été obtenue.

Et elle en déduit que la destination à retenir est celle de construction d’intérêt collectif au sens de l’article R. 123-9 du code de l’urbanisme (disposition qui énonçait les différents types de destinations avant le 1er janvier 2016) :

« Considérant que s’il est constant que la bâtisse en litige a été construite au milieu du XVIIIe siècle pour servir de demeure et si la notice jointe à la déclaration en litige fait état de travaux portant sur un château, il ne ressort cependant d’aucune pièce du dossier qu’avant d’être désaffecté, ce bâtiment, dont la SARL L…… ne décrit en rien les caractéristiques propres, pouvait être regardé comme affecté à l’habitation ; que la ville de Lyon expose pour sa part, en s’appuyant sur la consultation d’ouvrages, de sites internet à caractère historique et de documents administratifs, que le bâtiment en cause a été affecté à compter de 1937, et sans qu’une quelconque autorisation d’urbanisme ne fût alors requise, à un refuge pour jeunes filles géré par une communauté religieuse, devenu « centre éducatif Notre-Dame » au début des années 1970 et ayant alors pour vocation l’accueil de jeunes en difficulté ; qu’au regard de ces éléments, le bâtiment en cause doit être regardé comme une construction d’intérêt collectif au sens de l’article R. 123-9 du code de l’urbanisme ; que les travaux en litige, qui comportent notamment des modifications de la façade et s’accompagnent d’un changement de destination, étaient ainsi soumis à permis de construire en vertu des dispositions de l’article R. 421-14 du même code ; que, par suite, la ville de Lyon est fondée à soutenir que c’est à tort que, pour annuler l’arrêté d’opposition à travaux du 9 décembre 2013, le tribunal administratif de Lyon a retenu comme fondé le moyen selon lequel le projet en litige n’entraînait pas de changement de destination ; »

Cette solution est intéressante car la Cour retient la dernière destination effective du bâtiment et non sa destination officielle.

Ce faisant, elle va à l’encontre de la jurisprudence du Conseil d’État, qui ne tient compte que de la destination initiale et des changements de destination ayant fait l’objet d’une autorisation (CE, 12 mars 2012,n°336263 ; voir aussi : CE, 27 juill. 2009, n° 305920), et qui considère que si le bâtiment est inoccupé ou inexploité depuis plusieurs années, sa destination initiale doit être caractérisée au regard de ses caractéristiques propres (CE, 9 déc. 2011, n° 335707 ; CE, 26 juill. 2011, n°328378).