ecoPar un arrêt du 11 juillet 2013, la cour administrative d’appel de Douai clarifie le sort des recours introduits contre des arrêtés relatifs à la création de zones de développement de l’éolien (ZDE) avant l’intervention de la loi du 15 avril 2013 (dite loi Brottes).

Pour rappel, les ZDE permettaient aux opérateurs éoliens exploitant des éoliennes dans la zone de bénéficier de l’obligation d’achat de l’électricité produite prévue à l’article L. 314-1 du code de l’énergie : leur suppression par la loi Brottes  (commentée sur ce blog) aboutit donc à ne plus restreindre ce droit d’achat aux installations implantées en dehors des ZDE.

L’arrêt du 11 juillet commenté précise la solution à apporter aux litiges encore pendants.

En l’espèce,  le Préfet du Pas-de-Calais avait créé quatre ZDE dont le tracé était contesté par une communauté de communes mécontente du périmètre retenu. Le Tribunal administratif de Lille ayant rejeté son recours, l’affaire était au stade de l’appel au moment de l’adoption de la loi Brottes.

La Cour confirme dans un premier temps que la disparation des dispositions relatives aux ZDE de l’article L. 314-1 du code de l’énergie s’analyse en une extension du régime privilégié dont elles disposaient aux éoliennes situées en dehors des ZDE :

« Considérant qu’en vertu de l’article 10 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, dans sa rédaction en vigueur à la date de l’arrêté attaqué – qui a été codifié à l’article L. 314-1 du code de l’énergie -, le bénéfice de l’obligation d’achat définie par ces dispositions est réservé aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent qui sont implantées dans le périmètre d’une zone de développement de l’éolien définie selon les modalités fixées à l’article 10-1 ; que l’article 24 de la loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes a toutefois supprimé, dans les dispositions de l’article L. 314-1 du code de l’énergie, les zones de développement de l’éolien ; que ces dispositions prévoient désormais que bénéficient, dans les conditions prévues par cet article, d’une obligation d’achat par Electricité de France et les distributeurs non nationalisés de l’électricité produite, notamment, les installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent qui sont implantées à terre ou qui sont implantées sur le domaine public maritime ou dans la zone économique exclusive et les installations qui utilisent l’énergie marine, l’énergie solaire thermique ou l’énergie géothermique ou hydrothermique ; que, par suite, ces nouvelles dispositions, qui ne prévoient aucun régime transitoire ou différé, si elles ne suppriment pas les zones de développement de l’éolien existantes, étendent aux installations qu’elles mentionnent implantées en dehors des zones de développement de l’éolien, un droit jusque là réservé aux installations situées à l’intérieur de ces zones ; »

Dans un second temps, et c’est tout l’intérêt de la décision, la Cour tire les conséquences procédurales de ce changement de régime : ainsi, elle considère que, dans la mesure où la loi n’a prévu aucun régime transitoire ou différé, les recours introduits contre des arrêtés créant (ou refusant de créer) des ZDE ont perdu leur objet.

Les actes attaqués n’étant dès lors plus susceptibles de faire grief aux requérants,  le juge n’a plus à statuer sur leur légalité et prononce le non-lieu, solution classique lorsque le requérant a obtenu l’autorisation ou l’avantage initialement refusé en cours d’instance (CE, 17 janvier 1986, n° 62282 ; CE, 13 juin 1986, n° 56067 ; CE, 9 décembre 1994, Association Flavien, n°117596) :

« Considérant qu’il suit de ce qui précède que, du fait de l’intervention de l’article 24 de la loi du 15 avril 2013, les arrêtés du préfet du Pas-de-Calais en litige, qui en tout état de cause n’interdisaient pas, par eux-mêmes, l’implantation d’aérogénérateurs en-dehors des zones de développement de l’éolien, ne peuvent plus faire, dans les périmètres non retenus, obstacle à l’obligation d’achat par Electricité de France et les distributeurs non nationalisés de l’électricité produite par les installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent qui sont implantées à terre ; qu’il ne ressort pas, en outre, des pièces du dossier que ces arrêtés auraient empêché, depuis leur entrée en vigueur, un tel achat dans les périmètres qui n’avaient pas été retenus par rapport à ceux proposés par la communauté de communes ; que, par conséquent et sans que cela fasse obstacle à ce que la personne qui s’y croirait fondée sollicite l’indemnisation d’un préjudice qui résulterait, selon elle, de l’illégalité des arrêtés préfectoraux en litige, les conclusions tendant à l’annulation partielle de ces arrêtés doivent être regardées comme devenues sans objet du fait de l’intervention de l’article 24 de la loi du 15 avril 2013 ; qu’il n’y a plus lieu, dès lors, pour la cour de statuer sur les conclusions de la requête de la communauté de communes du sud arrageois et de la société E. services dirigées contre le jugement du tribunal administratif rejetant leurs conclusions d’annulation des arrêtés du préfet du Pas-de-Calais du 29 décembre 2008 en tant qu’ils n’ont pas retenu la totalité du périmètre proposé par la communauté de communes ; »

On note néanmoins que la Cour réserve la possibilité d’un recours en responsabilité contre l’Etat, dans l’hypothèse où la décision attaquée aurait lésé les parties : on pense notamment aux opérateurs éoliens dont le projet est suspendu depuis plusieurs années en raison du refus de créer une ZDE ou du périmètre retenu, comme c’était le cas en l’espèce… mais encore faut il prouver la faute de l’Etat, le caractère certain du préjudice (qui dépendra à notre sens de l’avancement du projet de parc) et le lien de causalité.

Concrètement, les parties dont le recours en annulation est toujours pendant et qui entendent se prévaloir d’un préjudice économique devront introduire un recours indemnitaire. En effet, il n’est pas admis, à l’occasion d’un recours en annulation contre un acte (en l’occurrence une décision du Préfet arrêtant une ZDE) que des conclusions indemnitaires soient faites. La distinction des contentieux (REP/ plein contentieux) nous semble en effet s’opposer à des conclusions mixtes. En appel de surcroit, les requérants ne peuvent plus formuler de « nouvelles » demandes (CE, 10 mars 1972, Demoiselle Bompart, n°80471 ; CE,17 octobre 1980, Pont, n°13567; CE, 15 novembre 2006, Assistance publique-Hôpitaux de Marseille, n°279273).

Dès lors, les personnes s’estimant lésées par une décision administrative devront engager une nouvelle action devant le Tribunal administratif compétent, en respectant le délai de prescription quadriennal. Dans tous les cas, il leur faudra veiller à « lier » préalablement le contentieux, en formulant une demande indemnitaire auprès de l’administration (code de justice administrative, art. R. 421-1) : une décision de rejet, même implicite, de cette demande devra être née avant que le juge ne statue (CE, 11 avril 2008, Etablissement Français du Sang, n° 281374).

Le contentieux  lié aux ZDE ne devrait donc pas totalement disparaître…

Lou Deldique

Elève Avocat

Green Law Avocat