SORTIE DU STATUT DE DÉCHET : TERRES EXCAVÉES ET SÉDIMENTS

Par Yann Borrel, avocat associé, Green Law Avocat

yann.borrel@green-law-avocat.fr

L’arrêté du 4 juin 2021 fixant les critères de sortie du statut de déchet pour les terres excavées et sédiments ayant fait l’objet d’une préparation en vue d’une utilisation en génie civil ou en aménagement (NOR : TREP2026542A) a été publié au Journal officiel du 27 juin 2021 après validation de son contenu par la Commission européenne (https://ec.europa.eu/growth/tools-databases/tris/fr/search/?trisaction=search.detail&year=2020&num=681).

Cet arrêté a pour objet de fixer les critères dont le respect permet de faire sortir du statut de déchet des terres excavées et sédiments, en s’appuyant sur des opérations de contrôle, et si nécessaire de traitement.

L’arrêté prévoit que les terres excavées et les sédiments qui ont fait l’objet d’une préparation en vue d’une utilisation en génie civil ou en aménagement cessent d’être des déchets à condition que « la personne réalisant la préparation » se soit assurée du respect de la totalité des critères suivants :

a)     Les déchets entrant destinés à la préparation en vue d’une utilisation en génie civil ou en aménagement sont les terres, les cailloux et les boues de dragage qui relèvent des codes déchets suivants :

(cf. Section 1 de l’annexe I de l’arrêté)

Les déchets qui sont susceptibles de sortir du statut de déchet peuvent être des déchets dangereux dès lors qu’ils relèvent de l’un des codes déchets suivants : 17 05 03* ou 17 05 05*.

b)     Les déchets ayant fait l’objet d’une préparation en vue d’une utilisation en génie civil ou en aménagement doivent satisfaire aux critères de qualité qui sont établis au sein de la section 2 de l’annexe I de l’arrêté.

Plus précisément, les terres excavées et les sédiments non dangereux issus de la préparation en vue d’une utilisation en génie civil ou en aménagement peuvent être mis en œuvre sur un site receveur sous réserve que les critères ci-dessous soient satisfaits :

–       la préservation de la ressource en eau et des écosystèmes présents au droit du site receveur doit être assurée ;

–       les terres et les sédiments doivent être compatibles avec l’usage futur du site receveur sur le plan sanitaire ;

–       la qualité des sols du site receveur doit être maintenue conformément aux guides publiés par le ministère chargé de l’environnement.

Il en ressort que seuls des terres excavées et les sédiments non dangereux issus de la préparation en vue d’une utilisation en génie civil ou en aménagement peuvent être mis en œuvre sur un site receveur à l’issue de l’opération de préparation.

La préparation en vue de la réutilisation est définie comme étant toute « opération de contrôle et, si nécessaire, de transformation des déchets, comprenant obligatoirement, conformément à l’article 6, un contrôle technique et/ou administratif permettant de vérifier si les critères de qualité définis à la section 2 de l’annexe I sont respectés. Elle prévoit le cas échéant des étapes de lavage et/ou de traitement et/ou de criblage/concassage. Les opérations de mélange ayant pour objectif d’atteindre les critères de qualité définis à la section 2 de l’annexe I sont interdites. Les terres excavées et sédiments ayant fait l’objet d’une préparation en vue d’une utilisation en génie civil ou en aménagement sont conditionnés et entreposés de façon à permettre de préserver leur intégrité et leur qualité ».

L’une des conditions tient au fait que la qualité des terres excavées ou sédiments dragués doit avoir été évaluée selon les modalités des guides de valorisation reconnues par le ministère chargé de l’environnement.

Veuillez noter qu’à ce jour, les Guides dont il est fait référence sur le site internet du Ministère (https://www.ecologie.gouv.fr/sortie-statut-dechet-terres-excavees-et-sediments) sont les suivants :

  • acceptabilité de matériaux alternatifs en techniques routières – Évaluation environnementale (CEREMA -ex-SETRA- 2011)
  • guide de valorisation hors site des terres excavées issues de sites et sols potentiellement pollués dans des projets d’aménagement (DGPR – 2020)
  • guide de valorisation hors site des terres excavées non issues de sites et sols pollués dans des projets d’aménagement (DGPR – 2020)

Ces guides présentent des obligations sur la qualité des terres excavées et sédiments, ainsi que sur les usages autorisés pour une certaine qualité. Ces obligations sont à respecter pour mettre en œuvre l’arrêté fixant les critères de sortie du statut de déchet pour les terres excavées et sédiments ayant fait l’objet d’une préparation en vue d’une utilisation en génie civil ou en aménagement.

Par ailleurs, l’arrêté prescrit qu’« En l’absence de guide applicable, le présent arrêté ne permet pas que les déchets listés à la section 1 sortent du statut de déchet » : en d’autres termes, en l’absence de guide publié sur le site officiel du ministère chargé de l’environnement permettant de définir les conditions du maintien de la qualité des sols du site receveur, la sortie du statut de déchet des matériaux concerné ne sera pas possible.

c)     La personne réalisant la préparation a conclu, pour les terres excavées et sédiments ayant fait l’objet d’une préparation en vue d’une utilisation en génie civil ou en aménagement, un contrat de cession avec l’aménageur. Les mentions que ce contrat doit a minima comprendre sont précisées au sein du c) de l’article 2 de l’arrêté.

d)     La personne réalisant la préparation doit appliquer un système de gestion de la qualité conforme à l’arrêté ministériel du 19 juin 2015 relatif à la gestion de la qualité des opérations de valorisation de déchets ;

e)     La personne réalisant la préparation doit également respecter les exigences qui sont établies aux articles 3 à 6 de l’arrêté ministériel à savoir :

–    l’inclusion dans l’attestation de conformité prévue à l’article D.541-12-13 du code de l’environnement les éléments figurant à l’annexe II de l’arrêté relatifs à l’identification du site où a été réalisée la préparation, à l’identification de la personne ayant réalisée cette préparation, et à l’identification du lot préparé. Cette déclaration doit être transmise à l’utilisateur de chaque lot de terres excavées et sédiments ;

–    la mise en place d’un système de numérotation de chaque lot consigné dans le manuel de qualité mentionné dans l’arrêté ministériel du 19 juin 2015 relatif à la gestion de la qualité des opérations de valorisation de déchets ;

–    la réalisation d’analyses, de contrôles et de traitement nécessaires sur les déchets entrants et les terres excavées sortant de la préparation permettant de respecter les exigences précisées dans les sections 1 et 2 de l’annexe I de l’arrêté si la personne réalisant la préparation est le producteur de déchet ; ou la réalisation d’une vérification administrative et la mise en œuvre des analyses, des contrôles et du traitement nécessaires sur les déchets entrants et les terres excavées sortant de la préparation permettant de respecter ces exigences si la personne réalisant la préparation n’est pas le producteur du déchet ; cette exigence fait écho aux nouvelles règles de traçabilité des terres excavées et des sédiments qui ont été énoncées au sein de l’article R. 541-43-1 du code de l’environnement qui est issu du décret n° 2021-321 du 25 mars 2021 ;

–    la conservation des documents permettant de démontrer le respect de l’ensemble de ces exigences pendant une durée de 10 ans.

L’arrêté ministériel est entré en vigueur le lendemain de sa publication au journal officiel, soit le 28 juin 2021.

En définitive, le pouvoir réglementaire a fait dépendre les possibilités de sortie du statut de déchets de l’existence et la validation d’instruments relevant du droit souple. Un enjeu réside donc dans la parution de nouveaux guides afin d’élargir les possibilités de sortie du statut de déchet.

Par ailleurs, pour que l’arrêté ministériel permette aux opérateurs de faire sortir du statut de déchet des terres excavées et des sédiments sans que ceux-ci ne s’exposent au risque de se voir reprocher une élimination de déchets déguisée, il sera nécessaire que ces opérateurs se conforment aux guides nonobstant le fait qu’ils relèvent du droit souple.

De prime abord, la sortie du statut de déchet emporte la fin de l’application du régime applicable aux déchets ; la parution de l’arrêté offre donc de réelles perspectives aux producteurs, aux détenteurs mais aussi aux aménageurs. Un examen attentif de l’arrêté conduit toutefois à s’interroger sur la temporalité de la mise en échec des exigences relatives à la législation relative aux déchets lorsqu’il est fait application des critères de la sortie du statut de déchet : des questions pourraient donc se poser concernant l’articulation de cet arrêté avec les dispositions du code de l’environnement relatives à la gestion des déchets (et notamment le décret n° 2021-321 du 25 mars 2021) mais aussi leur transfert transfrontalier. A ce stade, la prudence devrait donc rester de mise du côté des aménageurs.