Sols et déchets : de nouvelles directives en préparation au niveau de l’Union européenne

Par Me Yann BORREL Avocat associé – Me Marie-Coline GIORNO – Avocate collaboratrice – Green Law Avocats
Commission Européenne

Au regard des engagements pris par l’Union Européenne dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe, la Commission européenne a décidé d’établir de nouvelles propositions de directives en matière de gestion de déchet et de santé des sols.

Afin de contribuer à l’élaboration de ses propositions et notamment à l’analyse leur impact, la Commission européenne a lancé au début de l’année deux appels à contributions pour des analyses d’impact portant sur la gestion des déchets (I) et l’autre, sur la santé des sols (II).

Pour mémoire, les appels contributions pour analyse d’impact ont pour objet de donner au public et aux parties prenantes des informations sur les futurs travaux législatifs de la Commission afin qu’ils puissent y formuler des observations ou communiquer toute information pertinente à la Commission européenne.

I. Sur l’appel à contributions portant sur la gestion des déchets

La Directive 2008/98/CE du 19 novembre 2008 relative aux déchets et abrogeant certaines directives dite « directive-cadre relative aux déchets (DCD) » a instauré une hiérarchie des déchets (OJ L 312, 22.11.2008, p. 3–30). Cette hiérarchie établit, d’une manière générale, un ordre de priorité pour ce qui constitue la meilleure solution globale sur le plan de l’environnement dans la législation et la politique en matière de déchets (cf. considérant n° 31 de la directive).

Par ailleurs, elle a imposé aux États membres de prendre des mesures pour empêcher la production de déchets et de collecter séparément certains types de déchets. Elle a également prévu des clauses de révision en ce qui concerne les mesures de prévention, les déchets alimentaires et les huiles usagées.

Le plan d’action pour une économie circulaire s’engage à réduire sensiblement la production totale de déchets : il vise à diviser par deux la quantité de déchets municipaux résiduels (non recyclés) d’ici à 2030, à promouvoir des flux de déchets plus sûrs et plus propres et à garantir un recyclage de haute qualité.

Malgré ces textes, la quantité totale de déchets produits, et en particulier les déchets municipaux, a augmenté au cours de la dernière décennie et il existe un risque que les Etats membres de l’Union européenne n’atteignent pas les objectifs fixés par l’Union notamment en matière de recyclage et de qualité des matériaux recyclés.

Dans ce contexte, la Commission européenne a lancé une initiative tendant à réviser le cadre de l’Union européenne en matière de déchets (téléchargeable ci-dessous).

Les objectifs de cette initiative visent à :

  • réduire la production de déchets ;
  • améliorer la collecte séparée des déchets afin d’obtenir des résultats optimaux en matière de recyclage, notamment en évitant la contamination des déchets recyclables ;
  • augmenter les quantités d’huiles usagées collectées et traitées conformément à la hiérarchie des déchets.

Selon cette initiative plusieurs mesures pourraient notamment contribuer à atteindre ces objectifs :

  • Promouvoir la mise en œuvre intégrale des dispositions relatives à la prévention, à la préparation en vue du réemploi et au recyclage des déchets ;
  • Réduire la production de déchets ;
  • Fournir des orientations supplémentaires en matière de gestion des déchets (prévention des déchets, collecte séparée, responsabilité élargie du producteur, etc.) ;
  • Renforcer la responsabilité du pollueur-payeur ;
  • Fixer des objectifs de collecte et de régénération des huiles usagées.

A ce jour, cet appel à contributions est clôturé et sera suivi d’une consultation publique au deuxième trimestre 2022, de consultations ciblées et d’ateliers.

Enfin, la nouvelle directive sur la gestion des déchets ne devrait pas être adoptée avant le deuxième trimestre 2023.

II. Sur l’appel à contributions portant sur la santé des sols

A ce jour, il n’existe pas de législation spécifique dans le domaine de la protection des sols. Il faut néanmoins signaler une proposition de directive-cadre présentée par la Commission au Parlement et au Conseil (Proposition de dir. COM(2006) 232 final, 22 sept. 2006 : non publiée au JOUE).

Cette proposition entendait poursuivre des objectifs ambitieux, comme la mise en place d’un cadre commun assorti d’actions pour assurer la prévention de la dégradation des sols et la remise en état des sols dégradés (V. consid. 8). Le retrait de la proposition, qui a été officialisé par la Commission européenne en mai 2014 (JOUE n° C 153, 21 mai 2014, p. 3), a clairement mis en exergue l’impossibilité d’obtenir à cette époque le consensus des États membres et du Parlement européen sur la mise en œuvre d’une politique harmonisée de la protection des sols.

Depuis quelques moins, le sujet de la santé des sols est à nouveau à l’ordre du jour.

Dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe, la Commission Européenne a adopté une nouvelle stratégie de l’UE pour la protection des sols à l’horizon 2030 en 2021. Ce texte propose un mélange de mesures facultatifs et réglementaires et annonce que la Commission européenne présentera, d’ici à 2023, une nouvelle proposition législative sur la santé des sols afin de contribuer à la concrétisation de la vision et des objectifs de la stratégie.

Pour mettre en œuvre cette nouvelle stratégie, la Commission européenne a lancé une initiative pour que l’Union européenne adopte une directive sur la question de la santé des sols.

C’est dans ce cadre que s’inscrit l’appel à contributions (téléchargeable ci-dessous).

En effet, l’Union européenne a constaté que les sols de l’Union européenne étaient parfois en mauvais état physique, chimique ou biologique. Ce mauvais état des sols résulte notamment, selon l’Union européenne, des facteurs sectoriels suivants :

  • le changement d’affectation des terres ;
  • l’étalement urbain, un aménagement de l’espace et un accroissement du bâti excessifs et non compensés ;
  • le changement climatique, les sécheresses, les conditions météorologiques extrêmes ;
  • une gestion non durable des sols et l’intensification des pratiques agricoles et forestières ;
  • les activités et les émissions industrielles, la gestion des déchets et la production d’énergie non durables, les accidents et les déversements ;
  • une gestion/réutilisation de l’eau et une irrigation inadéquates ;
  • la surexploitation et la consommation non maîtrisée et non compensée des ressources naturelles.

L’objectif de la proposition de directive consistera à :

  • préciser les conditions d’un sol en bonne santé ;
  • déterminer les options de surveillance des sols ;
  • établir des règles favorisant une utilisation et une restauration durable des sols.

La Commission indique que l’analyse d’impact de la proposition de directive prendra en compte un certain nombre d’aspects figurant déjà dans la stratégie de l’UE pour la protection des sols à l’horizon 2030:

  • des indicateurs relatifs à la santé des sols et leurs fourchettes de valeurs ;
  • des exigences en matière d’utilisation durable des sols, afin de préserver la capacité de ces derniers à fournir des services écosystémiques ;
  • le suivi de l’état des sols et la communication d’informations sur celui-ci;
  • le renforcement de la base juridique de l’enquête statistique aréolaire sur l’utilisation/l’occupation des sols (LUCAS) ;
  • différentes options pour l’identification, l’enregistrement et l’assainissement des sites contaminés et l’application du principe du pollueur-payeur.

Dans le cadre de cette analyse d’impact, il a été prévu d’étudier d’autres instruments à caractère non législatifs (tels que l’autorégulation, les accords volontaires et la gestion raisonnée (stewardship), la normalisation, les incitations financières et les instruments économiques, afin de déterminer la meilleure approche à suivre.

La directive sur la santé des sols ne devrait pas intervenir avant le deuxième trimestre 2023.

Il convient de rester vigilant sur ces sujets qui sont loin de faire consensus au sein de l’Union européenne et en particulier, en France. Le calendrier est assez serré et les échéances prévues pour l’adoption de ces directives vont arriver vite.