Solaire/ Obligation d’achat: un tour de vis réglementaire en attendant mieux? (Arrêté du 26 juin 2015)

Attach new solar modulsPar

Stéphanie Gandet (Green Law Avocat)

Un arrêté ministériel paru aujourd’hui 30 juin 2015 au JORF (daté du 26 juin) vient de modifier l’arrêté tarifaire du 4 mars 2011 fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l’article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000.

Bien qu’il qui touche à la problématique de la puissance Q dans le calcul du tarif d’achat solaire, le nouvel arrêté n’a toujours pas défini la notion de « même bâtiment », laissant en suspens la question du bien fondé des interprétations personnelles d’EDF AOA à cet égard.

Ainsi, l’arrêté va apporter des modifications importantes au texte, sans clarifier la notion de bâtiment unique, qui est pourtant une notion cruciale, car faisant, l’objet d’une interprétation pour le moins tardive (3 ans après la publication de l’arrêté en 2011) et très extensive par l’acheteur légal.

 

  • Absence de précision quant à la définition d’un « même bâtiment »:

Nombreux sont les producteurs qui, sur la base du texte en vigueur, ont installé des centrales sur deux bâtiments différents et qui se voient proposer, au mieux, un tarif moindre fondé sur une puissance Q supérieure à 0, et au pire, un avenant à leur contrat d’achat déjà signé par l’acheteur obligé. Ces producteurs, de bonne foi dans l’immense majorité des cas, répondent de façon transparente aux demandes de précision de la part de l’acheteur légal, qui se borne à qualifier de « même bâtiment » des constructions dès lors qu’elles se touchent.

Nombreuses encore sont les critiques juridiques (et de bon sens) pouvant être faites quant à cette interprétation: on voit mal comment ce qui a été écrit en 2014 pour les appels d’offres pourrait s’imposer rétroactivement aux producteurs dont le T0 est antérieur, et qui ne sont pas soumis à appel d’offres. De même, des impératifs de sécurité juridique, déjà malmenés par la réglementation applicable aux producteurs solaires depuis 2010, imposent de ne pas opérer de revirement ayant des incidences financières souvent graves et imprévisibles.

En définitive, aucun texte ne fonde aujourd’hui légalement la notion de bâtiment unique telle que l’acheteur légal l’entend, ce qui laisse finalement aux producteurs concernés des possibilités en nombre restreint, mais au potentiel variable.

– se plier à l’interprétation personnelle de l’acheteur en signant les contrats ou avenants proposés.

– attendre une clarification réglementaire fiable et respectueuse des principes de sécurité juridique (cette option ne présente aucune échéance connue à ce jour, et semble s’éloigner au regard de l’arrêté qui vient d’être publié): en effet, l’occasion de clarifier la situation de nombreux producteurs vient d’être manquée, l’arrêté allant même jusque préciser que « Les dispositions des articles 1 à 6 du présent arrêté sont sans effet pour les installations de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil pour lesquelles le producteur a envoyé sa demande complète de raccordement avant la date d’entrée en vigueur du présent arrêté. »

– contester devant le juge administratif les tarifs proposés en mettant en avant l’erreur commise par l’acheteur légal quant au calcul de la puissance Q.

  • Aggravation des conditions dans lesquelles la puissance Q est calculée et vérifiée :

Sans clarifier la notion de base, l’arrêté entend néanmoins étendre la période durant laquelle les autres installations sur la même parcelle (ou sur le « même bâtiment » donc…) sont prises en compte pour le calcul de la puissance Q, et donc le tarif applicable.

L’arrêté paru le 30 juin 2015 modifie ainsi l’arrêté de 2011 en ces termes:

la puissance Q sera évaluée non plus à la date du T0 comme c’est le cas actuellement, mais à la date de mise en service de l’installation. Il sera évidemment attendu une modification des conditions générales S11 en conséquence;

– les autres installations à prendre en compte seront celles ayant déjà fait l’objet d’un T0 dans les 18 mois qui précèdent, mais aussi celles qui feront l’objet d’une demande complète dans les 18 mois qui suivent. Une régularisation par voie d’avenant est alors prévue par le nouveau texte.

– la pression quant aux contrôles pouvant être faits a posteriori est accentuée, et il est demandé aux producteurs de produire des extraits cadastraux à jour du T0, ce qui pourra le cas échéant retarder certains dépôts de demande car les services concernés du cadastre devront accélérer leur mise à jour… :

« Le contrat d’achat mentionne également la puissance crête Q définie en annexe 1 et calculée à la date de la mise en service de l’installation. Cette puissance Q est la somme des puissances de l’ensemble des autres installations raccordées ou en projet sur le même bâtiment ou la même parcelle cadastrale dont les demandes de raccordement ont été déposées dans les dix-huit mois avant ou après la date de demande complète de raccordement de l’installation objet du contrat d’achat. Si une modification de la puissance Q résultant du dépôt d’une demande complète de raccordement déposée pour une nouvelle installation située sur la même parcelle cadastrale ou le même bâtiment dans les 18 mois après la date de demande complète de raccordement de l’installation objet du contrat d’achat modifie le tarif auquel l’installation est éligible, le contrat est modifié par avenant. Le plan cadastral faisant foi pour la détermination de la puissance crête Q est celui en vigueur et mis à jour à la date de demande complète de raccordement. »

Cette réforme risque malheureusement de générer des débats quant à l’application des notions utilisées, alors qu’une fois encore, les producteurs ont besoin de sécurité juridique et cela va forcer les producteurs à faire clarifier par le juge administratif la notion de bâtiment unique.