Secteurs de taille et capacité d’accueil limitées (STECAL) : le contrôle du juge évolue !

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Par Maître Lou DELDIQUE, Avocat of counsel – GREEN LAW AVOCATS (lou.deldique@green-law-avocat.fr)

Par une récente décision (TA Versailles, 4 mai 2018, n° 1702800, consultable ici), le Tribunal administratif de Versailles a précisé que la loi ALUR impose au juge administratif d’exercer un contrôle entier (et non plus restreint) sur la délimitation des secteurs de taille et capacité d’accueil limitées (STECAL) dans le PLU.

Les STECAL sont des secteurs délimités au sein des zones inconstructibles des PLU (zones A et N) et au sein desquels certaines constructions ou installations peuvent être édifiées de manière dérogatoire (CU, art. L. 151-13).

La loi ALUR (loi no 2014-366 du 24 mars 2014) a durci les possibilités de délimiter de tels secteurs en soumettant leur création à l’avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) et précisant qu’ils ne peuvent être créés qu’« à titre exceptionnel » (voir sur ce point : Rép. Min., Q n° 12908, JO Sénat du 11/12/2014 – page 2764).

 En l’espèce, l’une des communes de l’EPCI demandait au tribunal d’annuler le PLUi adopté par la Communauté d’agglomération « Saint-Quentin-en-Yvelines » le 23 février 2017. Il était notamment reproché à ce document d’avoir créé en zone N un STECAL de 50 000 m².

Dans un premier temps, le Tribunal a dû vérifier que la communauté d’agglomération était compétente pour approuver le PLUi. En effet, au moment où l’élaboration du plan avait été prescrite, cet établissement ne comprenait que 7 communes : sa fusion avec la Communauté de communes de l’ouest parisien fin 2015 ayant agrandi son territoire en y intégrant 5 nouvelles communes, le périmètre couvert par le PLUi ne coïncidait pas avec celui de l’EPCI.

Selon la commune requérante, cette circonstance méconnaissait l’article L. 153-1 du code de l’urbanisme, qui prévoit que le PLU couvre l’intégralité de la commune ou du territoire de l’EPCI compétent en matière d’urbanisme.

Le tribunal n’a toutefois pas fait droit à ce moyen :

  • Il écarte dans un premier temps les règles issues de la loi n°2017-86 du 27 janvier 2017, qui ne s’appliquent qu’aux EPCI créés à compter du 1er janvier 2017, ou dont le périmètre a évolué à partir de cette date ;
  • Il relève ensuite que l’article L. 153-9 du code de l’urbanisme, dans sa version issue de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises et codifiée par une ordonnance du 23 septembre 2015, prévoit que lorsque la procédure d’élaboration du PLU a été engagée par une commune, elle peut être poursuivie par l’EPCI devenu compétent en matière d’urbanisme ;
  • Enfin, raisonnant par analogie, il étend la portée de cet article aux procédures engagées, non par une commune, mais par un autre EPCI : «  Il ressort des travaux préparatoires à la loi du 20 décembre 2014 que cet article visait à « préciser explicitement que les établissements publics intercommunaux nouvellement compétents en matière de plan local d’urbanisme pourront achever toutes les procédures d’élaboration ou d’évolution de plan local d’urbanisme déjà engagées, soit par une commune soit par un établissement public intercommunal, avant la date de la création […] du nouvel établissement public intercommunal. ». Dans ces conditions, la nouvelle communauté d’agglomération a pu légalement approuver le plan local d’urbanisme sans adapter le périmètre couvert par ce document à son ressort territorial […] ».

La Communauté d’agglomération « Saint-Quentin-en-Yvelines » était donc bien compétente pour approuver le document d’urbanisme contesté.

S’intéressant dans un second temps à la légalité du PLUi, le jugement constate que le secteur de taille et de capacité d’accueil limitées créé en zone N (le STECAL NhMB03) se situe dans un secteur écologiquement sensible :

« […] la zone dans laquelle ce secteur est implanté [se situe] à proximité immédiate de la rive nord de l’étang de Saint-Quentin, zone à l’intérêt écologique indéniable comme en justifie l’avis de l’autorité environnementale qui rappelle que cet étang est à la fois réserve naturelle nationale, site Natura 2000, zone naturelle d’intérêt écologique faunistique et floristique, et lieu de convergences de corridors écologiques majeurs à l’échelle intercommunale ».

Et qu’il permet, sous certaines conditions, l’édification « [de] constructions totalisant 7 500 m² de surface de plancher, destinées essentiellement aux activités de sport et de loisirs, et pouvant atteindre des hauteurs de 12 mètres ».

Opérant un contrôle entier qu’il estime rendu nécessaire par le caractère « exceptionnel » des STECAL depuis la loi ALUR (cf. supra), le tribunal considère que :

« Dans ces conditions, eu égard à l’extrême sensibilité du milieu naturel, à l’enjeu majeur s’attachant à sa préservation en termes environnementaux, et à la circonstance qu’il a déjà été affecté par les installations existantes de loisir, ni la taille, pourtant ramenée de 79 200 m² à 50 000 m², ni la capacité de construction autorisée ne sont suffisamment limitées pour que la communauté d’agglomération ait pu sans erreur d’appréciation faire usage de la possibilité, qui ne lui est ouverte qu’à titre exceptionnel, de délimiter ce « secteur de taille et de capacité d’accueil limitées » au sein de la zone naturelle du plan local d’urbanisme intercommunal de Saint-Quentin-en-Yvelines, le verrou institué par le règlement consistant à exiger que les constructions ne soient pas incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière et qu’elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages étant insuffisamment contraignant à cet égard, d’autant qu’il est relevé en page 67/100 de l’évaluation environnementale que la hauteur de 12 mètres autorisée peut entraver le vol des espèces. Pour les mêmes motifs, les considérations, notamment financières, avancées par la communauté d’agglomération « Saint-Quentin-en-Yvelines » pour permettre à l’Ile de loisirs d’enclencher une nouvelle dynamique par le développement de nouvelles activités moins affectées par la saisonnalité ne sauraient davantage justifier un tel parti d’urbanisme. »

La délibération approuvant le PLUi est donc annulée en tant qu’elle crée le STECAL NhMB030.

Cette décision est intéressante car elle fait évoluer le contrôle du juge sur la délimitation des STECAL, qui était jusque-là restreint (et donc limité à l’erreur manifeste d’appréciation) comme celui exercé sur le reste du zonage (voir en ce sens : CE, 31 mars 2010, n°313762).

Reste toutefois à savoir si cette appréciation sera confirmée en appel ou en cassation…