EoleLes mots que l’on n’a pas dits sont peut-être les fleurs du silence selon un proverbe japonais, mais lee tribunal administratif de Caen (TA Caen, 5 avril 2013, n°1201344) n’en rappelle pas moins  que les refus implicites en matière de permis éoliens ne dispensent pas le Préfet de sérieusement se justifier. Plus précisément dans cette espèce récente le Tribunal précise l’articulation entre les conditions de naissance d’une décision implicite de rejet et l’exigence de motivation des actes administratifs en matière de permis éoliens.

Ainsi, alors que ses demandes de permis de construire avaient fait l’objet d’un refus implicite de la part du préfet de la région Basse-Normandie, un opérateur éolien avait demandé à ce que les motifs de ce refus lui soient communiqués, conformément à l’article 5 de la loi du 11 juillet 1979 qui dispose : « Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n’est pas illégale du seul fait qu’elle n’est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l’intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu’à l’expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. »

En réponse à cette demande, le préfet avait expliqué à la société pétitionnaire qu’il avait souhaité procéder à une nouvelle analyse des demandes, en raison d’un changement de position de la direction de l’aviation civile. Il semble donc qu’il entendait davantage prolonger le délai d’instruction que refuser les permis.

Or le tribunal a confirmé l’existence de décisions de rejet implicites et a fait droit à la demande d’annulation de la société requérante :

« Considérant qu’aux termes de l’article R. 424-2 du code de l’urbanisme : « Par exception au b de l’article R*424-1, le défaut de notification d’une décision expresse dans le délai d’instruction vaut décision implicite de rejet dans les cas suivants : (…)d) Lorsque le projet est soumis à enquête publique en application des articles R. 123-7 à R. 123-23 du code de l’environnement (…) » ; que l’article R. 423-20 du même code prévoit : « Par dérogation aux dispositions de l’article R. 423-19, lorsque le permis ne peut être délivré qu’après enquête publique, le délai d’instruction d’un dossier complet part de la réception par l’autorité compétente du rapport du commissaire enquêteur ou de la commission d’enquête. (…) » ; que l’article R. 423-32 de ce code précise : « Dans le cas prévu à l’article R. 423-20 où le permis ne peut être délivré qu’après enquête publique, sauf dans le cas prévu par l’article R. 423-29 où l’enquête publique porte sur un défrichement, le délai d’instruction est de deux mois à compter de la réception par l’autorité compétente du rapport du commissaire enquêteur ou de la commission d’enquête. » ; que l’article 5 de la loi susvisée du 11 juillet 1979 dispose : « Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n’est pas illégale du seul fait qu’elle n’est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l’intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu’à l’expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. » ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que, le 13 juillet 2010, la société requérante a adressé au préfet de l’Orne trois demandes de permis de construire pour l’implantation de onze éoliennes et de deux postes de livraison sur les communes de Rânes, Saint-Brice-sous-Rânes et Saint-Georges-d’Annebecq ; qu’en application de l’article R. 423-20 précité du code de l’urbanisme, le délai d’instruction des dossiers de demandes a commencé à courir à compter du 17 novembre 2011, date de la réception par les services préfectoraux du rapport du commissaire enquêteur ; qu’aucune décision expresse n’étant intervenue dans le délai d’instruction, lequel expirait le 17 janvier 2012, les trois demandes de permis de construire de la société Les Vents de Rânes ont été rejetés implicitement ; qu’en réponse à la demande de communication des motifs présentés par cette société, le préfet de la région Basse-Normandie a , par courrier en date du 12 mars 2012, expliqué que la direction de l’aviation civile ayant changé d’avis en cours d’instruction sur deux des demandes de permis, il lui est apparu nécessaire de comprendre les raisons de ce changement et de procéder à une nouvelle analyse des demandes, laquelle n’a pu être finalisée pour lui permettre de prendre une décision avant la fin du délai d’instruction ; que le préfet de la région Basse-Normandie doit ainsi être regardé comme ayant laissé naître des décisions implicites, faute de s’être déterminé sur le mérite des trois demandes de permis de construire ; qu’à supposer même que ce courrier puisse être regardé comme comportant l’énoncé d’une motivation, conformément à la loi susvisée du 11 juillet 1979, alors d’ailleurs que les raisons du rejet de la demande de permis référencée PC 061 371 10 F0001 n’y sont pas exposées, le préfet n’a, en tout état de cause, pas donné à ces décisions implicites des motifs susceptibles de les fonder légalement ; qu’ainsi, la société Les Vents de Rânes est, par ce moyen, fondée à en demander l’annulation, ainsi que de la décision rejetant implicitement son recours gracieux ; »

En effet, après avoir rappelé qu’en matière de projet soumis à enquête publique la réception du rapport du commissaire enquêteur marque le point de départ du délai d’instruction de la demande, le juge constate que l’absence de décision expresse dans ce délai de deux mois a fait naître un refus implicite. Il rejette par là-même la possibilité d’une prolongation de l’instruction.

Puis, examinant dans un second temps le courrier d’explication du préfet, il estime que celui-ci ne constitue pas une motivation suffisante des refus susmentionnés.

En conséquence, le tribunal administratif a annulé les refus tacites, et a enjoint au préfet de statuer à nouveau sur les demandes du pétitionnaire dans un délai d’un mois.

Cette décision rappelle que l’autorité administrative ne peut se soustraire à son obligation de motivation, ni  modifier les délais d’instruction en-dehors des cas prévus par les textes et dans les délais légaux, sans commettre d’illégalité (CAA Nancy, 1re ch., 26 mars 1998, n° 94NC01596,  Cne de Talange ; CAA Versailles, 2e ch., 19 nov. 2009, no 08VE01792,  Cne de Saint-Denis).

Lou DELDIQUE éléve avocat – (Green law avocat)