EolePassant en nouvelle lecture devant l’Assembée Nationale, la proposition de loi Brottes vient d’être adoptée par les députés ce 17 janvier 2013.

Elle est particulièrement intéressantes en matière de réglementation des éoliennes.

On se souvient qu’à la suite de son dépôt devant l’Assemblée Nationale le 06 septembre 2012, la proposition de loi avait d’abord été adoptée à la faveur de plusieurs amendements (notamment gouvernementaux) par l’Assemblée. Nous en parlions ici même. Mais le Sénat avait rejeté le texte par le biais d’une exception d’irrecevabilité le 30 octobre 2012 ce qui avait conduit la Commission Mixte Paritaire (CMP) a être saisie, mais dont les travaux ne devaient pas aboutir puisque le Sénat n’avait pas pu se prononcer sur le fond du texte.

L’Assemblée Nationale devait donc débattre du texte le 17 janvier 2013.

A cette occasion, il a été rappelé par la Ministre de l’Environnement que « S’agissant de l’éolien, le Grenelle de l’environnement fixait un objectif de 19 000 mégawatts. Nous en sommes à 33 % de cet objectif. Pour atteindre notre but, il faudrait installer 1 500 mégawatts d’éoliennes par an. Depuis le début de l’année, seulement 200 mégawatts ont été mis en place : il y a un effondrement des projets d’implantation d’éoliennes, qui fait planer une menace directe sur 11 000 emplois. C’est pourquoi nous avons proposé des mesures législatives rapides…« 

 

Plusieurs dispositions de la proposition de loi ont trait à la réglementation des éoliennes, puisqu’il est prévu :

– la suppression des ZDE (article 12bis);

– une dérogation à la loi littorale pour la réalisation de canalisations électriques destinées au raccordement au réseau d’installations marines utilisant les énergies renouvelables. L’autorisation serait refusée « si les canalisations sont de nature à porter atteinte à l’environnement ou aux sites et paysages remarquables » etla réalisation des travaux doit « utiliser des techniques exclusivement souterraines » (article 12ter);

– une dérogation au principe de continuité du bâti en zone littorale pour l’implantation d’éoliennes dans les communes littorales des seuls départements d’outre-mer. La dérogation serait accordée par arrêté du préfet, après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites, et seulement si le projet ne porte pas atteinte à l’environnement ou aux paysages (article 12quater).

 

  • La suppression des ZDE, dont de nombreux professionnels avaient critiqué l’intérêt réduit compte tenu des autres réglementations s’appliquant concomitamment, est justifiée par la proposition de loi au regard de cette superposition de règles: « les ZDE se superposent aux schémas régionaux de l’éolien (SRE) et à la procédure des installations classées, auxquels s’ajoutent d’autres règles contraignantes – la règle des 5 mâts et l’éloignement de plus de 500 mètres des zones d’habitation« .

A cet égard, les arguments consistant à dire que les élus locaux seraient moins consultés est contredit par les nombreuses procédures maintenues. Les élus et le public interviendront toujours par différents biais, ce que rappelle le rapport n°579:

– lors de la délibération de principe sur un nouveau parc ; avant le lancement d’un projet de parc éolien, les maires proposent aux conseils municipaux concernés de prendre une position de principe, par une délibération, sur le projet éolien.

– lors de la préparation de la demande d’autorisation ICPE : afin de constituer la demande d’autorisation d’exploiter ICPE, le porteur du projet doit obtenir l’avis du maire ou du président de l’établissement public de coopération intercommunal compétent en matière d’urbanisme.

– lors de l’enquête publique de la procédure ICPE ;

– dans le cadre de l’élaboration du plan local d’urbanisme ; les communes peuvent définir dans leur PLU des zones interdites aux installations ICPE, voire même aux seules installations éoliennes, y compris dans une zone favorable à l’éolien du SRE ;

– lors de l’instruction du permis de construire: le préfet recueille l’avis simple du maire de la commune d’implantation.

La proposition de loi finalement adoptée laisse toutefois subsister quelques doutes quant à l’application de certaines dispositions.

Notamment, l’article 12bis qui prévoit que « Le dernier alinéa de l’article L. 553-1 du code de l’environnement est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’autorisation d’exploiter tient compte des parties du territoire régional favorables au développement de l’énergie éolienne définies par le schéma régional éolien mentionné au 3° du I de l’article L. 222-1, si ce schéma existe » nous paraît particulièrement flou.

La notion de « tenir compte » n’est pas juridiquement bordée. Et quid d’un schéma en cours d’élaboration, mais qui n’aurait pas encore été approuvé?

Bien qu’il faille saluer cet allégement , il subsiste néanmoins tout un millefeuille réglementaire qui continuera à restreindre le développement de l’éolien. Quant à la question de l’arrêté tarifaire, la Ministre ne peut pour l’heure que rappeler que « le Gouvernement prend toutes les dispositions nécessaires pour sécuriser le tarif » (discussions sur l’article 12bis).

 

La prochaine étape est une nouvelle discussion devant le Sénat, et peut être une saisine du Conseil constitutionnel. Certains parlementaires ne doutent pas que des amendements sont voués à une censure constitutionnelle (Lionel Tardy: « On trouve encore deux cavaliers législatifs sur la réglementation des éoliennes et la suppression des ZDE, qui ne manqueront pas de tomber devant le Conseil constitutionnel – je prends date ce soir.« )

 

 

  • On notera également l’article 10bis de la proposition de loi, adoptée en Commission, qui prévoit des modifications à la procédure devant le Cordis en modifiant les articles L. 132-3, 133-1, 134-25 et 134-27 du code de l’énergie.

Le rapport indique ainsi que « Le comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDiS), créé par la loi du 7 décembre 2006 relative au secteur de l’énergie, est l’un des deux organes composant la CRE – le second étant le collège. Son rôle est de régler, dans leurs aspects techniques et financiers, les différends entre gestionnaires et utilisateurs des réseaux publics d’électricité et de gaz naturel – y compris les fournisseurs d’énergie. Le 2 décembre 2011, le Conseil constitutionnel a rendu une décision au titre d’une question prioritaire de constitutionnalité par laquelle il a explicitement indiqué, concernant le pouvoir de sanction des autorités administratives indépendantes, qu’il est nécessaire que la loi établisse une distinction claire entre autorité d’instruction et autorité de poursuite (décision n°2011-200 QPC).

La proposition de loi confiant de nouvelles prérogatives à la CRE, et plus particulièrement au CoRDiS – article 1er quater –, il était nécessaire de s’assurer que l’organisation et le mode de fonctionnement de celui-ci respectaient la jurisprudence du Conseil constitutionnel. C’est l’objet de cet article, qui apporte les modifications du code de l’énergie suivantes :

– en matière de sanction, le président du comité ne dispose plus de voix prépondérante et désigne un rapporteur parmi les membres du comité ;

– dans le but d’assurer la distinction entre autorité d’instruction et autorité de poursuite, il est également précisé qu’en matière de sanction, le membre du comité qui a prononcé une mise en demeure ne peut participer au délibéré du CoRDiS.

À défaut de telles modifications, le comité ne pourrait sanctionner les manquements des opérateurs de réseau, notamment envers les consommateurs, sans encourir le risque de voir ses décisions annulées par les juridictions compétentes. Compte tenu de la charge de travail du Comité, il est proposé par ailleurs la désignation de suppléants des membres du comité. Cela permettrait en effet de réduire le délai de traitement des demandes de règlement de différends et de sanctions au profit notamment des utilisateurs du réseau« .

 

 

Stéphanie Gandet

Avocat Associé

Green Law Avocat