photo1806Les grandes lignes du Projet de loi de programmation pour la transition énergétique ont été dévoilées le 18 juin 2014 par Ségolène Royal lors d’un point presse (projet de loi de programmation et exposé des motifs). Avec ce texte, la Ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie ambitionne de mettre en place « un nouveau modèle énergétique pour la France » (cf., exposé des motifs du projet de loi). Dans ce but, elle appelle à « à renouer avec le volontarisme énergétique de la France » et n’hésite pas à convoquer l’héritage du Conseil National de la Résistance pour réclamer un volontarisme comparable de la part de tous les acteurs, publics et privés. Ce nouveau modèle énergétique devrait reposer sur trois principaux piliers : d’une part, la réalisation d’économies d’énergie, d’autre part, le développement des énergies renouvelables et enfin, la simplification des procédures.

En vue de favoriser les économies d’énergie, le projet de texte prévoit, dans sa première partie, plusieurs mesures destinées à promouvoir la rénovation des bâtiments (cf., titre II). L’une des principales mesures viserait à éviter que les documents d’urbanisme ne puissent plus empêcher la réalisation d’une isolation d’un logement par son propriétaire. En particulier, des dérogations pourraient être instaurées aux règles d’urbanisme en cas de travaux d’isolation par l’extérieur d’un bâtiment. Par ailleurs, le texte entend favoriser la construction de bâtiments « à énergie positive ». A cette fin, les plans locaux d’urbanisme pourraient imposer aux constructions de couvrir une part minimale de leur propre consommation d’énergie par leurs propres moyens de production d’énergie renouvelable.

La première partie du projet de loi consacrée aux économies d’énergie accorde également une place importante au développement de « l’économie circulaire » (cf., titre IV). Il est notamment prévu d’inscrire dans la loi l’objectif de la transition d’une « économie linéaire » vers une « économie circulaire » et de définir cette notion dans le code de l’environnement de la manière suivante : « La France se donne pour objectif de dépasser le modèle linéaire «  produire, consommer, jeter » et d’assurer la transition vers un modèle d’économie circulaire, en développant un système de production et d’échanges prenant en compte, dès leur conception, la durabilité et le recyclage des produits ou de leurs composants de sorte qu’ils puissent être réutilisés ou redevenir des matières premières nouvelles, afin de réduire la consommation et d’améliorer l’efficacité de l’utilisation des ressources. L’optimisation du cycle de vie des produits prend en compte de manière intégrée l’économie des ressources, matières, énergie, émissions de gaz à effet de serre, et eau nécessaires à ce cycle » (cf., article 20 du projet de loi). Les objectifs chiffrés en vue d’assurer la transition vers « l’économie circulaire » sont ambitieux : il est notamment prévu de réduire de 50 % les quantités de déchets admis en installation de stockage en 2025, de valoriser 70 % des déchets de BTP à l’horizon 2020, ou encore d’augmenter la quantité de déchets faisant l’objet d’une valorisation matière à 55 % en 2020. La première partie du projet de loi comporte également plusieurs mesures destinées à favoriser le développement des transports dits « propres » (véhicules électriques, hybrides etc.).

La deuxième partie du projet de loi est consacrée à la diversification du « mix énergétique ». Son chapitre Ier vise à favoriser le développement des énergies renouvelables. Ici encore, les objectifs sont ambitieux. Il s’agit, notamment, de porter, en 2030, la part des énergies renouvelables à 32 % de la consommation finale brute d’énergie, soit deux fois plus qu’aujourd’hui. A cette fin, il est prévu de renforcer les mécanismes de soutien au secteur. En particulier, le projet de loi entend instaurer un « nouveau dispositif de soutien aux énergies renouvelables fondée sur la possibilité de vendre directement sur le marché l’électricité produite tout en bénéficiant du versement d’une prime, appelée, ‘complément de rémunération’ » (cf., exposé des motifs, titre V). Une articulation serait prévue entre celui-ci et le mécanisme de l’obligation d’achat. Les deux dispositifs ne pourraient toutefois se cumuler. La question de la conformité de ce nouveau mécanisme avec les règles communautaires relatives aux aides d’Etat devra être posée.

Dans l’optique de diversifier le « mix énergétique » français, le titre V de la deuxième partie du projet de loi comprend un chapitre II consacré à l’amélioration de la gestion des concessions hydroélectriques. Le principal objectif serait d’harmoniser la gestion de ces concessions à l’échelle des grandes vallées, afin d’améliorer la sécurité d’exploitation et d’exploiter au mieux le potentiel hydroélectrique des cours d’eau. Par ailleurs, un titre VI est consacré au renforcement de la sûreté nucléaire et à l’information des citoyens. Au-delà, le projet de loi comprend une troisième partie visant à simplifier et clarifier les procédures en vue gagner en compétitivité.

Certes la feuille de route dévoilée par la Ministre de l’Ecologie n’est pas révolutionnaire ; l’économie circulaire est ancrée dans la nouvelle directive mère relative aux déchets de 2008.

Mais elle n’en paraît pas moins ambitieuse en termes d’objectifs. Et si la Ministre ne devait pas être entendue par les parlementaires, elle pourrait toujours se rappeler ce mot fameux du Général De Gaulle : « Délibérer est le fait de plusieurs. Agir est le fait d’un seul. »

Maître Yann BORREL (Green Law Avocat)