Prescription de l’action en TAV

Par Maître Lou DELDIQUE, Avocat Associé – GREEN LAW AVOCATS (06 83 05 11 06 ; lou.deldique@green-law-avocat.fr ; Green Law Avocats)

Par une décision en date du 16 janvier 2020 (Cass. 3e civ., 16 janv. 2020, n° 16-24.352 : consultable ici), la 3ème chambre civile de la Cour de cassation a précisé que l’action en trouble anormal du voisinage n’était pas une action réelle, mais une action en responsabilité civile soumise aux délais de prescription de droit commun.

Cet arrêt fait également partie d’une série de trois décisions rendues le même jour (Cass. 3e civ., 16 janv. 2020, n° 18-21.895 ;Cass. 3e civ., 16 janv. 2020, n° 18-25.915 ; Cass. 3e civ., 16 janv. 2020, n° 16-24.352)au sujet du champ d’application de l’article 1792-4-3 du code civil, qui permet au maître de l’ouvrage d’agir contre son les constructeur et ses sous-traitants dans un délai de 10 ans.

En l’espèce, une SCI avait fait construire des logements, et ses travaux avaient causé des désordres aux voisins, qui avaient alors engagé une action indemnitaire fondée sur la théorie du trouble anormal du voisinage. La cour d’Appel de Paris avait toutefois rejeté leur demande au motif que l’action était prescrite.

Devant la Cour de Cassation, les demandeurs soutenaient que l’action en trouble anormal du voisinage était une action réelle, soumise à une prescription trentenaire.

Dans un premier temps, la Cour de cassation précise que l’action en responsabilité d’un tiers contre les constructeurs sur le fondement d’un trouble anormal du voisinage constitue, non une action réelle, mais une action en responsabilité civile extracontractuelle, soumise à un délai de prescription de droit commun (soit 10 ans avant la réforme de 2008 en vertu de l’ancien article 2270-1 du code civil ; et de 5 ans en vertu de l’article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008) :

 « l’action en responsabilité fondée sur un trouble anormal du voisinage constitue, non une action réelle immobilière, mais une action en responsabilité civile extracontractuelle soumise à une prescription de dix ans en application de l’article 2270-1, ancien, du code civil, réduite à cinq ans à compter de l’entrée en vigueur de l’article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, le délai restant à courir à compter de l’entrée en vigueur de ce texte étant inférieur à cinq ans, et constaté, sans dénaturation du rapport d’expertise, que les désordres s’étaient stabilisés une fois les travaux de consolidation réalisés le 31 juillet 2001 sans aggravation ultérieure démontrée, la cour d’appel en a exactement déduit que le délai de prescription expirait le 31 juillet 2011, de sorte que l’action engagée le 25 octobre 2011 était prescrite ; »

Notons que cette solution confirme deux décisions rendues par la Cour de Cassation en 2014 et en 2018 (Cass. 3e civ., 5 févr. 2014, n° 13-10.816 ; Cass. 2e civ., 13 sept. 2018, n° 17-22.474, n° 1133 F – P + B).

Quant au point de départ de cette prescription, la Cour précise qu’il ne peut s’agir de celui prévu à l’article 1792-4-3 du code civil (qui est la réception des travaux) car l’action prévue par cette disposition est réservée au maître d’ouvrage :

 « la cour d’appel a retenu à bon droit que l’action de l’article 1792-4-3 du code civil, réservée au maître de l’ouvrage, n’est pas ouverte aux tiers à l’opération de construction agissant sur le fondement d’un trouble du voisinage ; »      .

C’est donc bien la date à laquelle les victimes du trouble anormal du voisinage connaissaient les faits leur permettant d’exercer leur action qui constituait le point de départ de la prescription ici.