Pollution atmosphérique : vers une condamnation de l’Etat par le juge ordonnateur !

Par David DEHARBE (Green Law Avocats)

Par un arrêt d’Assemblée du 10 juillet 2020, le Conseil d’État (CE 10 juillet 2020, association les amis de la terre et autres, n° 428409) a ordonné au Gouvernement de prendre des mesures pour réduire la pollution de l’air, sous astreinte de 10 M€ par semestre de retard (cf. notre analyse sur le blog de Green Law).

Le Conseil d’Etat a déjà admis que lorsque l’astreinte est prononcée contre l’Etat, la juridiction attribue l’intégralité de la somme au requérant (CE 28 février, n°205476) ou décide décide qu’une partie seulement de la somme sera versée au requérant sans condamner l’Etat à verser la part restante (CE 30 mars 2001, n° 185107).

Mais son arrêt du 19 juillet 2020 lui donne la possibilité d’ordonner le versement d’une fraction de l’astreinte  » à une personne morale de droit public disposant d’une autonomie suffisante à l’égard de l’Etat et dont les missions sont en rapport avec l’objet du litige ou à une personne morale de droit privé, à but non lucratif, menant, conformément à ses statuts, des actions d’intérêt général également en lien avec cet objet« .

Dans ses conclusions du 12 juillet 2021 (Source Contexte) le rapporteur public recommande au Conseil d’État de confirmer l’astreinte pour non-respect des engagements étatiques en matière de pollution de l’air. Il propose d’en reverser l’essentiel à quatre établissements publics nationaux et cinq associations agréées de surveillance de la qualité de l’air : l’Ademe (3,3 millions d’euros), le Cerema (2,5 millions d’euros), l’Anses (2 millions d’euros), l’Ineris (1 million d’euros), Air Parif (350 000 euros), Atmo Auvergne-Rhône-Alpes (350 000 euros), Atmo Occitanie (200 000 euros) et Atmo Sud (200 000 euros). Les Amis de la Terre, à l’origine de la saisie du Conseil d’État en 2017, recevraient 46 000 euros. Le rapporteur met en garde l’État contre la « tentation » de déduire ces sommes de ses soutiens à certains organismes et assure que « la publicité d’une telle manœuvre constitue un risque supplémentaire, que le gouvernement pourrait hésiter à prendre ».

Ce serait près de 9.950.000 € que le juge affecterait en l’espèce à des organismes publics ou menant de quasi-missions de service public dans le domaine de la protection de la qualité de l’air… On connaissait en droit des polices environnementales le juge administrateur, voici le juge ordonnateur ! Décidément le droit de l’environnement légitime un juge « augmenté » … Nous lirons la prochaine décision liquidant l’astreinte avec le plus grand intérêt !