Abstract spider web with dew dropsLa jurisprudence du Conseil d’Etat relative à l’autorité de la chose jugée par le juge pénal à l’égard du juge administratif est aujourd’hui clairement établie (cf., S. Gandet et Y. Borrel, ICPE: le juge administratif face aux limites de l’autorité de la chose jugée par le juge pénal dans un contentieux ICPE (CAA Douai, 6 mars 2014, n°12DA00626), https://www.green-law-avocat.fr/). Il s’infère notamment de cette jurisprudence que l’autorité de chose jugée au pénal s’impose aux autorités et aux juridictions administratives en ce qui concerne les constatations de fait que les juges répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire de leurs décisions (CE 8 janvier 1971, Desamis, rec. p. 19 ; CE 10 octobre 2003, Commune de Soisy-sous-Montmorency, rec. p. 390 ; CE 10 octobre 2012, SARL Le Madison, req. n° 345903).

Cette solution jurisprudentielle a été appliquée par la Cour administrative d’appel de Douai dans une affaire intéressant la police de l’eau (CAA Douai 9 octobre 2014, M.C.B., req. n° 13DA01490).

Dans cette affaire, un exploitant agricole avait labouré et mis en culture des « prairies permanentes », c’est-à-dire des pâturages laissés en l’état depuis plus de cinq ans. Pourtant, le retournement des prairies permanentes avait été proscrit par un arrêté préfectoral établissant le programme d’actions régional à mettre en œuvre en vue de la protection des eaux contre la pollution par les nitrates d’origine agricole, sauf en cas de régénération des prairies en place (cf., CAA Douai 9 octobre 2014, M.C.B., considérant n° 4).

A l’occasion d’un contrôle sur site, le service départemental de la police de l’eau a constaté le non-respect par l’exploitant de cette interdiction. Un procès-verbal a alors été dressé à son encontre. Sur le fondement de ce procès-verbal, le tribunal de police a reconnu l’exploitant coupable des faits reprochés et l’a condamné au paiement d’une amende contraventionnelle de 500 euros. Tirant les conséquences de cette condamnation, le préfet du département a fait usage de ses pouvoirs de police de l’eau en mettant par deux arrêtés successifs le contrevenant en demeure de remettre en état, avant une échéance bien précise, les prairies permanentes illégalement labourées et mises en culture.

Ces deux arrêtés ont été déférés par l’exploitant au Tribunal administratif de Lille, qui l’a débouté de l’ensemble de ses demandes. La Cour administrative d’appel de Douai a confirmé le bien-fondé de ce jugement :

« 4. Considérant que le procès-verbal du 4 juin 2009 a constaté de la part de M. B…des infractions aux dispositions de l’article 4 de l’arrêté du préfet du Nord du 20 juillet 2004, pris en application de l’article L. 211-1 et suivants du code de l’environnement mentionnés au point 2, et qui était applicable à la date des faits ; que ces infractions étaient relatives à l’interdiction de retournement des prairies de plus de cinq ans et ont fait l’objet d’un jugement pénal devenu définitif ; que, dans ces conditions, le préfet du Nord était tenu, en application de l’article L. 216-1 du code de l’environnement mentionné au point 3, de mettre en demeure l’exploitant, qui ne critique d’ailleurs pas le délai imparti par les deux arrêtés en litige, de remettre en état les parcelles qui avaient été retournées sans autorisation ; que, par suite, les moyens tirés du défaut de motivation des arrêtés de mise en demeure et de l’erreur d’appréciation dont ils seraient entachés quant à l’appréciation de la situation de l’exploitant, sont inopérants ».

Dans le droit fil de la jurisprudence précitée du Conseil d’Etat, la Cour administrative d’appel de Douai a constaté qu’un jugement pénal devenu définitif avait relevé de la part de l’exploitant des infractions à la police de l’eau et qu’en conséquence, le préfet était tenu de mettre en demeure le contrevenant de remettre en état les parcelles illégalement labourées.

Au demeurant, la Cour a considéré que dans la mesure où les arrêtés de mise en demeure avaient été édictés par le préfet alors qu’il était situation de compétence liée, les moyens tirés du défaut de motivation et de l’erreur d’appréciation dont ils auraient pu être entachés étaient inopérants. Pour autant, il serait erroné d’en déduire qu’aucun moyen de fond n’aurait pu être soulevé à l’encontre de ces arrêtés. Il s’infère en effet de l’interprétation a contrario du considérant n° 4 de l’arrêt que le délai imparti à l’exploitant pour assurer la remise en état des parcelles aurait pu être critiqué.

Yann BORREL

Green Law avocat