PC et Division primaire: quelles sont les règles d’urbanisme applicables? (CE, 12 novembre 2020)

Par Stéphanie GANDET, avocat associé et Maëliss LOISEL

Le Conseil d’Etat par un arrêt en date du 12 novembre 2020 (Conseil d’État, 6ème – 5ème chambres réunies, 12/11/2020, 421590, Publié au recueil Lebon) a eu l’occasion de se prononcer sur la question inédite du terrain d’assiette qu’il convient de prendre en compte pour apprécier le respect des règles d’urbanisme dans le cas de projets qui reposent sur une « division primaire » de l’unité foncière.

Définition et règles encadrant la division primaire

Pour rappel, le mécanisme de la division primaire a été créé en 2007 par exception au régime du lotissement (nécessitant un permis d’aménager ou une déclaration préalable).

Il est prévu aujourd’hui à l’article a) de l’article R. 442-1 du code de l’urbanisme qui dispose que :

« Ne constituent pas des lotissements au sens du présent titre et ne sont soumis ni à déclaration préalable ni à permis d’aménager :

a) Les divisions en propriété ou en jouissance effectuées par un propriétaire au profit de personnes qui ont obtenu un permis de construire ou d’aménager portant sur la création d’un groupe de bâtiments ou d’un immeuble autre qu’une maison individuelle au sens de l’article L. 231-1 du code de la construction et de l’habitation ; »

La division primaire est donc une opération qui permet à une personne de devenir titulaire d’un droit de construire sur un terrain qui ne lui appartient pas encore ou sur lequel elle projette de conclure un bail, avec pour finalité de détacher, après obtention du permis de construire, la fraction du terrain objet du projet de construction au bénéfice du titulaire du permis de construire.

Elle implique donc une division en propriété ou en jouissance.

Pour être qualifiable de division primaire, la division intervient après l’obtention du permis de construire et avant de commencer les travaux de la construction projetée sur la partie divisée.

Cette opération ne peut pas porter sur des maisons individuelles ainsi qu’il en ressort des dispositions de l’article R. 442-1 précité.

Ce mécanisme est simple à mettre en œuvre et présente pour les  exploitants l’avantage de ne requérir qu’une autorisation unique et de raccourcir les délais de montage des opérations. Il implique le plus souvent (sans que cela ne soit déterminant pour la qualification) que le propriétaire de l’unité foncière initiale conclut avec un opérateur une promesse de vente ou de bail, qui comporte une condition suspensive tenant à l’obtention d’un permis de construire.

La question des règles d’urbanisme à un permis de construire alors qu’une division primaire est envisagée

Mais dans le cas d’une division foncière non encore intervenue, se posait néanmoins la question des règles d’urbanisme applicables au permis de construire, et de celles applicables à un permis de construire modificatif ultérieur.

C’est sur ce point que l’arrêt rendu est remarquable.

Le Conseil d’Etat a en effet jugé qu’« eu égard à l’objet de ce procédé permettant de combiner, pour les projets portant sur un groupe de bâtiments ou un immeuble autre qu’une maison individuelle destinés à occuper une partie de l’unité foncière existante, l’obtention de l’autorisation d’urbanisme nécessaire au projet et la division de l’unité foncière existante, le respect des règles d’urbanisme doit être apprécié au regard de l’ensemble de l’unité foncière existant à la date à laquelle l’administration statue sur la demande, bien que cette dernière soit informée de la division à venir.

Dans l’hypothèse où, postérieurement à la division du terrain mais avant l’achèvement des travaux, le pétitionnaire dépose une demande de permis modificatif, il y a lieu d’apprécier la légalité de cette demande sans tenir compte des effets, sur le terrain d’assiette, de la division intervenue ».

Les faits étaient les suivants.

La société pétitionnaire dans cette affaire avait indiqué, dans sa demande de permis de construire, que la parcelle était en cours de division par le détachement du terrain sur lequel se situait un immeuble de bureau, de la parcelle initiale, et que la superficie totale du terrain serait après division, d’un peu plus de 2 000 m².

Elle a obtenu un accord tacite à sa demande le 11 décembre 2015 et avait obtenu par ailleurs, le 28 avril 2016, un permis de construire modificatif.

Or, la question se pose de savoir si les règles devant être prises en compte par les services instructeurs tant du permis de construire initial que du permis modificatif, devaient être celles applicables sur l’unité foncière dans son ensemble ou celles applicables uniquement sur la portion du terrain d’assiette ayant vocation à être divisée. 

La question de la détermination de l’assiette dans ce cadre ne trouve pas de définition dans le code de l’urbanisme et a ainsi nourri d’importants débats depuis une dizaine d’année. 

Le Conseil d’Etat n’avait encore jamais été amené à trancher cette question et c’est pour mieux en saisir les enjeux qu’il a invité le Conseil supérieur du notariat et la Fédération des promoteurs immobiliers de France à produire des observations dans le cadre de la procédure prévue à l’article R. 625-3 du code de justice administrative.

Ceux-ci ont eux-mêmes souligné le caractère incertain des règles d’urbanisme ayant vocation à s’appliquer à ce type d’opération et avaient sollicité du Conseil d’Etat en retour une réponse ferme sur ce point afin de sécuriser juridiquement les projets faisant l’objet d’une division primaire.

Le Conseil d’Etat, pour trancher cette question a pris le parti de s’appuyer entre autre sur les dispositions de l’actuel article R. 151-21, du code de l’urbanisme qui prévoit que : “(…) Dans le cas d’un lotissement ou dans celui de la construction, sur une unité foncière ou sur plusieurs unités foncières contiguës, de plusieurs bâtiments dont le terrain d’assiette doit faire l’objet d’une division en propriété ou en jouissance, l’ensemble du projet est apprécié au regard de la totalité desrègles édictées par le plan local d’urbanisme, sauf si le règlement de ce plan s’y oppose ».

Ainsi le Conseil d’Etat a choisi de suivre les conclusions du rapporteur public M. Olivier Fuchs, pour retenir, sur le modèle des instruments d’urbanisme proche de celui de la division primaire à savoir le lotissement et le permis de construire valant division, que l’approche globale à l’échelle de l’unité foncière initiale avant division devait prévaloir dans ce cas.

Il a affirmé qu’une demande de permis de construire reposant sur une division primaire doit être appréciée au regard des règles d’urbanisme applicables à l’ensemble de l’unité foncière et non seulement à la portion de l’unité ayant vocation à être divisée (I.), il a également retenu que cette appréciation globale doit être étendue à l’hypothèse d’une demande de permis de construire modificatif intervenant postérieurement à la division mais avant l’achèvement des travaux (II.).  

Aux termes de l’arrêt commenté, les règles d’urbanismes au regard desquelles le permis de construire doit être instruit dans le cadre d’une division primaire sont celles applicables à la date à laquelle l’administration statue sur la demande (1), même dans la mesure où l’administration est informée de la division à venir (2).

1-L’appréciation des règles applicables à la date à laquelle l’administration statue sur la demande

Le Conseil d’Etat a annulé le jugement du Tribunal administratif qui avait jugé que pour apprécier le respect par le projet des dispositions du plan local d’urbanisme relatives à l’emprise au sol, au nombre de places de stationnement et au traitement des espaces libres, le terrain d’assiette à prendre en compte était constitué de la fraction de l’unité foncière existante dont la société devait devenir propriétaire après division.

En l’espèce, le tribunal administratif avait jugé pour rejeter la demande de la requérante demandant l’annulation du permis octroyé, que le terrain d’assiette du projet était constitué par la seule partie restante de la parcelle après division et que le dossier de permis de construire n’avait pas à être instruit au regard de la totalité de la parcelle avant division.

Mais ce n’est pas la solution qui a été retenue par le Conseil d’Etat qui a choisi de respecter la chronologie particulière de la division primaire, qui est telle qu’à la date de la demande d’autorisation, la division n’a pas encore eu lieu.

Une alternative proposée consistait à procéder à l’analyse de la conformité du projet aux règles d’urbanisme applicables tant au niveau de l’unité foncière de départ que de celle existante après détachement. Mais ce double contrôle aurait eu pour effet d’alourdir la procédure et de rendre moins attractif le procédé de division primaire privilégié en raison de sa simplicité.

2-Une appréciation globale en dépit du fait que l’administration soit informée de la division à venir.

Cette solution s’explique par le fait que le mécanisme de la division primaire permet de combiner l’obtention de l’autorisation d’urbanisme nécessaire au projet et la division de l’unité foncière existante.

Or, le rapporteur public précise à ce sujet que la division primaire a été envisagée, comme une exception au lotissement, et non comme une exception au permis de construire, et sauf exception prévue par les textes, le dépôt de demande de permis de construire concerne une unité foncière non fractionnable.

La solution rendue par le tribunal a été guidée par le fait que le projet est précisément connu avant la réalisation de la division et qu’il y a lieu de ce fait d’apprécier la légalité des constructions envisagées au regard des règles d’urbanisme applicables sur la partie restante de l’assiette de l’unité foncière après que la division n‘ait été réalisée.

Mais la seule prise en compte de la logique prospective de la division primaire ne semble pas avoir convaincu le Conseil d’Etat, car cette possibilité n’est aujourd’hui pas encore encadrée par le code de l’urbanisme et que la procédure d’instruction n’est pas adaptée à la prise en compte par le service instructeur de la division à venir.

Et pour cause, il n’est pas demandé au pétitionnaire de fournir un plan de division, contrairement à la procédure du permis valant division prévue à l’article R. 431-24 du code de l’urbanisme, qui permet la délivrance d’une autorisation valant concomitamment autorisation de construire et division mais dont le dossier de demande de permis de construire doit comporter un plan de division et décliner les modalités de gestion des espaces communs.