Méthanisation : les dérogations à la pasteurisation / hygiénisation du lisier limitées par une instruction technique

méthanisation agricolePar Stéphanie Gandet- avocat associé, spécialiste en droit de l’environnement

stephanie.gandet@green-law-avocat.fr

Une instruction technique de la Direction générale de l’alimentation n°DGAL/SDSPA/2020-41 du 21 janvier 2020 a été publiée au Bulletin officiel du ministère de l’agriculture le 23 janvier 2020, dans le but de fixer les seuils au-delà desquels les exploitants de méthanisation ne pourront plus déroger à la règle de pasteurisation / hygiénisation pour l’utilisation du lisier.

Cette instruction a pour objet de préciser la mise en œuvre les mesures prévues par l’arrêté ministériel du 9 avril 2018 fixant les dispositions techniques nationales relatives à l’utilisation de sous-produits animaux et de produits qui en sont dérivés, dans une usine de production de biogaz, une usine de compostage ou en « compostage de proximité », et du lisier (NOR : AGRG18097443A JORF n° 0095 du 24 avril 2018).

L’arrêté ministériel du 9 avril 2018 précité détermine les conditions selon lesquelles les exploitants d’installations de méthanisation peuvent déroger aux dispositions européennes concernant l’application directe dans les sols du lisier et des autres sous-produits animaux (SPAn) éligibles à cet usage ainsi qu’à la conversation de sous-produits animaux et de produits qui en sont dérivés (PrD) en production de biogaz ou en compostage. Ces règles européennes sont fixées par :

  • le règlement (CE) n°1069/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 modifié, établissant les règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux et produits dérivés non destinés à la consommation humaine et abrogeant (CE) n° 1774/2002 relatif aux sous-produits animaux ;
  • le règlement (UE) n°142/2011 de la Commission du 25 février 2011 portant application du règlement (CE) n ° 1069/2009 du Parlement européen et du Conseil établissant des règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux et produits dérivés non destinés à la consommation humaine et portant application de la directive 97/78/CE du Conseil en ce qui concerne certains échantillons et articles exemptés des contrôles vétérinaires effectués aux frontières en vertu de cette directive;

Ces normes s’appliquent au lisier, qui constitue un sous-produit animal (SPAn) de catégorie 2 au sens de l’article 9) a) du règlement (CE) 1060/2009 et peut effectivement être utilisé comme intrant dans une unité de méthanisation afin de produire du biogaz.

En application de l’article 9 de l’arrêté du 9 avril 2018, lorsque les SPAn de catégorie 2 en mélange ou non avec des produits dérivés constituent les seuls intrants traités dans une usine de production de biogaz, l’exploitant peut demander au directeur départemental en charge des populations à déroger l’obligation de disposer d’une unité de pasteurisation/hygiénisation.

Les dérogations à la pasteurisation/hygiénisation peuvent être accordées si les autorités sanitaires estiment que « cet usage dans ces conditions ne présentent pas de risque sanitaire » (Cf. Question écrite n° 15440, JOAN 25 décembre 2018 p. 11948 ; Réponse du Ministre de l’agriculture et de l’alimentation, JOAN 19 mars 2019, p. 2591).

L’instruction technique DGAL/SDSPA/2020-41 du 21 janvier 2020 vient apporter des précisions sur ces dérogations et vient notamment fixer des seuils au-delà desquels les exploitants d’installations de méthanisation ne pourront plus se la voir octroyer.

 

Il est ainsi prévu les fumiers et lisiers ne pourront plus bénéficier de la dérogation à la pasteurisation / hygiénisation (Cf. Instruction technique DGAL/SDSPA/2020-41, IV Dispositions relatives à la méthanisation, p. 10) :

  • au-delà de 30 000 tonnes / an de lisier ou de fumier ;
  • ou si le lisier / fumier provient de plus d’une « dizaine d’élevages »

L’instruction technique prévoit que ces règles sont applicables quels que soient le contexte sanitaire, le type, la taille et le nombre d’élevages concernés, la zone géographique de provenance et l’utilisation du digestat.

Cette limitation risque de bouleverser certaines unités de méthanisation.

Il est également précisé que « les seules dérogations à la pasteurisation/hygiénisation sont celles prévues » par :

  • le point e i de l’article 13) du règlement (CE) n° 1060/2009 (conversion du lisier en compost ou biogaz après leur transformation par stérilisation sous pression et après marquage final ou avec ou sans transformation préalable si l’autorité compétente estime qu’il n’y a pas de risque de propagation d’une quelconque maladie grave transmissible) ;
  • l’article 8 de l’arrêté du 9 avril 2018 lorsque les exploitants ne disposent pas d’unité de pasteurisation/hygiénisation.

Par ailleurs, l’instruction technique soumise à notre analyse précise que les différentes dérogations des standards de traitement ou au passage en pasteurisation/hygiénisation offertes le règlement (CE) n° 1069/2009 et par l’arrêté ministériel du 9 avril 2018 ne pourront pas se cumuler.

Enfin, le texte rappelle qu’au titre de l’article 22 de l’arrêté ministériel du 9 avril 2018, des mesures transitoires sont prévues (Cf. instruction technique, I.C. Article 22 de l’arrêté ministériel : Mesures transitoires, p. 4) :

  • Les établissements agréés avant la « parution» de l’arrêté du 9 varil 2018 bénéficient des mesures transitoires ;
  • Les agréments sanitaires délivrés avant le 24 avril 2018 restent valides jusqu’au 1er janvier 2023. A compter de cette date, les établissements devront se conformer aux normes de l’Union européennes ou aux normes nationales ;
  • Pour les établissements agréés avant le 25 avril 2018 pour la production de biogaz, le dossier de validation doit être transmis à la Direction générale de l’alimentation.

A défaut, l’établissement devra se mettre aux normes au plus le 1er janvier 2023 comme indiqué.

L’instruction rappelle que « pratiquer une activité relative aux SPAn et PrD sans approbation est défini comme un délit par le Code Rural et de la Pêche Maritime (Art L228-5) ».