Loi sur la transition énergétique: des changements en matière de raccordement des EnR

Silvana ComugneroPar

Stéphanie Gandet (Green Law Avocat)

 

La loi sur la transition énergétique a été adoptée et sa version définitive récemment mise en ligne.

Elle contient évidemment de nombreuses dispositions intéressantes, qu’il faudra coupler aux décrets d’application. On annonce que 80% de ces décrets seraient déjà prêts.

Mais d’emblée, il est intéressant de noter que le code de l’énergie voit certaines dispositions modifiées par la loi en ce qui concerne le raccordement au réseau des installations de production d’électricité à partir de source renouvelable. Par ailleurs, la distance d’éloignement des parcs éoliens on shore avec les habitations a trouvé une formulation définitive qui ne sera pas sans poser de redoutables questions.

 

  •  Le délai de raccordement des installations de production EnR se voit précisé

La loi de transition énergétique prévoit en son article 105 que le délai de raccordement au réseau, prévu par l’article L. 342-3 du code de l’énergie est de deux mois pour les installations de moins de 3kVa et de 18 mois pour les installations d’une puissance supérieure.

Il est renvoyé à un décret pour déterminer quelles installations pourraient faire l’objet d’un délai de raccordement plus long au regard de contraintes techniques et administratives particulières:

« Art. L. 342-3. – À l’exception des cas où il est nécessaire d’entreprendre des travaux d’extension ou de renforcement du réseau de distribution d’électricité, le délai de mise à disposition du raccordement d’une installation de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelable d’une puissance installée inférieure ou égale à trois kilovoltampères ne peut excéder deux mois à compter de l’acceptation, par le demandeur, de la convention de mise à disposition du raccordement. La proposition de convention de mise à disposition du raccordement doit être adressée par le gestionnaire de réseau dans le délai d’un mois à compter de la réception d’une demande complète de mise à disposition du raccordement.

« Pour les autres installations de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelable, le délai de mise à disposition du raccordement ne peut excéder dix-huit mois. Toutefois, l’autorité administrative peut accorder, sur demande motivée du gestionnaire de réseau, une prorogation du délai de raccordement en fonction de la taille des installations et de leur localisation par rapport au réseau ou lorsque le retard pris pour le raccordement est imputable à des causes indépendantes de la volonté du gestionnaire de réseau.

« Un décret fixe les catégories d’installations ainsi que les cas pour lesquels, en raison de contraintes techniques ou administratives particulières, il peut être dérogé au délai de raccordement mentionné au deuxième alinéa.

« Le non-respect des délais mentionnés aux deux premiers alinéas peut donner lieu au versement d’indemnités selon un barème fixé par décret en Conseil d’État.

« Le contrat mentionné à l’article L. 121-46 précise les engagements de délais de raccordement par catégorie d’installations. »

 

 

  • Les distances devant séparer les parcs éoliens on shore et les habitations pourront évoluer sur en fonction de l’autorisation d’exploiter ICPE

C’est là un apport de l’article  139 de la loi de transition énergétique, dont le contenu a donné lieu à de nombreux débats. Il avait déjà pu être émis de sérieux doutes quant à la mise en œuvre concrète d’un droit pour le Préfet d’imposer une distance supérieure au précédent seuil de 500mètres qui s’appliquait aux autorisation ICPE des parcs éoliens.

Au final, la rédaction retenue pour le  dernier alinéa de l’article L. 553-1 du code de l’environnement demeure tout à fait sujette à discussions puisqu’il est prévu :

« La délivrance de l’autorisation d’exploiter est subordonnée au respect d’une distance d’éloignement entre les installations et les constructions à usage d’habitation, les immeubles habités et les zones destinées à l’habitation définies dans les documents d’urbanisme en vigueur à la date de publication de la même loi, appréciée au regard de l’étude d’impact prévue à l’article L. 122-1. Elle est au minimum fixée à 500 mètres. »

Concrètement, c’est oublier que les opérateurs éoliens rédigent et font rédiger par des bureaux d’études spécialisés les différents volets de leur étude d’impact environnemental et de leur étude de dangers de longs mois avant que l’arrêté d’autorisation d’exploiter ne soit signé. Ces études sont fondés sur un parti pris d’implantation, déterminé par une véritable réflexion faisant intervenir un grand nombre de critères (servitudes, radars, circulation aérienne, protections paysagères, disponibilité du foncier, capacités du réseau électriques et proximité des habitations bien évidemment). Or, il semblerait que la formulation nouvelle du code de l’environnement donne la possibilité au Préfet, en aval de la procédure, après les études, le dépôt de la demande d’autorisation, l’enquête publique, l’instruction administrative, de finalement imposer une implantation différente en augmentant la distance d’éloignement par rapport aux habitations.

Cela demeure naturellement source d’insécurité juridique pour les opérateurs qui devront veiller, pour éviter cet écueil, à justifier de façon plus importante encore les raisons motivant cet emplacement au regard de la localisation des habitations et le respect des émergences sonores. A défaut, la décision du Préfet imposant une distance plus importante devra être contestée en tant qu’elle autorise le parc en imposant ce type de prescriptions. Il n’est pas à exclure juridiquement que ce genre de décision puisse s’apparenter à un refus d’autorisation d’exploiter…

Au jeu d’équilibrisme entre les différents acteurs de l’éolien (dont les anti éoliens font partie), la formulation retenue ne satisfera probablement personne.