LOI DE FINANCES POUR 2019 : LES PRINCIPALES MESURES EN MATIÈRE DE FISCALITÉ ENVIRONNEMENTALE

carburant1Par Yann BORREL, avocat of Counsel, GREEN LAW AVOCATS (yann.borrel@green-law-avocat.fr)

La loi n° 2018-1317 de finances pour 2019 a été promulguée le 28 décembre 2018 et publiée le 30 décembre 2018 au Journal officiel (JORF n°302). Si la loi a été déférée au Conseil constitutionnel par des députés de l’opposition, il est à noter que les auteurs de la saisine n’ont pas contesté ses dispositions en matière de fiscalité environnementale (Cons. Const., n° 2018-777 DC, 28 décembre 2018).

Cette loi prévoit, à l’instar et dans la continuité de la loi de finances pour 2018, un alourdissement de la législation fiscale environnementale qui s’est principalement traduite par :

–        une hausse de la composante « déchet » de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) assortie de nouvelles exonérations de la taxe (1°.) ;

–        un renforcement de la part incitative de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) (2°.) ;

–        l’instauration d’une taxe sur les hydrofluorocarbures (HFC) (3°.) ;

–        une redevance pour pollutions diffuses plus dissuasive (4°.).

1°.           Une hausse de la composante « déchet » de la TGAP assortie de nouvelles exonérations

La loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 avait d’ores-et-déjà scellé le sort de la réfaction applicable aux installations régulièrement autorisées dont le système de management environnemental avait été certifié conforme à la norme internationale ISO 14001 par un organisme accrédité. En effet, on se souvient que cette loi a supprimé cette réfaction anciennement codifiée au A. du tableau du a) du A du 1. de l’article 266 nonies du code des douanes à compter du 1er janvier 2019, tout en relevant les autres tarifs de T.G.A.P pour la période 2017-2025.

Comme cela avait été annoncé au cours du printemps de l’année 2018 (cf. Feuille de route sur l’économie circulaire, 23 avril 2018, p. 26), la loi de finances pour 2019 a procédé à un nouveau relèvement de la tarification de la composante « déchets » de la T.G.A.P afin d’inciter les détenteurs de déchets à privilégier les opérations de recyclage par rapport aux opérations de stockage ou d’incinération (L. F. 2019, art. 24 ; Assemblée nationale, Rapport n°1504, 14 décembre 2018, p. 88).

Ce relèvement, qui est progressif, vise notamment les réfactions des tarifs de la TGAP mentionnées aux B. au C. et au D. du tableau du a) du A du 1. de l’article 266 nonies du code des douanes. Ces tarifs seront équivalents au tarif de base défini au E. du même tableau à compter du 1er janvier 2025. Les effets du nouveau relèvement des tarifs se feront surtout ressentir à partir de l’année 2021. La loi de finances a également fixé une nouvelle trajectoire d’évolution des tarifs pour le traitement des déchets.

Il est prévu qu’avec ces nouvelles trajectoires d’évolution de tarifs, les recettes de la composante « déchets » de la TGAP déchets passeront d’un niveau d’environ 450 millions d’euros en 2017 à un niveau d’environ 800 millions d’euros en 2025 (Sénat, Rapport n°147, op. cit., p. 164).

Cette hausse de la tarification s’est accompagnée de la création de nouvelles exonérations de la taxe mentionnées à l’article 266 sexies du code des douanes.

Outre les déchets inertes (cf. C. des douanes, art. 266 sexies, 1. undecies), sont notamment exonérés de taxe :

–        les réceptions de déchets dont la valorisation matière est interdite ou dont l’élimination est prescrite. La liste des déchets concernés sera précisée par arrêté conjoint des ministres chargés du budget et de l’environnement qui est en cours d’élaboration (cf. C. des douanes, art. 266 sexies, 1. duodecies) ;

–        les réceptions de déchets en provenance d’un dépôt non autorisé de déchets abandonnés dont les producteurs ne pourront pas été identifiés et que la collectivité territoriale chargée de la collecte et du traitement des déchets des ménages n’aura pas la capacité technique de prendre en charge. L’impossibilité d’identifier les producteurs et l’incapacité technique de prise en charge des déchets seront constatées, dans des conditions précisées par décret, par arrêté préfectoral, pour une durée ne pouvant excéder trois mois, le cas échéant, renouvelable une fois (cf. C. des douanes, art. 266 sexies, 1. terdecies) ;

–        les réceptions de déchets en provenance d’une installation de stockage où ces déchets ont été préalablement réceptionnés et qui soit n’est plus exploitée depuis le 1er janvier 1999, soit a fait l’objet d’une autorisation pour le stockage de déchets, mais n’est plus exploitée à la date de transfert des déchets (cf. C. des douanes, art. 266 sexies, 1. quindecies).

2°.           Un renforcement de la part incitative de la TEOM

Rappelons que les communes et leurs groupements disposent de trois modes de financement du service public d’élimination des déchets ménagers : la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM), la redevance d’enlèvement des ordures ménagères (REOM) et leur budget général (Sénat, Rapport n°147, op. cit p.147).

Prévue à l’article 1520 du code général des impôts, la TEOM est une imposition assise sur la valeur locative du logement : le contribuable s’acquitte d’un montant calculé à partir de sa base fiscale, qui n’a pas de lien avec le service rendu (Sénat, Rapport n°147, op. cit p.147).

En revanche, la R.E.O.M prévue à l’article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales est une redevance, ce qui signifie que chaque usager du service public d’élimination des déchets ménagers y contribue en fonction du service qui lui est rendu (Sénat, Rapport n°147, op. cit. p.147)

La T.E.O.M peut comprendre une part incitative qui est « assise sur la quantité et éventuellement la nature des déchets produits, exprimée en volume, en poids et en nombre d’enlèvements » (cf. C.G.I, art. 1522 bis).

Mais selon une étude de l’ADEME, le déploiement de la part incitative de la TEOM est quasi-inexistant : au 1er janvier 2016, seules dix collectivités avaient mis en place une part incitative à la TEOM, soit un peu plus de 450 000 habitants (ADEME, CITEXIA, Bilan des collectivités en tarification incitative au 1er janvier 2016, janvier 2018, p.11 ; Assemblée Nationale, Rapport n°1504, op. cit., p. 84).

Cette même étude souligne également que des collectivités ayant mis en place la TEOM ont privilégié le passage à une REOM incitative : 67 collectivités sont passées de la TEOM à la REOM incitative. (ADEME, CITEXIA, Bilan des collectivités en tarification incitative au 1er janvier 2016, op. cit. , p.11 ; Assemblée Nationale, Rapport n°1504, op. cit., p. 84.)

Le recours limité à la TEOM incitative s’explique par les coûts associés à la mise en place du dispositif de suivi des déchets. Qui plus est, les collectivités rencontrent des difficultés à prendre en charge les coûts de mise en place, car le montant de la TEOM en première année ne peut pas dépasser celui de l’année précédente (Sénat, Rapport n°147, op. cit., p.150).

Dans le but de renforcer le recours à la part incitative de la TEOM, la loi de finances pour 2019 a prévu plusieurs mesures de soutien (cf. Feuille de route sur l’économie circulaire, 23 avril 2018, p. 27 ; Assemblée nationale, Rapport n°1504, op. cit., p. 84).

D’une part, cette loi a autorisé, la première année de l’institution de la part incitative, que le produit total de la TEOM puisse excéder, dans une limite de 10 %, le produit de la TEOM de l’année précédente (L. F. 2019, art. 23., I, 2°). L’objectif est de compenser le surcoût de la mise en place de la part incitative de la TEOM lors de la première année. (Assemblée nationale, Rapport n°1504, op. cit., p. 85). Cette mesure a été codifiée au 6 de l’article 1636 B undecies du code général des impôts.

D’autre part, la loi de finances a entraîné la diminution de 4,4 % à 1 % les frais d’assiette et de recouvrement et de 3,6 % à 2 % les frais de dégrèvements et de non-valeurs, tous les deux à la charge des contribuables, au titre des cinq premières années au cours desquelles la part incitative est mise en œuvre (L. F. 2019, art. 23, I, 3°, a) et b)).

Codifiée au h) du A du I de l’article 1641 du code général des impôts, cette diminution des frais de gestion de la part incitative de la TEOM vise à permettre aux collectivités territoriales d’étaler sur cinq ans les dépenses liées au surcoût occasionné par la mise en œuvre de la part incitative, sans pour autant augmenter la pression fiscale sur les contribuables (Assemblée nationale Rapport n°1504, op. cit., p. 85).

3°.           L’instauration d’une taxe sur les HFC

Les hydrofluorocarbures (HFC) sont des fluides frigorigènes principalement utilisés pour le froid domestique et commercial, la climatisation et les produits d’isolation, ainsi que pour produire de la chaleur par des pompes à chaleur et des chauffe-eau thermodynamiques (Assemblée nationale, Rapport n°1504, op. cit., p. 592-593).

Qui plus est, le gaz HFC sont considérés comme étant de puissants gaz à effet de serre dans la mesure où ils ont un potentiel de réchauffement entre 700 et 15 000 fois plus important que celui du dioxyde de carbone (CO2) et qu’ils sont à l’origine d’un peu plus de 5 % des émissions de gaz à effet de serre de la France (Assemblée nationale, Rapport n°1504, op. cit., p. 93).

Les conditions de mise sur le marché, d’utilisation, de récupération et de destruction des fluides frigorigènes – dont font partie les HFC – sont régies par les articles R. 543-75 à R. 543-23 du code de l’environnement.

Pour réduire la pollution engendrée par les HFC et leur utilisation par les entreprises, la loi de finances pour 2019 a instauré une taxe sur ces derniers, à compter de 2021, en créant un nouvel article 302 bis F dans le code général des impôts (L. F. 2019, art. 197 ; Assemblée nationale, Rapport n°1504, op. cit., p.593).

Cette taxe sera due par toute personne qui réalisera la première livraison en France de gaz HFC, à titre gratuit ou onéreux, à raison de cette première livraison (L. F. 2019, art. 197).

La livraison d’équipements chargés de ces substances ainsi que leur utilisation dans le cadre d’une activité économique sont assimilées à une livraison de cette substance.

Quant au tarif de la taxe, pour une tonne équivalent CO2, il sera de 15 euros en 2021, 18 euros en 2022, 22 euros en 2023, 26 euros en 2024 et 30 euros à compter de 2025.

Toutefois, la loi de finance pour 2019 instaure un suramortissement pour l’ensemble des biens d’équipement de réfrigération et de traitement de l’air utilisant des fluides autres que HFC, affectés à leur activité et acquis du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2021 (L. F. 2019, art. 25).

Codifié à l’article 39 decies D du code général des impôts, ce suramortissement permettra de déduire, de manière linéaire sur une durée de 4 ans, une somme égale à 40 % de la valeur d’origine du bien. Cette déduction s’opérera sur le résultat imposable des entreprises soumises à l’IS ou l’IR (Assemblée Nationale, Rapport n°1504 op. cit., p.94).

Précisons, enfin, que la loi de finances pour 2019 a exonéré de taxe les livraisons de HFC (L. F. 2019, art. 197 ; CGI, A, V, art. 302 bis F ; Assemblée Nationale, Rapport n°1504 op. cit. p. 593) :

« – destinées à être détruites ;

– utilisées par l’acquéreur comme un intermédiaire de synthèse ;

– expédiées ou transportées hors de France par le redevable ;

– utilisées par l’acquéreur dans des équipements militaires ;

– utilisées par l’acquéreur pour la production d’inhalateurs doseurs dans les produits pharmaceutiques ;

– utilisées par l’acquéreur pour le fonctionnement des unités de réfrigération des camions et remorques frigorifiques ;

– utilisées par l’acquéreur dans des applications pour lesquels les solutions de substitutions n’existent pas ou ne peuvent être mises en œuvre pour des raisons techniques ou de sécurité, mais également si une offre suffisante de HFC ne peut être garantie sans entraîner des coûts disproportionnés ».

4°. Une redevance pour pollutions diffuses plus dissuasive

La loi de finances pour 2019 a également eu pour objet un relèvement de la redevance pour pollutions diffuses.

Cette redevance a pour objectif de diminuer les pollutions diffuses en incitant à réduire l’utilisation des produits phytopharmaceutiques (pesticides) (Assemblée nationale, Rapport n° 1504, op. cit., p. 641).

Conformément à l’article L. 213-10-8 du code de l’environnement, elle est exigible auprès des « personnes […] qui acquièrent un produit phytopharmaceutique […] ou une semence traitée au moyen de ces produits ou commande une prestation de traitement de semence au moyen de ces produits ».

Comme la redevance a eu peu d’effet sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, la loi de finances pour 2019 a modifié à la fois son taux et son assiette dans le but de dissuader l’usage de ces produits (L. F. 2019, art. 234 ; Assemblée nationale, Rapport n° 1504, op. cit. p.642).

Plus précisément, le texte de loi prévoit une plus forte taxation des substances qui seront à terme interdites au niveau européen en distinguant six taux de redevance en fonction de la dangerosité des produits pour la santé et pour l’environnement (L. F. 2019, art. 234 ; Assemblée nationale, Rapport n° 1504, op. cit., p. 642 ). Selon cette même disposition, ces nouveaux taux de redevances sont codifiés au 1° au 6° de l’article L. 213-10-8 du code de l’environnement.

Dans l’hypothèse où une substance relèverait de plusieurs catégories à la fois, soit le taux le plus élevé sera appliqué, soit les taux seront additionnés, selon les cas (Assemblée nationale, Rapport n° 1504, op. cit., p. 643).

L’objectif est que la revalorisation des taux de la redevance ait pour effet d’accroître le produit versé aux agences de l’eau d’un montant estimé à 50 millions d’euros (Assemblée nationale, Rapport n° 1504, op. cit. p.643).

Enfin, ce montant sera utilisé, à compter de 2020, pour accélérer la conversion à l’agriculture biologique, dans des conditions fixées par une circulaire conjointe des ministères en charge de l’écologie, de l’agriculture et du budget (Assemblée nationale, Rapport n° 1504, op. cit. p.643).

Parallèlement à cet alourdissement de la législation fiscale environnementale, le Parlement a prévu le gel de la trajectoire carbone des taxes intérieures de consommation en guise de réponse à l’une des revendications du mouvement des « Gilets Jaunes » (art. 64, L. F. 2019 ; Code des douanes, Tableau B, 1°, 1, art. 265 ; Assemblée Nationale, Rapport n°1504 op.cit., p.265).

Pour répondre aux autres revendications de ce mouvement, d’autres mesures ont été prises, cette fois-ci, par le pouvoir réglementaire telles que :

–        le report du contrôle technique des véhicules diesels (cf. Arrêté du 20 décembre 2018 relatif au report, pour une durée de six mois, du renforcement du contrôle technique des véhicules diesel légers) ;

–        le versement d’une prime à la conversion de 2 500 euros pour l’acquisition d’un véhicule hybride rechargeable neuf ou d’occasion par un ménage non imposable (cf. Décret n° 2018-1318 du 28 décembre 2018 relatif aux aides à l’acquisition ou à la location des véhicules peu polluants) ;

–        le doublement de la prime à la conversion pour les ménages les plus modestes (cf. Décret n° 2018-1318, op. cit.) ;

–        le doublement de la prime à la conversion « pour les personnes non imposables dont le lieu de travail est situé à plus de 30 km en ligne directe de leur domicile, ou qui parcourent plus de 12 000 kilomètres par an avec leur véhicule personnel dans le cadre de leur activité professionnelle » (cf. Décret n° 2018-1318, op. cit.) ;

–        l’extension du bonus écologique, dans la limite de 4 000 euros, aux catégories M2 ou N2 (cf. Décret n° 2018-1318, op. cit.) ;

–        l’élargissement du chèque énergie aux ménages d’un revenu fiscal de référence annuel par unité de consommation inférieur à 7 700 euros (cf. Décret n° 2018-1216 du 24 décembre 2018 modifiant les modalités de mise en œuvre du chèque énergie, art. 2).

Néanmoins, toutes ces mesures auront sans doute peu d’effet puisqu’elles ciblent les populations les plus défavorisées qui pourront difficilement entreprendre des actions pour réduire leurs dépenses énergétiques.