Le TA de Nantes valide le PPRL de Noirmoutier (TA Nantes, Commune de Barbâtre, 2 mars 2018, n°1510688)

Aerial photo of salt marshes on Noirmoutier island, Vendee

Par Maître Lou DELDIQUE, Avocat of counsel – GREEN LAW AVOCATS (lou.deldique@green-law-avocat.fr)

Les plans de prévention des risques naturels prévisibles littoraux (PPRL) font partie des plans de prévention des risques régis par les articles L.562-1 et suivants du code de l’environnement, mais leur régime est plus spécifiquement encadré par une circulaire du Ministre de l’écologie de 2011 (Circ. 27 juill. 2011, NOR : DEVP1119962C : BO min. Écologie n° 2011/15, 25 août 2011).

Comme les autres plans de prévention des risques, ils ont vocation à délimiter les zones soumises au risque et à réglementer l’utilisation et l’occupation des sols sur ces zones.

En l’espèce, le PPRL approuvé par le Préfet de la Vendée sur le territoire de l’Ile de Noirmoutier en 2015 avait été contesté par l’une des communes situées au sein du périmètre de ce document.

Rappelons en effet que les plans de prévention des risques sont élaborés par l’Etat et que les règles de constructibilité qui y sont définies peuvent parfois s’avérer problématiques pour les collectivités concernées.

Dans son jugement du 2 mars 2018 (TA Nantes, 2 mars 2018, n°1510688, consultable ici), le Tribunal administratif de Nantes a rejeté le recours.

En effet, après avoir écarté un certain nombre de moyens de légalité externe (et notamment celui tiré de l’absence de publication de l’avis d’enquête publique dans des journaux nationaux, alors que bon nombre des maisons de l’Ile sont des résidences secondaires appartenant à des personnes résidant partout en France), le jugement valide l’évaluation des risques présentée dans le plan.

Ainsi, il estime que l’étude technique de l’aléa était assez précise et que les travaux de sécurisation non encore réalisés mais prévus dans le cadre du programme d’actions de prévention contre les inondations (PAPI) n’avaient pas à être pris en compte pour établir le zonage du PPRL, confirmant ainsi une solution déjà retenue par le Tribunal administratif de Montpelier (TA Montpellier, 10 juin 2004, n°035254 ; TA Montpellier, 29 avril 2004, n° 011777- 012462).

Enfin, la requérante critiquait, par la voie de l’exception, le bien-fondé de l’article 6.1. de la circulaire du 27 juillet 2011, qui prévoit de tenir compte de l’effet protecteur des ouvrages de protection, mais aussi des risques de défaillance de ceux-ci :

« Dans le cadre de l’élaboration du projet de PPR, le principe qui doit guider l’action est qu’une zone protégée par une digue reste une zone inondable. […]

Sauf cas très exceptionnel, par exemple ouvrage de plusieurs dizaines de mètres de large à la base et très solide, aucun ouvrage ne peut être considéré comme infaillible, quelles que soient ses caractéristiques et sa résistance présumée. […]

Par ailleurs, l’objectif des services de l’Etat doit être de déterminer les aléas en tenant compte de la présence du système de protection de la manière la plus réaliste possible. C’est pourquoi la première étape de la prise en compte des ouvrages dans le projet de PPRL proprement dit consiste à déterminer leur comportement face à l’événement de référence et en particulier à évaluer le sur-aléa engendré par la défaillance de ces ouvrages. Cette défaillance peut être de grande ampleur (ruine de l’ouvrage, notamment dans un contexte de surverse généralisée), ou plus locale (apparition de brèches). Lorsque l’hypothèse de ruine généralisée de l’ouvrage ne peut être écartée, l’aléa pris en compte pour le zonage réglementaire est la superposition de l’aléa de référence en l’absence d’ouvrage et du sur-aléa induit par les phénomènes de sur-vitesse et d’affouillements observés au pied de l’ouvrage défaillant. Dans le cas contraire, il convient de prendre en compte le fait que l’ouvrage limite de fait les entrées d’eau sur le territoire : l’étude d’aléa pourra être basée sur des hypothèses de brèches (cf. annexe 3). […] »

Après avoir précisé que la circulaire présente un caractère impératif justifiant qu’on puisse exciper de son illégalité (CE, 18 décembre 2002, Duvignères, n° 233618), le Tribunal a refusé de faire droit à ce moyen en ces termes :

«  Considérant […] que lorsque des terrains sont situés derrière un ouvrage de protection, il appartient à l’autorité compétente de prendre en compte non seulement la protection qu’un tel ouvrage est susceptible d’apporter, eu égard notamment à ses caractéristiques et aux garanties données quant à son entretien, mais aussi le risque spécifique que la présence même de l’ouvrage est susceptible de créer, en cas de sinistre d’une ampleur supérieure à celle pour laquelle il a été dimensionné ou en cas de rupture, dans la mesure où la survenance de tels accidents n’est pas dénuée de toute probabilité ; que la commune requérante n’est ainsi pas fondée à soutenir que la circulaire du 27 juillet 2011 est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’elle envisage l’existence d’un risque d’inondation spécifique lié à la seule présence d’un ouvrage de défense ; qu’il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l’arrêté attaqué est illégal à raison de l’illégalité de la circulaire du 27 juillet 2011 doit être écarté ; »

Notons que cette solution s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence rendue en matière de PPRi : il a en effet déjà été jugé que le risque d’insuffisance de l’ouvrage de protection doit être anticipé (CAA Marseille, 10 mai 2005, n° 04MA00416 ; CAA Marseille, 19 mai 2005, n°04MA02029), même si la réalisation de travaux hydrauliques et la diminution subséquente de l’aléa peuvent, de manière plus générale, être prises en compte pour apprécier la pertinence du zonage ou de son évolution (CAA Lyon, 23 septembre 2014, n°13LY20050 ; CAA Marseille, 19 mai 2005, n°04MA00013 ; TA Montpellier, 19 avril 2007, n°0303980 ; TA Montpellier, 17 mars 2005, n°0001137), sous réserve toutefois que l’efficacité et la pérennité des ouvrages puissent être démontrées (CAA Bordeaux, 4 juill. 2005, n°02BX01172 ; TA Poitiers, 23 juin 2005, n°0401678).