Le Préfet de région et autorité d’examen au cas par cas : nouvelle validation par le Conseil d’Etat

Par Maître Stéphanie GANDET, Avocate associée (stephanie.gandet@green-law-avocat.fr) (Green Law Avocats)

Validation d’une précédente position jurisprudentielle

Dans une espèce où l’association France Nature Environnement sollicitait l’annulation du décret n° 2020-844 du 3 juillet 2020 relatif à l’autorité environnementale et à l’autorité chargée de l’examen au cas par cas (JORF n°0164 du 4 juillet 2020) , le Conseil d’Etat a validé le cumul de fonctions du Préfet de région en tant qu’autorité compétente pour conduire l’examen au cas par cas et autorité en charge de délivrer l’autorisation administrative sollicitée (CE, 16 février 2022, n°442607, téléchargeable ci-dessous).

Pour rappel, l’association soutenait que les dispositions de l’article R.122-3 du code de l’environnement issues du décret querellé avaient pour effet de désigner, dans de nombreuses hypothèses, le Préfet de région comme autorité chargée de l’examen au cas par cas. La difficulté résidait selon elle dans le fait que le texte ne prévoyait pas d’exclure la compétence du Préfet de région lorsque celui-ci était compétent pour autoriser le projet mais également pour déterminer si celui-ci devait ou non être soumis à évaluation environnementale.

L’association alléguait que dans ces conditions, le décret attaqué méconnaissait les objectifs de la directive 2011/92/CE du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JOUE L 26/1 du 28 janvier 2012 p.1-21). Elle soutenait que le double office du Préfet pouvait conduire à l’impossibilité pratique d’assurer l’indépendance de l’autorité chargée de réaliser l’examen au cas par cas.

Cette question avait déjà conduit le Conseil d’État à censurer en 2017 le double office du Préfet de région lorsqu’il intervenait en tant qu’autorité environnementale alors qu’il était par ailleurs compétent pour délivrer l’autorisation sollicitée (CE 6 décembre 2017, n° 400559).

Toutefois dans un arrêt de 2019 à propos d’un décret modifiant la nomenclature des ICPE qui permettait au Préfet statuant sur une demande d’enregistrement de se prononcer par ailleurs dans le cadre de l’examen au cas par cas, la Haute juridiction avait validé cette double fonction sous réserve que l’autorité compétente « ne soit pas chargée de l’élaboration du projet ou en assure la maîtrise d’ouvrage » (CE, 25 septembre 2019, n°427145). 

Des précisions apportées par le Conseil d’Etat

En l’espèce, pour rejeter la requête de France Nature Environnement, la Haute juridiction reprend le raisonnement exposé dans sa jurisprudence de 2019 et confirme que les dispositions attaquées ne méconnaissent pas le droit européen dans la mesure où :

  • D’une part, et comme le relevait le rapporteur public, « aucune disposition de la directive ne fait obstacle à ce que l’autorité chargée de procéder à cet examen au cas par cas soit celle compétente pour statuer sur l’autorisation administrative requise » ;
  • D’autre part, le Préfet a l’obligation, lorsqu’il identifie une situation de conflit d’intérêts, de saisir la Mission Régionale d’Autorité environnementale (MRAE) afin que celle-ci procède à l’examen au cas par cas. Cette dérogation permet ainsi de mettre en œuvre des dispositions de l’article 9 bis de la directive précitée qui impose aux Etats membres de « veiller à ce que l’autorité ou les autorités compétentes accomplissent les missions résultant de la présente directive de façon objective et ne se trouvent pas dans une position donnant lieu à un conflit d’intérêts. Lorsque l’autorité compétente est aussi le maître d’ouvrage, les Etats membres appliquent au minimum, dans leur organisation des compétences administratives, une séparation appropriée entre les fonctions en conflit lors de l’accomplissement des missions résultant de la présente directive ».