Le cadrage préalable, mesure phare de l’ordonnance relative à l’autorisation environnementale

Haus im GrnenPar Yann BORREL – GREEN LAW AVOCATS

L’ordonnance n°2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale comporte un dispositif qui vise à donner une plus grande visibilité aux porteurs de projets sur les procédures et les règles auxquelles leurs projets vont être soumis, ainsi que sur les délais d’instruction. Ce dispositif, qui a été surnommé par les praticiens de « cadrage préalable », répond aux souhaits exprimés par les pétitionnaires de mener avec l’administration des échanges d’informations en amont du dépôt de leurs projets afin d’en sécuriser la réalisation.

Les dispositions de l’ordonnance qui sont relatives au cadrage préalable ont été codifiées aux articles L. 181-5 et L. 181-6 du code de l’environnement. Le décret n° 2017-81 du 26 janvier 2017 relatif à l’autorisation environnementale en a précisé les modalités d’application aux articles R. 181-4 à R. 181-11. Au-delà du fait qu’elles ont « compilé » dans la section 2 du chapitre unique du nouveau titre VIII du Code de l’environnement des dispositifs de cadrage préalables qui sont déjà existants (cf. C. env., L. 122-1-2 ; C. env., art. 122-1-IV), les dispositions de l’ordonnance et du décret doivent surtout retenir l’attention des praticiens en ce qu’elles ont généralisé, tout en le simplifiant, un dispositif jusqu’alors expérimental : le certificat de projet.

En définitive, le « cadrage préalable » recouvre trois procédures d’échanges d’informations préalables au dépôt de la demande d’autorisation environnementale :

  • en premier lieu, un échange d’informations qui vise à permettre au pétitionnaire de préparer son projet et son dossier de demande d’autorisation (1.)
  • en deuxième lieu, des échanges d’informations concernant l’évaluation environnementale (2.)
  • en troisième lieu, un échange d’informations dans le cadre de l’établissement d’un « certificat de projet » (3.).

1°.     L’échange d’informations destinées à la préparation du projet et la demande d’autorisation :

Cette procédure est définie au 1° de l’article L. 181-5 du code de l’environnement. Il s’agit d’un dispositif facultatif et qui se veut préventif. Les informations que le pétitionnaire peut solliciter auprès de l’autorité compétente visent à lui permettre de préparer son projet et son dossier de demande d’autorisation. L’ordonnance ne définit pas la forme sous laquelle l’administration compétente apportera ses réponses. Les premiers retours d’expérience permettront sans doute d’y voir plus clair à ce sujet. Toujours est-il que ces réponses seront fonction de l’état du projet. Dans ces conditions, la sollicitation d’informations très en amont du projet pourrait s’avérer peu utile. Il serait sans doute préférable d’effectuer ces sollicitations une fois que les grandes orientations du projet seront arrêtées. Par ailleurs, il est à noter que les réponses apportées par l’administration ne lieront pas cette dernière quant à la complétude du dossier qui sera finalement nécessaire à l’instruction et la décision qui sera prise à l’issue de celle-ci. Cette procédure d’échange préalable d’informations pourra être initiée par les porteurs de projets à compter du 1er mars 2017.

2°.     L’échange d’informations portant sur l’évaluation environnementale :

Cet échange d’informations est défini aux 3° et 4° de l’article L. 181-5 du code de l’environnement. Il recouvre en réalité deux démarches successives :

  • la première correspond à une obligation de saisine de l’autorité environnementale, pour les projets soumis à un examen au cas par cas (A.).
  • La seconde consiste en la possibilité de saisir l’autorité compétente pour solliciter un avis sur le champ et le degré de précision des informations à fournir dans l’étude d’impact (B.).

Avant d’exposer les deux démarches, il convient de rappeler que les dispositions des 3° et 4° de l’article L. 181-5 entrent en vigueur le 1er mars 2017.

  • La soumission à évaluation environnementale

Aux termes du IV de l’article L. 122-1 du code de l’environnement, « lorsqu’un projet relève d’un examen au cas par cas, l’autorité environnementale est saisie par le maître d’ouvrage d’un dossier présentant le projet afin de déterminer si ce dernier doit être soumis à évaluation environnementale ». La demande est effectuée dans le respect des règles de forme et de procédure visées à l’article R. 122-3 du code de l’environnement. Ce dispositif a été réitéré au 3° de l’article L. 181-5 du code de l’environnement. Il fait désormais partie des procédures d’échanges préalables d’informations. Sa mise en œuvre est impérative pour les projets relevant d’un examen au cas par cas : en effet, il a déjà été jugé que l’omission de saisir l’autorité environnementale lorsqu’un projet relève d’un examen au cas par cas constitue un vice substantiel qui entache d’illégalité la décision finale (cf. TA Rennes 10 juillet 2015, req. n° 1403987). Enfin, il est à noter que la demande d’examen au cas par cas peut être présentée conjointement à la demande de certificat de projet (cf. 3°.).

 

  • La demande d’informations concernant l’étude d’impact

L’article L. 122-1-2, qui est issu de la loi Grenelle II (cf. loi 2010-788 du 12 juillet 2010), prévoit déjà la possibilité, réservée au maître d’ouvrage, de mettre en œuvre une procédure de cadrage préalable. Ce dispositif a été réitéré au 4° de l’article L. 181-5 du code de l’environnement. Il s’agit d’un dispositif optionnel qui permet au porteur de projet de demander à l’autorité compétente un avis sur le champ et le degré de précision des informations à fournir dans son étude d’impact. Enfin, il est à noter que cette demande d’avis peut être présentée conjointement à la demande de certificat de projet (cf. 3°.).

3°.       Le certificat de projet

  • Qu’est-ce que le certificat de projet ?

Le certificat de projet est au cœur du dispositif qui vise à donner une plus grande visibilité aux porteurs de projets sur les procédures et les règles auxquelles leurs projets vont être soumis, ainsi que sur les délais d’instruction. Le certificat de projet est défini au  2° de l’article L. 181-5 du code de l’environnement. Par ailleurs, l’article L. 181-6 lui est spécifiquement consacré, tout comme les dispositions des articles R. 181-4 à R. 181-11. Ces dispositions ont généralisé, tout en le simplifiant, le dispositif qui a été expérimenté dans quatre régions dans le cadre de l’application de l’ordonnance n° 2014-356 du 20 mars 2014 relative à l’expérimentation d’un certificat de projet et de son décret d’application (cf. décret n° 2014-358 en date du 20 mars 2014)

  • Comment demander un certificat de projet ?

Le porteur de projet a la possibilité  (cela reste une option) d’adresser une demande de certificat de projet à l’autorité administrative compétente, c’est-à-dire au préfet de département (ou à Paris, le préfet de police).

Cette demande doit comporter les informations suivantes :

-l’identité du demandeur ;

-la localisation du projet avec un plan parcellaire et des références cadastrales, la nature et les caractéristiques principales du projet ;

-une description succincte de l’état initial des espaces concernés par le projet et ses effets potentiels sur l’environnement (cf. C. env., R. 181-4-I) ;

Comme cela a été évoqué ci-dessus, il est possible de coupler la demande de certificat de projet avec une ou plusieurs autres demandes prévues à l’article L. 181-5 du code de l’environnement. En effet, selon un logique de « guichet unique », la demande de certificat de projet peut être accompagnée du formulaire de demande d’examen au cas par cas, de la demande d’avis sur le degré de précision des informations mentionnée à l’article R. 122-4 du code de l’environnement, mais également d’une demande de certificat d’urbanisme mentionnée à l’article R. 410-1 du code de l’urbanisme. Si le demandeur opte pour un dépôt couplé, sa (ou ses) demande(s) présentée(s) conjointement à la demande de certificat de projet sera (seront), s’il y a lieu, transmise(s) à l’autorité administrative compétente. Il est important de noter que dans ce cas, cette (ou ces) demande(s) se substituera (substitueront) à toute autre demande ayant le même objet présentée antérieurement et emportera (emporteront) renonciation à présenter de nouvelle(s) demande(s) pendant l’instruction du certificat de projet (cf. C env., art. R.181-4-II).

  • Quel est le contenu du certificat de projet ?

Les informations communiquées dans un certificat de projet sont définies aux articles L. 181-6, R. 181-6 et R. 181-7 du code de l’environnement.

En fonction des informations fournies par le demandeur, le certificat de projet précise, le cas échéant :

–        les régimes, procédures et décisions qui relèvent de la compétence du préfet de département et qui sont applicables au projet à la date de la demande ; le certificat de projet mentionne, le cas échéant, l’intention du préfet de demander l’organisation d’une concertation avec le public ;

–        les différentes étapes de l’instruction et les pièces à fournir pour chacune d’elle ;

–        la situation du projet au regard des dispositions relatives à l’archéologie préventive. Sur ce point, l’article R. 181-7 du code de l’environnement prévoit que la demande de certificat de projet, une fois réceptionnée par le préfet de département, sera transmise au préfet de région. Il appartient alors à ce dernier de déterminer, dans un délai de cinq semaines, les dispositions applicables au projet en matière d’archéologie préventive. Le certificat de projet a vocation à retranscrire ces informations ;

–        les autres régimes, procédures et décisions dont peut relever le projet ;

–        toute autre information que le préfet estime utile de porter à la connaissance du porteur de projet, notamment, des éléments techniques ou juridiques du projet qui pourrait faire obstacle à la réalisation du projet ;

–        les délais réglementaires d’intervention des décisions liées au projet.

  • Quelle est la procédure de délivrance d’un certificat de projet ?

Le préfet doit  accuser réception de la demande de certificat de projet. Dès ce stade, le préfet pourra informer le porteur de projet de ce que son projet ne relève pas de l’article L. 181-1 du code de l’environnement. À compter de l’accusé de réception d’un dossier complet, le préfet a deux mois pour établir le certificat de projet sollicité. Ce délai pourra être complété par un nouveau délai d’un mois si le préfet en informe le demandeur et motive cette prolongation.

Une fois établi, le certificat de projet est notifié au demandeur. Il sera délivré conjointement par plusieurs préfets si le projet est situé sur le territoire de plusieurs départements (cf. C. env., art. R. 181-2).

Lorsque celui-ci comporte un calendrier d’instruction, le demandeur, s’il entend y donner son accord, doit le contresigner et le retourner au préfet dans un délai d’un mois. Le calendrier engage alors l’administration et la pétitionnaire (cf. C. env., art. R. 181-11). Ce calendrier a ainsi pour effet de se substituer aux délais réglementaires prévus (cf. C. env., art. L. 181-5). L’engagement réciproque sur le calendrier a donc pour effet de contractualiser les délais d’instruction. Cette contractualisation permettra d’accélérer certaines procédures mais elle pourra également se retourner contre l’impétrant si ce dernier évalue mal le temps nécessaire pour réaliser certaines études ou encore pour acquérir le foncier…

Enfin, il est à noter qu’en cas de demandes d’informations couplées au titre de l’article L. 181-5 du code de l’environnement (i.e. demande de certificat de projet + demande d’examen au cas par cas OU demande de certificat de projet + demande de précisions sur l’étude d’impact OU demande de certificat de projet + demande de certificat d’urbanisme), les éléments d’informations sollicités en sus du certificat seront soit annexés au certificat de projet (cf. C. env., art. R. 181-8 et C. env., art. R. 181-10) soit inclus dans le certificat de projet (cf. C. env., art. R. 181-9).

  • Quelle est la portée d’un certificat de projet ?

Grâce au certificat de projet, les pétitionnaires devraient disposer d’une vision claire du cadre juridique dans lequel leurs projets s’inscriront. Néanmoins, ils n’auront aucune garantie que ces règles n’auront pas changé au moment où l’administration statuera sur la (ou les) demande(s) d’autorisation nécessaire(s) à la réalisation de leur projet. En effet, contrairement au certificat de projet qui a été expérimenté dans le cadre de l’ordonnance n° 2014-356 en date du 20 mars 2014, le certificat de projet tel qu’issu de l’ordonnance relative à l’autorisation environnementale n’a pas pour effet de « cristalliser le droit ». La cristallisation du droit a été abandonnée car jugée trop complexe et difficile à mettre en œuvre dans le cadre de son expérimentation, ainsi qu’il ressort rapport sur l’évaluation des expérimentations de simplifications en faveur des entreprises dans le domaine environnemental, paru en décembre 2015.

Enfin, il est important de préciser que les indications figurant dans le certificat de projet ne pourront pas être invoquées à l’appui d’un recours contre l’autorisation environnementale ultérieurement délivrée (cf. C. env., art. 181-6, al. 6). Cependant, les porteurs de projets pourront rechercher, le cas échéant, la responsabilité de l’administration s’il existe des inexactitudes dans les informations fournies et qui auraient porté préjudice au bénéficiaire du certificat. Les demandeurs pourront également rechercher la responsabilité de l’administration dans le cas où elle méconnaîtrait ses engagements, notamment en termes de délais d’instruction. Tel serait le cas dans l’hypothèse où l’administration ne respecterait les engagements qu’elle a contractualisés dans le calendrier d’instruction.