La consignation foudroyée !

Fotolia_60546074_XSOn pourrait le dire plus élégamment : « Production en justice de l’Analyse du Risque Foudre décharge des sommes consignées » !

C’est sans aucun doute l’enseignement, pour ne pas dire le dictum, que l’on peut retenir de l’arrêt commenté (CAA Nantes 23 décembre 2014, société Traitements de Surfaces industriels, req . n° 13NT02931).

Dans cette affaire, le requérant, qui exploite une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE), s’était notamment vu imposer, parmi diverses prescriptions de fonctionnement, la réalisation d’une Analyse du Risque Foudre (ARF). Faute d’avoir réalisé les opérations nécessaires pour se conformer à ces prescriptions, l’exploitant a été mis en demeure par le Préfet d’y satisfaire dans un délai déterminé, conformément à l’article L.171-8, I du code de l’environnement. A défaut d’avoir déféré à cette mise en demeure, le Préfet lui a, par un arrêté pris au titre l’article L.171-8, du II. 1° du même code, prescrit la consignation de la somme correspondant au montant estimé nécessaire pour couvrir les opérations imposées par la mise en demeure, comprenant notamment la réalisation de l’ARF.

On rappellera que le mécanisme de la consignation consiste à obliger l’exploitant qui n’a pas obtempéré à une mise en demeure à consigner entre les mains d’un comptable public, avant une date déterminée par le Préfet, une somme correspondant au montant des travaux ou des opérations à réaliser. A titre d’exemple, la Cour administrative d’appel de Nantes a déjà jugé que le Préfet peut imposer à un exploitant la consignation d’une somme, correspondant au coût de réalisation d’une étude qu’il s’était abstenu de réaliser en violation des prescriptions de fonctionnement applicables à son installation (CAA Nantes 6 octobre 1999, société Ecofer, req. n° 96NT01275, N° 98NT00047). Précisons que la somme consignée doit être restituée au fur et à mesure de l’exécution des travaux ou des opérations (cf., II.1° de l’article L.171-8 du code de l’environnement).

En l’espèce, tout en saisissant le Tribunal administratif d’une requête en annulation de l’arrêté de consignation, l’exploitant s’est efforcé, bien que tardivement, de prendre les mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêté de mise en demeure, ce qui l’a notamment conduit à faire réaliser une ARF par un bureau d’études.

Le premier juge a rejeté, par ordonnance, sa requête comme étant irrecevable, au motif qu’elle n’aurait pas été introduite par un avocat. L’exploitant a néanmoins interjeté appel de cette ordonnance en produisant l’ARF. Dans son arrêt, la Cour a annulé l’ordonnance du premier juge après avoir constaté qu’un avocat s’était bien constitué au soutien des intérêts du requérant. A cet égard, la Cour a jugé que la circonstance que la constitution d’avocat soit intervenue après le délai imparti par l’invitation à régulariser ne fait pas obstacle à la régularisation « dès lors que le défaut d’avocat est régularisable après expiration du délai de recours contentieux et que cette régularisation est intervenue avant l’adoption de l’ordonnance litigieuse » (cf., considérant n° 6).

Sur le fond, la Cour a constaté que l’exploitant avait effectivement fait réaliser une ARF. Elle en a déduit que l’obligation mise à la charge de l’exploitant n’existait plus à la date à la laquelle elle a statué, nonobstant le fait que l’ARF ait pu être postérieure à la visite de récolement de l’Inspection des ICPE et que l’exploitant ait pu s’abstenir de transmettre cette étude à l’administration (cf., considérant n° 10). In fine, la Cour a restitué les sommes mises à la charge de l’exploitant pour réaliser l’ARF, comme cela lui avait été demandé par ce dernier.

Cette solution, qui est somme toute assez favorable à l’exploitant, s’explique par le fait que les magistrats de la Cour ont statué en leur qualité de juges de plein contentieux (cf., article L. 514-6 du code de l’environnement). En effet, à la différence du juge de l’excès de pouvoir, « il appartient au juge de plein contentieux des installations classées pour la protection de l’environnement de se prononcer sur l’étendue des obligations mises à la charge des exploitants par l’autorité compétente au regard des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle il statue » (CE 30 juin 1997, M. Turlais, req. n° 169269 et n° 169417 (mentionné dans les Tables du recueil Lebon) ; CE 5 juillet 2006, Sarl Entreprise H. Olivo, req. n° 259061 (publié au recueil Lebon) ; CE 21 juin 2013, Communauté d’agglomération du pays de Martigues, req. n° 352427 (publié au recueil Lebon). Cette solution vaut toutefois uniquement pour le respect des règles de fond régissant l’installation en cause (cf., CE 22 septembre 2014, SIETOM de la région de Tournan-en-Brie, req. n° 367889 (mentionné dans les Tables du recueil Lebon).

Après avoir rappelé ce considérant de principe précité (cf. considérant n° 9), la Cour a prononcé la restitution des sommes consignées pour la réalisation de l’ARF. En effet, à la date à laquelle elle a statué, il n’y avait plus lieu de maintenir la consignation de la somme prévue pour la réalisation d’une opération déjà accomplie par l’exploitant. Peu importe, à cet égard, que l’ARF ait pu être postérieure à la visite de récolement de l’Inspection des ICPE ou encore que l’exploitant se soit abstenu de la transmettre à l’administration. En effet, le juge des installations classées se comporte comme un « juge-administrateur » (cf. Deharbe, Les installations classées pour la protection de l’environnement, coll. Litec professionnels – environnement, Lexisnexis, 2007, p. 433 et suivantes). De même, lorsqu’il est saisi d’un recours de plein contentieux formé contre un arrêté préfectoral de mise en demeure, le juge administratif doit abroger cet arrêté lorsqu’il constate que les mesures prescrites, qui étaient légalement justifiées lorsqu’elles ont été prises, ne sont plus nécessaires à la date à laquelle il statue (CE 21 janvier 2002, M. de l’environnement c./ société Schweppes France, req. n° 234227).

Au final, l’exploitant, qui avait non seulement tardé à se conformer à l’obligation de produire une ARF, mais également à constituer avocat, s’en tire à bon compte puisqu’in fine, il a été déchargé par la Cour administrative d’appel des sommes consignées mises à sa charge pour la réalisation de l’ARF.

Maître Yann BORREL (Green Law Avocat)