FlugzeugLe Ministère a, par le biais de la Direction générale de l’aviation civile, publié sur son site internet en 2011 une « note d’information technique » relative aux avis de la DGAC rendus à l’occasion de l’implantation de centrales solaires à proximité d’un aérodrome.

Ce document soulève à l’analyse un grand nombre d’interrogations juridiques qui prennent un nouveau relief avec les jurisprudences sur des questions analogues en matière de parcs éoliens.

Il faut remarquer que ce document intitulé « note technique » ressemble étrangement à une circulaire, c’est à dire un document guidant l’action des services administratifs. Mais plus encore, nombre de ses dispositions revêtent un caractère impératif, ne laissant aucune marge de manœuvre aux services subordonnés dans leurs relations avec les porteurs de projets… posant alors la question de la valeur du document et de son opposabilité aux administrés.  L’absence totale de signature ou d’identification de la personne dont émane le texte ne lui enlève à cet égard pas son caractère impératif et pourrait participer d’une incompétence.

D’emblée, le champ d’application de la « note technique » est particulièrement large: tant que les centrales en toiture que les centrales au sol sont visées (page 7/19), et que leur régime juridique soit celui du permis de construire ou de la déclaration préalable de travaux (p.12/19).

La DGAC peut être amenée à émettre son avis sur ce type de projet, dont justement les secteurs d’implantation privilégiés se trouvent, pour certains, à proximité des aérodromes.

La note pose un critère géographique très précis, dont découle des « règles » d’instruction du dossier de permis ou de DP de l’installation solaire différentes: ainsi, un périmètre de 3km est fixé autour des aérodromes. Le fondement technique de ce périmètre n’est pas explicité, la note indiquant simplement qu »il est estimé que seuls les projets d’implantation de panneaux photovoltaïques situés à moins de 3 km de tout point d’une piste d’aérodrome et d’une tour de contrôle devraient faire l’objet d’une analyse préalable spécifique » (p.5/19). On peut donc s’interroger légitimement sur la valeur de ce périmètre dépourvu de fondement, comme d’ailleurs des « zonages » détaillés dans la suite du document.

Ensuite, la note exige du pétitionnaire qu’il produise des études techniques, dont les caractéristiques sont particulièrement poussées. Il est intéressant de vérifier dans la pratique comment ces caractéristiques sont sanctionnées par les services, puis par le Préfet en tant qu’autorité d’urbanisme. De même, on ne peut manquer de s’interroger sur la validité juridique d’un avis de la DAC « subordonné au fait qu’en cas de gêne avérée, des modifications au dispositif solaire pourront être demandées » (p.5/19), avis rendu en matière de permis de construire et non en matière ICPE.

Il est par ailleurs indiqué que l’implantation ne doit pas gêner le bon fonctionnement « des aides à la navigation ». L’expérience dans l’éolien montre que ce terme recouvre un grand nombre de réalités, dont le régime juridique n’est là non plus pas évident. De surcroit, la note sous entend (p.7/19, §2.3.3.), comme il fallait s’y attendre, que ces perturbations aux aides à la navigation sont indépendantes :

  • de la question du respect de servitudes aéronautiques (qui peuvent exister sur un territoire et dont le régime est, ici, bien connu)
  • et de la gêne visuelle pour les pilotes.

C’est dire qu’en l’absence de servitudes aéronautiques et en l’absence de gêne visuelle avérée, la « note technique » laisse la possibilité aux services d’émettre un avis défavorable à l’implantation de centrales solaires en cas de « gêne aux aides à la navigation », sans, de surcroit, que cette gêne ne soit caractérisée ni quantifiée.  

Ces dispositions nous paraissent juridiquement dangereuses au regard de la marge de manœuvre laissée aux services, sans encadrement réglementaire précis. Cela est particulièrement topique à lire que « dans le cas d’une gêne visuelle potentielle, un avis défavorable sera donné par l’autorité compétente de l’aviation civile » (p.8/19) dès lors que le projet se situe dans une certaine zone: cela signifie que la simple présence dans une zone fixée par cette « note technique », sans fondement au demeurant, peut conduire à un avis défavorable sans que l’existence avérée d’une gêne visuelle ne soit requise.

Ce texte nous semble méconnaître les exigences de sécurité juridique auxquels sont en droit de prétendre les développeurs de projet, particulièrement sur la question des risques pour la sécurité publique. D’ailleurs, même sur le terrain de l’article R 111-2 du code de l’urbanisme, le risque doit être avéré pour fonder un refus de permis de construire, et surtout apprécié in concreto…. ce qui se heurte à toute fixation, autrement que par des servitudes réglementaires légales, de façon arbitraire et in abstracto, de cas dans lesquels un avis défavorables voire un refus serait opposé. Selon une jurisprudence constante, le risque ne doit pas être potentiel, et il peut le cas échéant être pallié.

Les porteurs de projet devront donc veiller, en cas d’avis défavorable des services de l’aviation civile à fournir des informations fiables au Préfet de nature à renverser la pure et simple application de cette « note technique »… en attendant qu’un contentieux donne l’occasion de trancher les questions soulevées.

Stéphanie Gandet

Avocat associé

Green Law Avocat