Stoccaggio carburantiPar un arrêt du 11 juillet 2013, rendu en matière d’installations classées, la Cour administrative d’appel de Lyon (CAA Lyon, 11 juillet 2013, n°12LY01365) précise les conditions de mise en œuvre de l’article L. 512-20 du code de l’environnement, relatif aux mesures que le Préfet peut imposer en cours d’exploitation afin de garantir la salubrité et la sécurité des installations.

Il est jugé que le Préfet peut légalement imposer des mesures de surveillance et de dépollution, mêmes coûteuses, si l’exploitant ne prouve pas l’inexistence du risque de pollution, ce qui illustre encore l’importance de la charge de la preuve en la matière.

Cet article L512-20 CE dispose ainsi :

« En vue de protéger les intérêts visés à l’article L. 511-1, le préfet peut prescrire la réalisation des évaluations et la mise en œuvre des remèdes que rendent nécessaires soit les conséquences d’un accident ou incident survenu dans l’installation, soit les conséquences entraînées par l’inobservation des conditions imposées en application du présent titre, soit tout autre danger ou inconvénient portant ou menaçant de porter atteinte aux intérêts précités. Ces mesures sont prescrites par des arrêtés pris, sauf cas d’urgence, après avis de la commission départementale consultative compétente. »

En l’espèce, suite à un rapport de l’inspection des installations classées mettant en évidence des risques de pollution, le Préfet de Saône et Loire avait imposé à une société exploitant un site de stockage et de conditionnement de produits chimiques de respecter des mesures d’investigation, de dépollution et de surveillance.

L’exploitant, estimant que ces prescriptions étaient excessives (elles comportaient notamment la destruction de bâtiments et une interruption d’activité), et que leur ampleur l’exposait à des difficultés économiques et financières, avait contesté cette décision devant le Tribunal administratif de Dijon. Son recours a été rejeté tant en première instance qu’en appel.

Pour rappel, les mesures prévues par l’article L. 512-20 du code de l’environnement peuvent être ordonnées dans trois cas de figure :

–        lorsqu’un accident ou un incident est survenu sur le site ;

–        lorsque l’exploitant n’a pas respecté les conditions d’exploitation imposées ;

–        lorsque  tout danger ou inconvénient menace les intérêts protégés par l’article L. 511-1 du même code, et notamment « la commodité du voisinage, la santé, la sécurité, la salubrité publiques, l’agriculture, la protection de la nature, de l’environnement et des paysages ».

De telles mesures peuvent par ailleurs être imposées à tout moment (y compris après la mise à l’arrêt définitif), et au-delà du périmètre de l’installation an cause (CE 26 nov. 2010,  Sté ArcelorMittal France, n°323534).

Dans l’affaire commentée, l’arrêté préfectoral intervenait dans la troisième de ces hypothèses, à savoir pour des motifs d’intérêt général de préservation de la santé, de la sécurité, de la salubrité publiques.

  • En effet, la Cour considère qu’un simple risque de migration des pollutions existantes suffit à justifier leur mise en œuvre, dès lors que la requérante n’établissait pas l’inexistence de ce risque :

«  Considérant qu’il résulte de l’instruction, que dans le rapport qu’elle a établi le 11 octobre 2010, l’inspection des installations classées a estimé que la société X. ne démontrait pas la maîtrise des pollutions générées par son activité et que la migration de la pollution restait toujours possible malgré l’absence actuelle de composés organiques halogénés volatiles (COHV) dans les eaux de surface et dans les sédiments de la zone inondable ; que la société X. fait valoir qu’il n’est pas nécessaire que la pollution soit intégralement supprimée dès lors qu’elle reste compatible avec l’usage des milieux et que des mesures de gestion et de suivi s’avèrent suffisantes, à l’exclusion de mesures de dépollution ; que, toutefois, il résulte du rapport du bureau d’études B. portant sur les résultats d’une campagne d’analyse des eaux souterraines effectuée en avril 2012, que des flux de pollution en COHV sortant du site sont toujours présents bien qu’inférieurs à ceux qui ont été calculés en 2008, que la présence de Benzène, Toluène, Ethylbenzène, Xylènes (BTEX) dans les sédiments de la zone marécageuse et de la Bourbince a pu être détectée, et que pour les eaux souterraines, hors site, le nombre de campagnes est insuffisant pour dégager une tendance certaine ; qu’en se bornant à produire les résultats d’une campagne d’analyse de novembre 2012 qui confirmerait la diminution de la concentration des polluants, la société X. n’établit pas l’absence de risque de migration de la pollution existante en COHV, tant à l’intérieur des terres, qu’à l’extérieur du site ; que, dans ces conditions, et eu égard aux risques de pollution ainsi constatés, le préfet de Saône et Loire a pu légalement prescrire à la société X. les mesures litigieuses d’investigation, de dépollution et de surveillance du site de Y. ; »

Dans une espèce relativement proche, il avait été jugé que la présence de véhicules hors d’usage sur la quasi-totalité de la surface d’un bâtiment pouvait être constitutive d’un risque pour la sécurité publique en cas d’incendie, et que le Préfet était fondé à exiger l’évacuation desdits véhicules (CAA Nancy, 23 mars 2009, n°07NC00152).

  • L’exploitant soutenait également que le Préfet ne pouvait lui imposer les mesures précitées, dans la mesure où elles ne respectaient pas les règles et principes issus d’une circulaire  du 8 février 2007 relative à la gestion des sites et sols pollués dans les installations classées (Circ. 8 févr. 2007, NOR : DEVP0700227C : BO min. Écologie n°2007/13, 15 juill., abrogée par la circulaire du 19 juillet 2013 :Circ. 19 juill. 2013, NOR : DEVP1317091C : BO min. Écologie n°2013/14, 10 août).

La Cour écarte toutefois le moyen au motif que ce texte était dénué de valeur réglementaire : les mesures prescrites ne s’appréciaient donc qu’au regard des dispositions du code de l’environnement précitées.

  • Enfin, en ce qui concerne la proportionnalité de ces mesures, la Cour a jugé que les délais de réalisation octroyés à la requérante, ainsi que la possibilité qui lui était laissée de déterminer les remèdes mis en œuvre suffisaient à écarter l’erreur d’appréciation du Préfet.

Elle rappelle également qu’en application des règles classiques du procès administratif, la requérante ne peut se prévaloir du caractère prétendument excessif des conséquences économiques des prescriptions sans l’établir au préalable.

« Considérant, en troisième et dernier lieu, qu’il résulte des prescriptions litigieuses, que le préfet de Saône et Loire a tenu compte des éventuelles difficultés techniques ou économiques que pourraient présenter ces mesures en prévoyant la possibilité pour la société X. de proposer les moyens à mettre en œuvre pour contenir la pollution sur le site et empêcher sa migration vers l’extérieur ainsi qu’un délai de réalisation des mesures prescrites ; qu’enfin, le courrier en date du 10 janvier 2013 émanant du bureau d’études B. produit par la société requérante qui évalue les coûts de remise en état du site selon des fourchettes d’estimation variant de 650 000 à 910 000 euros hors taxes et de 920 000 à 1 130 000 euros hors taxes, de par son caractère trop approximatif, ne permet pas d’établir le caractère économiquement et financièrement excessif du coût des mesures prescrites ; que, dans ces conditions, la société X. n’établit pas que les mesures prescrites par le préfet de Saône et Loire seraient disproportionnées par rapport au risque de pollution encouru ; »

On ne manquera pas de relever que sur ce point précis, l’arrêt commenté s’inscrit dans la continuité d’une décision QPC du 23 décembre 2011 (CE, 23 déc. 2011,  Sté Dialog, n°353113) : le Conseil d’Etat avait en effet écarté le moyen tiré de la violation de la liberté d’entreprendre lors de la suspension d’une installation classée en application des dispositions de l’article L. 512-20, aux motifs que l’objectif d’intérêt général poursuivi justifiait une telle mesure, et que la procédure prévue (mise en demeure et avis de la commission départementale consultative compétente) garantissait le respect des  droits de l’exploitant.

Lou Deldique

Avocat

Green law avocat