Gas station at nightPlusieurs arrêtés ministériels du 15 avril 2010 fixant des prescriptions générales applicables à certaines rubriques de la nomenclature ICPE relevant du régime de l’enregistrement avaient fait l’objet d’un recours en annulation introduit par l’association France Nature Environnement auprès du Conseil d’Etat.

Les rubriques concernées étaient les suivantes :

  • la rubrique n° 1511 relative aux entrepôts frigorifiques ;
  • la rubrique n° 2663 relative aux stockages de pneumatiques ;
  • la rubrique n° 1510 relative aux entrepôts couverts ;
  • la rubrique n° 1435 relative aux stations service ;
  • la rubrique n° 2662 relative aux stockages de polymères ;
  • et la rubrique n° 1530 relative aux dépôts de papier et de carton.

Par une décision du 23 octobre 2013, non publiée au Lebon (consultable ici), la Haute Juridiction rejette ces recours et confirme le principe de dispense d’évaluation environnementale (en l’espèce, d’étude d’impact) pour les installations soumises à la procédure d’enregistrement que prévoient les articles L. 512-7 et suivants du code de l’environnement.

En effet l’association soutenait qu’une telle dispense était contraire aux dispositions de la directive n° 85/337/CEE du 27/06/85 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, dans la mesure où, en l’absence d’étude d’impact, aucun examen circonstancié de l’installation n’intervient préalablement. (Pour rappel, cette directive a depuis été abrogée par la directive n° 2011/92/UE du Parlement Européen et du Conseil en date du 13 décembre 2011.)

La critique tenant à l’absence d’évaluation environnementale est récurrente à l’égard du régime d’enregistrement.

La requérante invoquait donc le principe de prévention, également consacré par l’article 3 de la Charte de l’environnement, dont découle la notion même d’évaluation des atteintes susceptibles d’être portées à l’environnement.

Le Conseil d’État se livre à un examen approfondi des dispositions de cette directive et rappelle qu’elle établit une distinction entre :

–        les installations mentionnées à l’annexe I, qui, en raison de leur localisation et de leur impact potentiel sur l’environnement, doivent faire l’objet d’une évaluation environnementale systématique ;

–        et celles qui sont citées à l’annexe II, pour lesquelles une marge d’appréciation est accordée aux Etats Membres, qui déterminent s’il y a lieu de procéder à une telle évaluation ou non, au regard des mêmes critères de localisation et d’impact potentiel sur l’environnement.

« Considérant qu’en vertu de l’article 2 de la directive du 27 juin 1985, dans sa rédaction applicable au litige, les Etats membres doivent prendre les dispositions nécessaires pour que les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une procédure d’autorisation et à une évaluation de leurs incidences sur l’environnement ; qu’il résulte de l’article 4 de cette même directive que les projets énumérés à son annexe I sont systématiquement soumis à une telle évaluation et que, pour les projets énumérés à l’annexe II, les Etats membres déterminent, en tenant compte des critères de sélection pertinents fixés à l’annexe III, sur la base d’un examen au cas par cas ou sur la base des seuils ou critères qu’ils fixent, si le projet doit être soumis à une évaluation environnementale ; que l’annexe III retient notamment comme critères les caractéristiques des projets et leur impact potentiel, ainsi que leur localisation, appréciée du point de vue de la sensibilité environnementale ; »

Analysant ensuite le dispositif légal applicable aux installations soumises à enregistrement, le Conseil d’Etat constate que lesdites installations relèvent de l’annexe II, et qu’elles ne doivent donc pas faire l’objet d’une évaluation environnementale systématique aux termes de la directive susmentionnée.

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Le juge précise également que le législateur a bien respecté les exigences énoncées par la directive lors de l’organisation des régimes d’autorisation et d’enregistrement, puisque les critères sur lesquels repose la distinction entre ces deux régimes sont similaires à ceux de l’annexe III de la directive.

« Considérant […] qu’en application du premier alinéa de l’article L. 511-2 du code de l’environnement, la soumission des installations classées pour la protection de l’environnement à l’un des régimes d’autorisation, d’enregistrement ou de déclaration procède de leur inscription, suivant la gravité des dangers et des inconvénients que peut présenter leur exploitation pour les intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du même code, dans les rubriques correspondantes d’une nomenclature ; que la répartition entre ces différents régimes est opérée, en référence à la nomenclature, en fonction de seuils et de critères, qui sont au nombre de ceux qui sont mentionnés à l’annexe III de la directive, prenant en compte notamment les caractéristiques de ces installations et leur impact potentiel sur l’environnement ; »

Il relève enfin que l’article L. 512-7-2 impose au Préfet saisi d’une demande d’enregistrement de se livrer à un examen particulier du dossier afin de déterminer au cas par cas si une évaluation environnementale (donnant éventuellement lieu à une étude d’impact) est rendue nécessaire par la localisation du projet, la sensibilité environnementale de la zone d’implantation ou le cumul des incidences du projet avec celles d’autres projets d’installations.

« [Considérant] que si les installations soumises à enregistrement sont, en principe, dispensées d’une évaluation environnementale préalable à leur enregistrement, le préfet, saisi d’une demande d’enregistrement d’une installation, doit, en application de l’article L. 512-7-2 du code, se livrer à un examen particulier du dossier afin d’apprécier, notamment au regard de la localisation du projet et de la sensibilité environnementale de la zone d’implantation ou du cumul des incidences du projet avec celles d’autres projets d’installations, ouvrages ou travaux situés dans la même zone, qui constituent également des critères mentionnés à l’annexe III de la directive, si une évaluation environnementale donnant lieu, en particulier, à une étude d’impact, est nécessaire ; qu’il résulte de ce qui précède que le moyen cité au point 6 doit être écarté ; »

Il s’agit là de l’élément déterminant qui garantit selon la Haute juridiction qu’une évaluation environnementale soit effectuée, en cas de besoin.

Les obligations instaurées par le code de l’environnement sont donc jugées suffisantes et conformes au droit communautaire par le Conseil d’Etat, qui écarte le moyen tiré de la violation de la directive.

Lou DELDIQUE

Green Law Avocat