Le Conseil d'étatQuelles sont les conséquences de la délivrance d’un nouvel arrêté d’autorisation d’exploiter sur l’issue du recours qui avait été introduit à l’encontre de l’arrêté d’autorisation initial ? C’est à cette très intéressante question que le Conseil d’Etat répond dans l’arrêt commenté, qui sera mentionné aux tables du recueil Lebon (CE 17 décembre 2014, société Maroni Transport International, req. n° 364779).

En l’espèce, une entreprise avait été autorisée à exploiter une carrière de sable sur le territoire d’une commune située dans le département de la Guyane. Une entreprise, également titulaire d’une autorisation d’exploiter une carrière de sable sur une parcelle voisine, a sollicité l’annulation de cet arrêté devant le Tribunal administratif de Cayenne. Si ce dernier a rejeté la requête, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a, en revanche, fait droit aux demandes de la requérante en censurant l’arrêté d’autorisation pour un motif de procédure (CAA Bordeaux 16 novembre 2009, req. n° 08BX02081). Cet arrêt a toutefois été annulé par le Conseil d’Etat en raison de la dénaturation, par la Cour, des pièces du dossier (CE 8 juillet 2011, req. n° 337027).

Par un second arrêt, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a de nouveau annulé l’arrêté d’autorisation litigieux (CAA Bordeaux, 30 octobre 2012, req. n° 11BX01687). Dans le cadre de leur pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt, le ministre et la défenderesse ont fait valoir que le Préfet avait pris un nouvel arrêté d’autorisation, non provisoire, le 21 octobre 2010. Dans ce contexte, le Conseil d’Etat a jugé que la contestation de l’arrêté d’autorisation initial était devenue sans objet.

Cette solution s’appuie sur le considérant de principe suivant : « considérant qu’il appartient au juge de plein contentieux des installations classées pour la protection de l’environnement de se prononcer sur l’étendue des droits et obligations accordés aux exploitants ou mis à leur charge par l’autorité compétente au regard des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle il statue ; que si, lorsque l’autorité administrative prend, pour l’exécution d’une décision juridictionnelle d’annulation, une nouvelle décision d’autorisation d’exploiter ayant un caractère provisoire, le recours dirigé contre cette décision juridictionnelle conserve son objet, il en va autrement en cas d’intervention d’une nouvelle autorisation définissant entièrement les conditions d’exploitation de l’installation et dépourvue de caractère provisoire, se substituant à l’autorisation initialement contestée ; que l’intervention de cette nouvelle autorisation, qu’elle ait ou non acquis un caractère définitif, prive d’objet la contestation de la première autorisation, sur laquelle il n’y a, dès lors, plus lieu de statuer » (considérant n° 2).

En d’autres termes, lorsqu’une décision juridictionnelle d’annulation n’appelle aucune mesure d’exécution ou au contraire, conduit le Préfet à prendre, pour son exécution, un arrêté d’autorisation ayant un caractère provisoire, le recours dirigé à l’encontre de cette décision juridictionnelle conserve son objet, aussi longtemps qu’aucune nouvelle autorisation dépourvue de caractère provisoire n’est édictée par le Préfet.

Il intéressant de constater que dans son arrêt, le Conseil d’Etat a jugé que l’intervention d’une nouvelle autorisation définissant entièrement les conditions de l’installation se substitue à l’autorisation initialement contestée, que cette nouvelle autorisation ait ou non acquis un caractère définitif. Il est donc permis d’en déduire que la nouvelle autorisation se substitue à l’autorisation initiale, alors même que ses prescriptions de fonctionnement ne seraient pas strictement identiques et qu’elles pourraient être, paradoxalement, plus défavorables pour l’exploitant, pour tenir compte, par exemple, des modifications de la réglementation applicables à l’installation en cause.

Cette solution, qui a le mérite de la simplicité, n’allait pas forcément de soi. En effet, il pourrait y avoir matière à considérer qu’une nouvelle autorisation ne se substitue pas nécessairement à la précédente, du moins, si celle-ci n’est pas, en tous points, identique à la précédente. Dans le contentieux de l’excès de pouvoir, le Conseil d’Etat raisonne parfois de manière bien différente. A titre d’exemple, il a jugé que l’annulation d’un jugement qui avait censuré une décision administrative a pour conséquence de rétablir rétroactivement cette décision dans tous ses effets juridiques et de rendre « superfétatoire » la décision administrative ultérieure qui, identique à la précédente, avait été prise pour pallier l’annulation de la première décision (CE 28 mars 1994, Roesch, req. n° 132344 ; CE 25 février 1998, Mme Douce de la Salle req. n° 150355). En d’autres termes, dans ce cas de figure, l’édiction d’une nouvelle décision n’a pour effet de priver d’objet la contestation de la décision initiale.

Ces solutions s’avèrent toutefois inapplicables à la contestation des autorisations d’exploiter des installations classées, qui relèvent d’un contentieux de pleine juridiction.

En effet, ainsi que le Conseil d’Etat le rappelle dans son considérant de principe, il appartient au juge de plein contentieux des installations classées pour la protection de l’environnement de se prononcer sur l’étendue des droits et obligations accordés aux exploitants ou mis à leur charge par l’autorité compétente au regard des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle il statue. Or, au moment où il statue, le juge administratif doit tenir compte de l’existence de la nouvelle autorisation. A cet égard, la question de la différence de contenu des prescriptions entre l’ancienne et la nouvelle autorisation pourrait être un faux problème. En effet, l’on ne peut exclure que si le premier titre d’autorisation n’avait pas été annulé par les premiers juges, le Préfet aurait pu être conduit à modifier certaines de ses prescriptions au moyen d’un arrêté complémentaire pour tenir compte des modifications de la réglementation applicable à l’installation en cause, de sorte qu’in fine, ses prescriptions de fonctionnement auraient été analogues à celles figurant dans le nouvel arrêté d’autorisation.

Yann BORREL

Green Law Avocat