Consciente de l’imprécision de la notion de « modification substantielle », l’administration vient de publier une circulaire du 14 mai 2012 ayant pour objet de fournir aux services du Préfet les éléments d’appréciation du caractère substantiel d’une modification apportée à l’exploitation de l’installation.

 

Cette question est d’une importance cruciale pour les exploitants d’une installation classée, dans la mesure où l’article R 512-33 du Code de l’environnement prévoit que

« Tout transfert d’une installation soumise à autorisation sur un autre emplacement nécessite une nouvelle autorisation.

II.-Toute modification apportée par le demandeur à l’installation, à son mode d’utilisation ou à son voisinage, entraînant un changement notable des éléments du dossier de demande d’autorisation doit être portée, avant sa réalisation, à la connaissance du préfet avec tous les éléments d’appréciation.

S’il estime, après avis de l’inspection des installations classées, que la modification est substantielle, le préfet invite l’exploitant à déposer une nouvelle demande d’autorisation.

Une modification est considérée comme substantielle, outre les cas où sont atteints des seuils quantitatifs et des critères fixés par arrêté du ministre chargé des installations classées, dès lors qu’elle est de nature à entraîner des dangers ou inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1.

S’il estime que la modification n’est pas substantielle, le préfet :

1° Invite l’exploitant à déposer une demande d’enregistrement pour cette modification, lorsque celle-ci relève en elle-même de la section 2. La demande est alors instruite selon les dispositions de la sous-section 2 de cette section ;

2° Fixe, s’il y a lieu, des prescriptions complémentaires dans les formes prévues à l’article R. 512-31.

III.-Les nouvelles autorisations prévues aux I et II sont soumises aux mêmes formalités que les demandes initiales. »

 

 

L’enjeu est donc clairement pour l’exploitant ICPE d’être soumis à nouvelle autorisation, à enregistrement, à prescriptions complémentaires, voire à aucune formalité supplémentaire.

 

A titre liminaire, il faut remarquer que la circulaire exclut de son champ d’application les élevages, qui bénéficient quant à eux de la circulaire du 11 mai 2010.

De plus, il est logique que seules les ICPE régulièrement en service soient concernées par cette question, puisqu’à défaut, c’est le régime général de soumission à la police des ICPE qui s’applique.

La circulaire de 14 pages souligne ainsi la nécessité pour l’administration de répondre rapidement aux déclarations de changement notable faite par les exploitants. En effet, dans la mesure où l’appréciation du caractère « substantiel » (second temps du raisonnement) relève du Préfet, les exploitants ne prennent pas le risque de mettre en œuvre la modification souhaitée. En effet, dans l’hypothèse où cette modification serait vue comme « substantielle », sa mise en œuvre avant l’obtention de la nouvelle autorisation serait probablement constitutive d’un délit pénal d’exploitation sans titre.

Le Ministre rappelle à cet égard aux Préfets qu’une réponse sous deux mois sera attendue sur la qualification ou non de modification « substantielle ». Si elle ne revêt pas un tel caractère mais peut donner lieu à simples prescriptions complémentaires, la circulaire précise alors que l’exploitant peut, après réponse du Préfet, modifier son installation, parallèlement à l’élaboration de l’APC (arrêté préfectoral complémentaire). On peut néanmoins penser que les exploitants préféreront attendre d’avoir le projet d’APC en main avant le CODERST avant de décider la mise en œuvre de modifications qui peuvent s’avérer parfois lourde d’investissement.

 

 

S’agissant plus précisément des critères d’appréciation du caractère « substantiel », on notera que la circulaire distingue et développe trois situations dans lesquelles la modification sera vue comme substantielle.

  • L’une des situations dans laquelle la modification est substantielle « survient lorsque la modification conduit à dépasser, pour la capacité totale de l’installation, certains seuils de la nomenclature ICPE, ou de la directive IPPC/IED, faisant changer l’installation de régime réglementaire« .  Rappelons en effet que l’assujettissement à la directive IPPC/IED implique d’actualiser l’étude d’impact afin d’engager une comparaison avec les meilleures techniques disponibles (« MTD »).
  • De même, lorsque sont dépassés certains seuils réglementaires portant sur l’ampleur de la modification, définis par l’arrêté du 15 décembre 2009. 
  • enfin, répétant un peu l’article R 512-33 CE, la circulaire liste un troisième cas correspondant à l’hypothèse où la modification entraîne des nouveaux dangers et inconvénients « significatifs ». Cette notion s’apprécie quant à elle eu géard eux enjeux présentés par l’installation, comme le précise la circulaire en page 7.

Néanmoins, la circulaire précise que « le dépassement, pour une installation déjà soumise à autorisation, du seuil bas de la directive Seveso ne justifie pas à lui seul de considérer la modification comme substantielle« . De même, la modification d’un établissement Seveso seuil haut conduisant à dépasser le seuil AS au titre d’une autre rubrique que celle qui lui a valu le classement initial « n’est pas nécessairement substantielle, mais doit être examinée au cas par cas« .

 

Bien que la circulaire n’ait pas de valeur réglementaire intrinsèque, les exploitants seront avisés de la consulter aux fins de déterminer l’enjeu administratif d’un choix industriel.

 

 

Stéphanie Gandet

Avocat Associé

Green Law Avocat