Nous en avions parlé ici même il y a un mois, la Haute juridiction vient de rappeler les règles applicables en matière de délai de validité des autorisations d’exploiter ICPE.

 

Dans une affaire intéressant encore une fois le domaine des déchets -symptomatique de la guérilla contentieuse qui peut parfois avoir lieu… d’où les questions de caducité de l’autorisation-, les 6ème et 1ère sous sections réunies appliquent cette règle de suspension du délai de validité en cas de recours contre l’arrêté d’autorisation (CE, 25 juin 2012, n°338601, inédit au Lebon):

« Considérant qu’aux termes de l’article R. 512-38 du code de l’environnement alors en vigueur, devenu l’article R. 512-74 du même code :  » L’arrêté d’autorisation cesse de produire effet lorsque l’installation classée n’a pas été mise en service dans le délai de trois ans ou n’a pas été exploitée durant deux années consécutives, sauf le cas de force majeure  » ;  
 
Considérant qu’il résulte de ces dispositions que, sauf le cas de force majeure, la société bénéficiaire d’une autorisation d’exploiter une installation classée pour la protection de l’environnement dispose d’un délai de trois ans pour mettre en service cette installation ; que, toutefois, le délai de validité d’une telle autorisation est suspendu entre la date d’introduction d’un recours devant la juridiction administrative dirigé contre cet acte et la date de notification au bénéficiaire de l’autorisation de la décision devenue irrévocable statuant sur ce recours ; que lorsque cette dernière décision rejette le recours formé contre cet acte, le délai de validité suspendu recommence à courir pour la durée restante à compter de la date de notification de la décision juridictionnelle ; […] « 

 

En l’espèce, un arrêté d’autorisation d’exploiter un centre de traitement multi-filières de déchets ménagers à valorisation énergétique avait été attaqué, à la fois en référé suspension et en recours en annulation.  Le juge des référés du tribunal administratif de Marseille avait tout d’abord fait droit à cette demande en ordonnant la suspension de l’exécution de l’arrêté d’. Toutefois, par une décision du 15 février 2007, le Conseil d’État avait annulé l’ordonnance de suspension.

Statuant alors sur la requête au fond, le tribunal administratif de Marseille avait, par un jugement du 13 novembre 2007, rejeté le recours en annulation de l’arrêté préfectoral d’autorisation.

La Cour administrative d’appel de Marseille, saisie par les mêmes requérants, avait certes annulé ce jugement mais, après évocation, avait rejeté la demande d’annulation de l’arrêté préfectoral d’autorisation d’exploiter, tout en enjoignant le ministre de l’écologie de compléter l’arrêté d’autorisation d’exploiter en fixant le montant des garanties financières devant être constituées par la société à l’occasion de la mise en service de l’installation en application de l’article L. 516-1 du code de l’environnement. Les requérants se sont alors pourvu en cassation contre l’arrêt la cour administrative d’appel de Marseille.

 

L’un des moyens de cassation reposait sur la caducité de l’arrêté d’autorisation d’exploiter.

A cet argument, le Conseil d’État répond que »[…], le délai de validité d’une telle autorisation est suspendu entre la date d’introduction d’un recours devant la juridiction administrative dirigé contre cet acte et la date de notification au bénéficiaire de l’autorisation de la décision devenue irrévocable statuant sur ce recours ; que lorsque cette dernière décision rejette le recours formé contre cet acte, le délai de validité suspendu recommence à courir pour la durée restante à compter de la date de notification de la décision juridictionnelle ; […] « 

 

Bien que cela ne soit pas utile à la résolution du litige, le Conseil d’État rappelle encore « que, par ailleurs, les dispositions de l’article R. 512-38 du code de l’environnement citées ci-dessus ne peuvent recevoir application que si l’absence de mise en service ou l’interruption de l’exploitation n’est pas imputable au fait de l’administration ; que le fait de l’administration, notamment le retrait de l’autorisation, a pour effet, non de suspendre, mais d’interrompre le délai de caducité ; qu’un nouveau délai de caducité commence à courir lorsque le fait de l’administration cesse de produire son effet interruptif ; qu’il en va notamment ainsi lorsque le juge administratif, saisi d’un recours, annule la décision de retrait de l’autorisation ; »

 

Déjà, dans un arrêt du 22 mai 2012 (CE, 22 mai 2012, n°339504, Mentionné aux Tables), le Conseil d’État avait appliqué de façon jurisprudentielle la règle dorénavant prévue à l’article R512-74 du Code de l’environnement, selon laquelle le délai de validité de l’autorisation d’exploiter était « suspendu » par un recours devant le juge administratif :

« L’arrêté d’autorisation, l’arrêté d’enregistrement ou la déclaration cesse de produire effet lorsque, sauf cas de force majeure, l’installation n’a pas été mise en service dans le délai de trois ans ou lorsque l’exploitation a été interrompue pendant plus de deux années consécutives.

Le délai de mise en service est suspendu jusqu’à la notification à l’auteur de la décision administrative ou à l’exploitant, dans les deux premières hypothèses, d’une décision devenue définitive ou, dans la troisième, irrévocable en cas de :

1° Recours devant la juridiction administrative contre l’arrêté d’autorisation, l’arrêté d’enregistrement ou la déclaration ;

2° Recours devant la juridiction administrative contre le permis de construire ayant fait l’objet d’un dépôt de demande simultané conformément au premier alinéa de l’article L. 512-15 ;

3° Recours devant un tribunal de l’ordre judiciaire, en application de l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme, contre le permis de construire ayant fait l’objet d’un dépôt de demande simultané conformément au premier alinéa de l’article L. 512-15 du présent code ».

 

 

En résumé, par application de l’article R 512-74 du Code de l’environnement et de la jurisprudence du Conseil d’État la plus récente (CE, 22 mai 2012, n°339504, Mentionnée aux Tables ; CE, 25 juin 2012, n°338601, inédit au Lebon):

  • Un recours devant la juridiction administrative contre l’arrêté d’autorisation a pour effet de suspendre son délai de validité. Le délai de validité suspendu recommence donc à courir pour la durée restante à compter de la date de notification de la décision juridictionnelle.
  • Un retrait par l’administration de l’arrêté d’autorisation a pour effet d’interrompre le délai de validité. Un nouveau délai de caducité commence à courir lorsque le fait de l’administration cesse de produire son effet interruptif ; qu’il en va notamment ainsi lorsque le juge administratif, saisi d’un recours, annule la décision de retrait de l’autorisation.
  • Et comme le prévoit dorénavant le texte, un recours devant le juge administratif, ou devant le juge judiciaire (en application de l’article L480-13 du Code de l’urbanisme) contre le permis de construire déposé simultanément à la demande d’autorisation d’exploiter a pour effet de suspendre le délai de validité de l’autorisation d’exploiter.

 

 

Stéphanie Gandet

Avocat associé

Green Law Avocat