Fotolia_11739062_XSLa directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relative aux émission industrielles (dite directive IED) a pour objectif de prévenir, de réduire et, dans la mesure du possible, d’éliminer la pollution due aux activités industrielles, conformément au principe du « pollueur payeur » et au principe de prévention de la pollution.

A cette fin, la directive IED réglemente notamment la remise en état des sites industriels IED en fin d’activité et prescrit, dans ce cadre, l’élaboration d’un « rapport de base » (cf., article 22). Aux termes du considérant n° 24 de la directive IED, ce rapport « devrait être un outil pratique permettant, dans toute la mesure du possible, d’établir une comparaison quantitative entre l’état du site tel qu’il est décrit dans le rapport de base et l’état du site lors de la cessation définitive des activités, de manière à établir une éventuelle augmentation notable de la pollution du sol ou des eaux souterraines ». S’il s’avère, au terme de cette comparaison, que l’installation est responsable d’une pollution significative du sol et des eaux souterraines par rapport à l’état constaté dans le rapport de base, l’exploitant doit prendre les mesures nécessaires afin de remédier à cette pollution (cf., article 22.3). En d’autres termes, le rapport de base est un outil pratique qui servira de point de repère à l’occasion de la cessation d’activité d’une installation (que cet arrêt entraîne ou non libération de terrains susceptibles d’être affectés à un autre usage au sens de la réglementation des installations classées). Cet outil permettra de fixer les conditions de remise en état d’une installation afin de satisfaire aux obligations de la directive IED, sans préjudice de celles prévues par le droit national.

Les modalités d’élaboration du rapport de base sont précisées à l’article 22.2 de la directive IED, qui prévoit également que la Commission Européenne établira des lignes directrices afférentes au contenu du rapport de base. A ce jour, ces lignes directrices n’ont pas été publiées.

Les obligations prévues par la directive IED en matière de remise en état ont été transposées dans le droit national par l’ordonnance n° 2012-7 du 5 janvier 2012 ainsi que par le décret n° 2013-374 du 2 mai 2013. Ce décret a été codifié aux articles R. 515-58 et suivants du code de l’environnement et s’applique aux installations relevant des rubriques 3000 à 3999 de la nomenclature des installations classées et aux installations ou équipements s’y rapportant directement, exploités sur le même site, liés techniquement à ces installations et susceptibles d’avoir des incidences sur les émissions et la pollution.

L’article R. 515-59 du code de l’environnement définit le contenu du rapport de base et les cas dans lesquels il convient de réaliser ce document. Sur ces différents points, cet article retranscrit assez fidèlement le libellé des dispositions de l’article 22 de la directive IED. Plus précisément, en ce qui concerne le contenu du rapport de base, l’article R. 515-59, I, 3° énonce que :

« le rapport contient les informations nécessaires pour comparer l’état de pollution du sol et des eaux souterraines avec l’état du site d’exploitation lors de la mise à l’arrêt définitif de l’installation. Il comprend au minimum :

a) Des informations relatives à l’utilisation actuelle et, si elles existent, aux utilisations précédentes du site ;

b) Les informations disponibles sur les mesures de pollution du sol et des eaux souterraines à l’époque de l’établissement du rapport ou, à défaut, de nouvelles mesures de cette pollution eu égard à l’éventualité d’une telle pollution par les substances ou mélanges mentionnés au premier alinéa du présent 3°.

Un arrêté du ministre chargé des installations classées précise les conditions d’application du présent 3° et le contenu de ce rapport ».

A ce jour, l’arrêté du ministre chargé des installations classées visant à préciser le contenu du rapport de base n’a pas été édicté. Ceci n’est guère surprenant, dans la mesure où la Commission européenne n’a pas encore publié ses lignes directrices. En attendant la publication de l’arrêté susvisé, le Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie a confié au BRGM la rédaction d’un guide méthodologique permettant l’élaboration du rapport de base à partir des travaux d’un groupe de travail ayant réuni l’Etat et des organisations représentatives de l’industrie. Un projet de guide a été soumis à consultation en mai 2013 http://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/guide_rapport_de_base_ied_v1_mai_2013-1.pdf.

A la suite de cette consultation, une version modifiée du guide a été publiée par le Ministère de l’Ecologie en février 2014: http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Guide_Elaboration_Rapport_de_Base_IED.pdf.

  • La portée juridique du guide relatif au rapport de base

Ce guide est dépourvu de toute valeur juridique contraignante. On pourrait considérer que cet outil relève du « droit souple » dont la fonction peut être à la fois de préparer et d’accompagner le « droit dur » (cf., J. Richard et L. Cytermann, l’environnement, terre d’élection du droit souple, Droit de l’environnement, n° 217, novembre 2013).

Plus précisément, en tant qu’outil de préparation du « droit dur », le guide pourrait servir de base de réflexion pour les auteurs du futur arrêté ministériel qui aura vocation à préciser le contenu du rapport de base. Au-delà, il pourrait également servir d’outil de réflexion à la Commission Européenne dans le cadre de l’élaboration de ses lignes directrices qui relèveront, quant à elles, du « droit souple » (cf., Commission européenne, 5 avril 2006, Section de la réglementation douanière générale, Nature et valeur juridique des lignes directrices, TAXUD/1406/2006/FR). Par ailleurs, en tant qu’outil d’accompagnement du « droit dur », le guide pourrait permettre de clarifier certains points techniques que l’arrêté pourrait difficilement prescrire au risque de manquer de clarté ou d’intelligibilité.

  • Les précisions apportées par le guide sur les critères d’élaboration du rapport de base

Selon le guide publié en février 2014, lorsqu’un exploitant d’une installation IED considère qu’il n’est pas soumis à l’obligation de rédiger un rapport de base, il doit transmettre à l’administration un mémoire justifiant de manière adéquate et proportionnée que son installation n’est pas soumise à cette obligation. En pratique, le rapport de base pourra comporter deux parties : l’exploitant établira, dans une première partie, que son installation est ou non soumise à un rapport de base ; s’il est démontré que l’installation est bien soumise à cette obligation, l’exploitant mentionnera dans une seconde partie, qui constituera le rapport de base proprement dit, les informations visées au 3° du paragraphe I de l’article R. 515-59 du code de l’environnement.

Comme cela a déjà été souligné, l’exploitant d’une installation IED est soumis à l’obligation de réaliser un rapport de base lorsque deux critères suivants sont remplis (cf., article R. 515-59, I, 3°) :

–          le premier critère est satisfait si l’activité implique l’utilisation, la production ou le rejet des substances ou mélanges dangereux mentionnés à l’article 3 du règlement du Parlement européen et du Conseil n° 1272/2008 du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage de substances et des mélanges,

–          le second critère est rempli si l’activité implique un risque de contamination du sol ou des eaux souterraines sur le site de l’implantation

 Le guide publié en février 2014 apporte des précisions sur la mise en œuvre de chacun de ces deux critères. Sur ces différents points, il nous apparaît toutefois moins précis et moins pédagogique que le projet de guide soumis à la consultation publique en mai 2013, auquel il pourra donc être intéressant de se référer en cas d’incertitude.

Néanmoins, le projet de guide de mai 2013 n’a pas été non plus sans poser des difficultés, notamment lorsqu’une activité utilisait à très petites doses des matières visées par la directives. En conséquence, le projet de guide la soumettait d’emblée à l’obligation d’élaborer un rapport de base.

  • Les précisions apportées par le guide sur le périmètre géographique étudié

Selon les auteurs du guide relatif au rapport de base, le périmètre géographique devant faire l’objet de ce rapport correspond à la zone qui pourrait être polluée en cas d’accident (déversement d’un cuve, fuite d’une canalisation etc.). Cette zone pourrait excéder le périmètre du site, dans l’hypothèse où un panache de pollution trouvant son origine sur le site sortirait de son enceinte.

  • Les précisions apportées par le guide sur la structuration et sur le contenu du rapport de base

Le guide préconise d’élaborer le rapport de base en plusieurs chapitres dont les intitulés sont les suivants :

Chapitre 1.   description du site et de son environnement et évaluation des enjeux ;

Chapitre 2.   recherche, compilation et évaluation des données disponibles ;

Chapitre 3.   définition du programme et des modalités d’investigations (si la réalisation d’investigations complémentaires s’avère nécessaire) ;

Chapitre 4.   mise en œuvre du programme d’investigations et des analyses en laboratoire (si la réalisation d’investigations complémentaires s’avère nécessaire) ;

Chapitre 5.   interprétation des résultats et discussion des incertitudes.

Naturellement, l’un des enjeux relatifs à l’élaboration du rapport de base concerne la pertinence et la qualité des informations environnementales qui y figurent. Comme cela a déjà été souligné, l’article R. 515-59, I, 3° du code de l’environnement n’interdit pas à l’exploitant de réaliser son rapport de base au vu des données existantes, lorsque cela est justifié. Sur ce point, le guide indique que l’exploitant peut utiliser les données issues des résultats des suivis, études et diagnostics existants et en dresse une liste des documents sur lesquels l’exploitant pourra se fonder.

Néanmoins, les auteurs du guide ont pris le soin de préciser que cette démarche n’est valable que si les données recueillies sont pertinentes et de qualité. A cet égard, il est recommandé aux rédacteurs des rapports de base d’évaluer la qualité des données et la pertinence des études d’où les données sont extraites à partir de deux critères : la complétude de l’étude et la représentativité des diagnostics réalisés au regard des spécificités du site. Outre les résultats de la recherche et la synthèse des données existantes, il est recommandé de retranscrire dans le rapport de base l’analyse de la pertinence des données et leur qualité.

Reste à savoir si ces préconisations seront ou non retranscrites dans le futur arrêté définissant le contenu du rapport de base. En attendant, il nous semble conseillé de s’inspirer du guide.

Yann BORREL

Green Law Avocat