ICPE autorisées : des prescriptions nationales minimales

usine ICPE

Par Maître Marie-Coline GIORNO, avocate collaboratrice (Green Law Avocats)

Les installations classées pour la protection de l’environnement soumises à autorisation se caractérisaient auparavant par une relative liberté dans l’établissement des prescriptions qui leur étaient applicables.

Toutefois, cette liberté donnait lieu à des disparités dans les prescriptions imposées à des installations susceptibles de présenter le même type de dangers, chroniques ou accidentels.

Afin d’homogénéiser les prescriptions applicables aux installations, il existait néanmoins quelques arrêtés ministériels à caractère transversal applicables aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) relevant du régime de l’autorisation tels que :

-L’arrêté du 23 janvier 1997 relatif à la limitation des bruits émis dans l’environnement par les installations classées pour la protection de l’environnement (NOR : ENVP9760055A, JORF n°73 du 27 mars 1997) ;

-L’arrêté du 2 février 1998 modifié relatif aux prélèvements et à la consommation d’eau ainsi qu’aux émissions de toute nature des installations classées pour la protection de l’environnement (NOR : ATEP9870017A, JORF n°52 du 3 mars 1998) ;

-Ou encore l’arrêté du 4 octobre 2010 modifié relatif à la prévention des risques accidentels au sein des installations classées pour la protection de l’environnement soumises à autorisation (NOR : DEVP1025930A, JORF n°0265 du 16 novembre 2010).

De nombreux arrêtés de prescriptions générales à caractère sectoriel (liste disponible ici).

Parallèlement, le ministère de la transition écologique avait tenté d’harmoniser les arrêtés préfectoraux et les mêmes prescriptions apparaissaient dans la plupart des arrêtés délivrés avec, parfois, quelques variantes.

Afin de remédier à cette situation, il est donc apparu nécessaire de compléter les arrêtés ministériels transversaux afin de fixer officiellement ces prescriptions relativement transversales grâce à des prescriptions générales prises sur le fondement de l’article L. 512-5 du code de l’environnement.

Pour ce faire, deux arrêtés ont été signés le 28 février 2022 par le ministère de la transition écologique :


Comme l’exposait le ministère de la transition écologique dans la consultation publique préalable à leur adoption : « Cet exercice n’a donc pas pour objet principal de créer des obligations nouvelles générales, mais bien d’assurer une application homogène et efficiente de prescriptions qui figurent déjà dans la grande majorité des arrêtés d’autorisation, sans avoir à les recopier dans chacun de ces actes administratifs. Dans un souci de cohérence, il a été utile d’ajuster ponctuellement certaines dispositions et d’introduire quelques nouvelles prescriptions, présentées ci-après, généralement applicables aux seules installations nouvelles ».

La démarche n’est pas nouvelle et participe d’une logique intégrée avec un regroupement des prescriptions pertinentes.

Le contenu de ces deux arrêtés est détaillé ci-dessous.

Ce premier arrêté concerne les risques chroniques. Il vise à intégrer à l’arrêté du 2 février 1998 les prescriptions génériques applicables aux installations classées pour la protection de l’environnement soumises à autorisation fréquemment imposées dans les arrêtés préfectoraux ainsi qu’à préciser certains articles existants.

Comme annoncé lors de la consultation publique, cet arrêté comporte des prescriptions relatives aux sujets suivants :


Il est entré en vigueur le lendemain de sa publication soit le 4 avril 2022.

Cet arrêté concerne, quant à lui, la prévention des risques accidentels. Il a modifié trois arrêtés existants :

-L’arrêté du 4 octobre 2010 relatif à la prévention des risques accidentels au sein des installations classées pour la protection de l’environnement soumises à autorisation (NOR : DEVP1025930A, JORF n°0265 du 16 novembre 2010)  (1) ;

-L’arrêté du 26 mai 2014 relatif à la prévention des accidents majeurs dans les installations classées mentionnées à la section 9, chapitre V, titre Ier du livre V du code de l’environnement (NOR : DEVP1316983A, JORF n°0133 du 11 juin 2014) (2) ;

-L’arrêté du 5 février 2020 pris en application de l’article L. 111-18-1 du code de l’urbanisme (NOR : TREP2000433A, JORF n°0051 du 29 février 2020) (3).

1) Plus précisément, il modifie l’arrêté ministériel du 4 octobre 2010 en y intégrant un ensemble de dispositions générales en matière de prévention des risques accidentels. Ces prescriptions constituent ainsi le socle minimal des dispositions applicables à l’ensemble des installations soumises à autorisation.

Outre l’intégration de dispositions générales en matière de prévention des risques accidentels, cet arrêté tient compte du retour d’expérience post-Lubrizol en imposant des prescriptions pour limiter les conséquences de pertes de confinement, en particulier sur la conception des rétentions et des rétentions déportées.

Il comporte également une disposition applicable aux installations existantes qui touche le gros œuvre.

Cette disposition a été introduite pour un motif de sécurité publique, comme le permet l’article L. 512-5 du code de l’environnement dans sa rédaction actuelle.

Désormais, les salles de contrôle des installations ainsi que les dispositifs de conduite et de traitement des données doivent être protégés contre les effets des accidents identifiés dans l’étude de dangers susceptibles de les impacter, de manière à garantir leur caractère opérationnel et lorsqu’elles sont nécessaires à la mise en sécurité des installations.

Notons toutefois que, même si cette prescription a été insérée conformément à l’article L. 512-5 du code de l’environnement, il conviendra tout de même de s’assurer lors de son application qu’elle est nécessaire et proportionnée à l’importance réelle des nuisances et des dangers susceptibles d’être causés par le fonctionnement de l’installation autorisée et qu’elle ne met pas en danger la situation financière de l’exploitant (cf. CE 8 octobre 2012, Confédération Coop de France, req. n° 340486).

Les arrêtés ministériels sectoriels et les arrêtés préfectoraux viendront ensuite compléter ce socle minimal uniquement sur les prescriptions répondant aux risques particuliers des installations considérées.

2) Pour compléter cette démarche, cet arrêté intègre des dispositions spécifiques aux installations Seveso dans l’arrêté du 26 mai 2014 modifié.

En particulier, les défaillances des mesures de maîtrise des risques sont enregistrées et gérées par l’exploitant. Ces défaillances sont analysées et les actions correctives et/ ou préventives nécessaires sont menées.

Enfin, le présent arrêté vient modifier l’arrêté du 5 février 2020 pour tenir compte de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. En effet, cette loi abroge l’article L. 111-18-1 du code de l’urbanisme à compter du 1er juillet 2023 et déplace ses dispositions dans l’article L. 171-4 du code de la construction et de l’habitation. Une mise en cohérence de l’arrêté du 5 février 2020 était donc nécessaire.

En conclusion, ces deux arrêtés du 28 février 2022 viennent, notamment, harmoniser les prescriptions applicables aux installations soumises à autorisation en prévoyant des standards minimums de prescriptions. Ce faisant, ils s’inscrivent dans le droit fil de ce qui avait été fait pour les installations classées soumises à déclaration par l’arrêté du 5 décembre 2016 relatif aux prescriptions applicables à certaines installations classées pour la protection de l’environnement soumises à déclaration (NOR : DEVP1628687A, JORF n°0288 du 11 décembre 2016).

Toutefois, si de telles prescriptions standardisées étaient pertinentes pour des installations relevant du régime de la déclaration (et donc, par définition, peu dangereuses), on peut s’interroger sur l’opportunité d’appliquer un dispositif équivalent pour des installations soumises à autorisation.

Il conviendra dès lors de s’assurer qu’ils n’entraînent pas de difficultés particulières lors de leur mise en œuvre au regard de la spécificité de certaines installations soumises à autorisation. De même, il conviendra de vérifier que les prescriptions prises sont in fine toujours proportionnées et adaptées aux installations de chaque exploitant. Ces prescriptions devront, bien entendu, être complétées par des arrêtés sectoriels et par des arrêtés préfectoraux.

Par ailleurs, le fait que ces prescriptions soient contenues dans plusieurs arrêtés distincts va complexifier la tâche des exploitants chargés de les appliquer.

En effet, les exploitants devront (encore plus) jouer au jeu de piste pour retrouver l’ensemble des prescriptions qui leur sont applicables. Pour eux, il est, en effet, bien plus simple d’avoir l’ensemble des prescriptions qu’ils doivent appliquer dans un seul arrêté préfectoral «  autoportant ».

Bien que l’objectif du ministère de la transition écologique lors de l’adoption de ces deux nouveaux arrêtés était de ne pas avoir à recopier ce socle minimal de prescriptions générales dans chacun de ces actes administratifs, il y a fort à parier que les inspecteurs continueront de recopier ces prescriptions dans chacun de leurs arrêtés afin de faciliter la lisibilité du droit des installations classées par les exploitants. C’est en effet ces derniers qui sont, au quotidien, chargés d’appliquer les prescriptions et mieux vaut qu’ils les aient toutes bien identifiées…quand bien même, il n’y aurait strictement aucun intérêt juridique à cette redite des arrêtés ministériels dans les arrêtés préfectoraux !