Hydroélectricité: conditions de recevabilité d’un exploitant de barrage commun et précisions jurisprudentielles sur la légalité d’un renouvellement d’autorisation d’exploiter (CAA Bordeaux, 13 décembre 2016)

site d extraction de pierrePar Stéphanie Gandet- Avocat associé

 

Dans un arrêt intéressant, la Cour administrative d’appel de Bordeaux (CAA Bordeaux, 13 décembre 2016, n° 14BX01545) a apporté d’utiles précisions au sujet:

  • de l’intérêt à agir d’un voisin (exploitant de barrage) contre une décision de renouvellement d’une autorisation d’exploiter un ouvrage hydroélectrique utilisant un barrage commun;
  • des conditions de légalité de ce type de décision.

  • En premier lieu, sur l’intérêt à agir

La Cour juge que l’intérêt à agir contre ce type de décision s’apprécie au regard de l’existence d’un intérêt suffisamment direct donnant au requérant qualité pour en demander l’annulation, compte tenu des inconvénients et dangers que présente pour lui l’installation en cause, appréciés notamment en fonction de sa situation des intéressés et de la configuration des lieux. C’est là une application assez classique de l’appréciation de la recevabilité dans une matière de plein contentieux. Après avoir déterminé en quoi le litige s’inscrivait dans une telle matière (police de l’eau), la Cour retient ici finalement l’intérêt à agir du voisin exploitant.

En effet, en l’espèce, le requérant exploite une centrale hydroélectrique située sur la rive gauche d’une rivière, riveraine de la microcentrale située sur la rive droite et dont l’autorisation est renouvelée. Une convention de droit privé les lie depuis plusieurs années pour se répartir les eaux.

Il a été considéré que le requérant disposait d’un intérêt à agir car l’utilisation de l’énergie hydraulique de cette rivière nécessitant l’utilisation d’un barrage commun reliant les deux exploitations, le renouvellement de l’autorisation, qui implique en outre la réalisation de travaux de réalisation d’une passe à anguilles sur ce barrage commun, est susceptible d’affecter, par elle-même, les conditions d’exploitation du requérant.

  • En second lieu, sur la légalité de l’autorisation de renouvellement.

Plusieurs griefs étaient formulés contre la décision mais tous ont été rejetés.

  • Suffisance de la notice d’incidence

Après avoir rappelé le considérant de principe de la jurisprudence Danthony, il a d’abord été jugé que la notice d’incidence (requise pour les installations dont la puissance maximale brute envisagée est inférieure à 500 kilowatts) était suffisante en l’espèce, car l’étude acoustique démontrait le respect des émergences réglementaires, que l’ARS avait émis un avis favorable et que les conclusions l’étude de bruit mettent en évidence que l’environnement sonore de la centrale et de ses alentours est très nettement marqué par le bruit généré par la chute d’eau de la rivière.

La Cour précise en outre que la mention de la classe du barrage ne fait pas partie des mentions obligatoires.

  • Demande d’avis à la commune

Sur le fond, il était fait grief au Préfet de ne pas avoir sollicité l’avis de la Commune.

Or, la Cour relève que le préfet a transmis au maire de la commune l’arrêté préfectoral portant ouverture de l’enquête publique concernant le renouvellement de l’autorisation litigieuse et l’avis d’ouverture d’enquête, pour affichage au lieu habituel d’affichage de la commune, huit jours au moins avant l’ouverture de l’enquête, ainsi que le dossier de demande du pétitionnaire. L’autorité préfectorale a indiqué, à cette occasion, que le conseil municipal serait appelé à donner son avis sur la demande d’autorisation dont la prise en compte requerrait qu’il soit formalisé par une délibération, au plus tard dans les quinze jours suivant la clôture du registre d’enquête, tout en informant le maire qu’il lui incomberait, pendant la durée de l’enquête, de tenir le registre et le dossier du pétitionnaire à la disposition du public afin que chaque personne intéressée puisse consigner ses observations directement sur le registre d’enquête, puis, à l’expiration de celle-ci, de clore et signer le registre en y annexant le certificat d’affichage et de transmettre au commissaire enquêteur, dans les vingt-quatre heures, ce registre ainsi que le dossier d’enquête et les éventuelles observations écrites annexées puis, ultérieurement, de tenir à la disposition du public copie du rapport et des conclusions du commissaire enquêteur dès la transmission, par les services préfectoraux, de ces documents.

Dans ces conditions, une telle lettre doit être regardée, compte tenu des termes dans lesquels elle est rédigée, comme valant sollicitation de l’avis du conseil municipal de la commune sur le projet de renouvellement de l’autorisation d’exploitation délivrée à la société hydroélectrique.

  • Taille de la passe à anguilles:

Enfin, la taille de la passa à anguille était critiquée, au motif notamment que l’ONEMA en avait fait une recommandation spécifique, non suivie. Mais la Cour estime que l’avis rendu par cet office ne constitue pas un avis conforme s’imposant à l’autorité administrative chargée de délivrer et de renouveler l’autorisation dont s’agit. Surtout, elle rappelle qu’aucune disposition législative ou réglementaire n’impose un tel espacement des grilles. Dès lors, l’argument tiré de ce que les obligations mises à la charge de l’exploitant de l’installation hydro-électrique par l’autorité compétente seraient insuffisantes sur ce point est écarté.