Eoliennes et sites UNESCO : toute cohabitation n’est pas nécessairement proscrite ! (TA Lille, 12 décembre 2017)

nebel am morgenPar Maître Lou DELDIQUE, avocat of counsel, GREEN LAW AVOCATS lou.deldique@green-law-avocat.fr

Par un très récent jugement (TA Lille, 12 décembre 2017, n°1405899, jurisprudence du cabinet) que nous commenterons plus en détail dans un second article, le Tribunal administratif de Lille a confirmé que le classement UNECO d’un site ne fait pas forcément obstacle à l’implantation d’éoliennes (voir sur cette question : D. DEHARBE, L. DELDIQUE, « Éoliennes et sites classés au patrimoine mondial de l’Unesco : vers la tolérance zéro ? », Droit de l’environnement, n°243, mars 2016),

En l’espèce, un opérateur avait développé un projet d’éoliennes dans le bassin minier et les permis de construire avaient été refusés par le préfet, qui se prévalait notamment de l’impact du parc sur les éléments classés au patrimoine mondial de l’UNESCO.

La société porteuse de projet avait alors saisi le Tribunal administratif d’un recours dans lequel elle faisait valoir que le classement des éléments du Bassin minier avaient fait l’objet d’un classement pour des raisons historiques et non pour des raisons esthétiques, et que la cohabitation entre ces différents éléments ne pouvait par conséquent être jugées comme contraire aux dispositions de l’ancien article R.111-21 du code de l’urbanisme. Elle avait par ailleurs démontré que les phénomènes de covisibilité étaient très restreints et que la présence d’éoliennes à côté des terrils permettait d’illustrer la transition énergétique, sans remettre en cause l’intérêt historique des lieux.

Le Tribunal administratif de Lille fait droit à cette argumentation et annule les refus :

« Considérant d’autre part, que le préfet du Pas-de-Calais sollicite une substitution de motifs tirée de ce que le projet litigieux porterait atteinte au site du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco depuis juin 2012 ; qu’il ressort en effet des pièces du dossier que le projet est situé à cinq kilomètres des terrils de Mazingarbe, ainsi que de la fosse de Loos-en-Gohelle et de ses terrils jumeaux et à deux kilomètres de la cité pavillonnaire Sainte Elie ; que toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que la co-visibilité des éoliennes situées à plusieurs kilomètres de ces sites, de nature industrielle serait de nature malgré leur hauteur, à créer un effet d’écrasement des perspectives ; qu’il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la perspective depuis le site du mémorial canadien de Vimy serait altérée par les éoliennes litigieuses ; qu’aucune co-visibilité depuis le site de Notre-Dame-de-Lorette, située à plus de 10 kilomètres du site, n’est établie ; que si le chef du service territorial de l’architecture et du patrimoine a émis un avis défavorable sur le projet le 29 avril 2014, d’une part, le caractère fallacieux des photomontages produits par la société Innovent ne ressort pas des pièces du dossier, et d’autre part, la circonstance que la hauteur des éoliennes soit supérieure à celle des deux terrils proches de la fosse n°9 de Loos-en-Gohelle n’est pas, à elle seule, de nature à caractériser une atteinte à l’intérêt du site du bassin minier ; qu’au regard de ces éléments, la substitution de motifs sollicitée ne peut être accueillie ; »

Cette position doit être saluée car elle est à la fois rigoureuse et pragmatique : surtout, elle va à l’encontre de certaines analyses qui avaient pu être faites d’un arrêt rendu par le Conseil d’Etat en 2015 (CE, 9 octobre 2015, n°374008), dont on avait abusivement déduit l’existence d’une incompatibilités de principe entre les éoliennes et les sites UNESCO.