Par une décision du 14 novembre 2012, société Néo Plouvien, n°347778, le Conseil d’Etat confirme la décision de la CAA de Nantes du 28 janvier 2011, déjà commentée ici, par laquelle le juge administratif avait déjà décidé que la construction d’éoliennes constitue une extension de l’urbanisation au sens de la loi Littoral.

Pour comprendre la portée de cette jurisprudence et de sa confirmation, il convient de confronter les dispositions de la loi Littoral aux règles d’implantation des éoliennes telles qu’issues de la loi Grenelle II.

L’application de la loi Littoral est précisée:

Tout d’abord, il convient de remarquer qu’au sens de l’article L.146-1 du Code de l’urbanisme, la loi Littoral s’applique :

  • Aux communes littorales, c’est-à-dire dans les communes riveraines des mers et océans, des étangs salés, des plans d’eau intérieurs d’une superficie supérieure à 1000 hectares et dans les communes listées à l’article R.321-1 du Code de l’urbanisme qui sont celles riveraines des estuaires et des deltas lorsqu’elles sont situées en aval de la limite de salure des eaux et participent aux équilibres économiques et écologiques littoraux ;
  • Aux communes qui participent aux équilibres économiques et écologiques littoraux si elles en font la demande auprès du préfet de département et dont la liste doit être prévue par un décret pris en Conseil d’état, qui à ce jour, n’existe pas.

 Concernant la catégorie des communes riveraines des mers et océans, celles-ci n’ayant –malheureusement – pas été listées par le pouvoir réglementaire, le Conseil d’Etat est venu préciser dans cet arrêt « Néo Plouvien » les règles applicables et les critères juridiques déterminant la qualification de « commune littorale »:

 « Considérant que, s’il résulte du 2° de l’article L. 321-2 du code de l’environnement que les communes riveraines des estuaires ne peuvent être classées comme communes littorales par décret en Conseil d’Etat que si elles sont situées en aval de la limite de salure des eaux, ni ces dispositions ni aucun autre texte ne définissent la limite en aval de laquelle les communes doivent être considérées comme  » littorales  » en application du 1° du même article ; que cette dernière limite doit être regardée comme correspondant à la limite transversale de la mer, déterminée, en application de l’article 9 du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure applicable à la date des faits, conformément aux dispositions du décret du 29 mars 2004 et, avant l’entrée en vigueur de ce décret, conformément aux dispositions de l’article 2 du décret du 21 février 1852, aujourd’hui codifiées aux articles R. 2111-5 à R. 2111-14 du code général de la propriété des personnes publiques, qui marque la frontière de la mer à l’embouchure des fleuves et des rivières ; qu’en vertu des dispositions du décret du 29 mars 2004, la délimitation de la limite transversale de la mer à l’embouchure des fleuves et rivières est, le cas échéant, constatée par arrêté préfectoral pris après enquête publique et par décret en Conseil d’Etat si l’avis du commissaire enquêteur est défavorable »

Ainsi, d’après le juge administratif, doivent être considérées comme des communes littorales riveraines des mers et océans toutes les communes dont une partie du territoire, même infime, est situé en deçà de la limite transversale de la mer.  

Dès à présent, il convient de rappeler que la qualification de « commune littorale » a pour conséquence l’application des dispositions de la loi Littoral sur l’ensemble du territoire de la commune ainsi qualifiée.

 Pour autant, la loi Littoral distingue trois zones à l’intérieur du territoire communal pour lesquelles les dispositions urbanistiques sont plus ou moins spécifiques :

  • la bande des 100 mètres à compter du rivage ;
  • les espaces proches du rivage ;
  • les espaces situées sur la commune littorale en dehors de la bande des 100 mètres et des espaces proches du rivage.

La confirmation par le Conseil d’Etat de la jurisprudence restreignant les possibilités d’implantation d’éoliennes dans les communes littorales:

 

  • D’emblée, il faut remarquer que le Conseil d’état confirme l’interprétation de la jurisprudence administrative existante (CAA Nantes, »Sté Néo Plouvion », 28 janvier 2011, n°08NT011037), selon laquelle les éoliennes non situées en continuité d’une agglomération ou d’un village existant constituaient une « extension de l’urbanisation » en sens de l’article L146-4, I du Code de l’urbanisme.

Ainsi, concernant les espaces proches du rivage et les espaces situés de la commune littorale en dehors de la bande des 100 mètres et des espaces proches du rivage, la règle de l’urbanisation en continuité de l’existant prévue à l’article L.146-4, I du Code de l’urbanisme s’y applique indifféremment, comme a pu le relever par le passé la jurisprudence (CE, 27 septembre 2006, « Commune du Lavandou », n°275924). Précisément, l’article L.164-4, I du Code de l’urbanisme prévoit, concernant ces zones, que : « I- L’extension de l’urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement ».

Dès lors, il est impossible de réaliser des extensions d’urbanisation qui ne seraient pas en continuité avec les agglomérations et villages existants.

Or, la notion d’ « extension d’urbanisation », telle que décidée par le juge administratif  du fond et maintenant le Conseil d’Etat, comprend la construction d’éoliennes.

Par conséquent, les éoliennes doivent absolument respecter cette règle de construction en continuité avec l’existant, sans autre possibilité de dérogations que celles prévues pour les constructions forestières et agricoles.

De plus, le juge administratif a été amené à de nombreuses reprises à préciser la notion de « continuité avec l’existant », même s’il convient de rappeler qu’en ce domaine, les solutions apportées par le juge s’expliquent par une appréciation in concreto, propre à chaque cas d’espèce.

Par exemple, il a déjà jugé que : « les constructions autorisées ne pouvaient être regardées comme réalisées en continuité avec une agglomération ou un village existant ou comme constituant un hameau nouveau intégré à l’environnement, au motif qu’elles étaient situées dans une zone ne comprenant aucune construction et à 200 mètres du lieu-dit le plus proche dont elles étaient séparées par une voie communale » (CE, 15/10/1999, n°188578).

Ou encore que :  la construction projetée sur un terrain situé à proximité d’un hameau de neuf maisons dispersées ne constituant pas un village et séparé de l’agglomération la plus proche par des terrains agricoles ou naturels dépourvus de toute construction, ne peut être considérée comme en continuité avec les agglomérations et villages existants (CE, 27/07/2009, n°306946).

Or, les dispositions relatives à l’implantation des éoliennes soumises à autorisation au titre des ICPE depuis la loi Grenelle II (article L.553-2 du Code de l’environnement notamment) imposent aux éoliennes d’être implantées à une distance minimale de 500 mètres par rapport aux constructions à usage d’habitation, aux immeubles habités et aux zones destinées à l’habitation définies dans les documents d’urbanisme en vigueur à la date de publication de la loi grenelle II.

Dans ces conditions, avec les exemples jurisprudentiels précités concernant la notion de continuité, il est impensable que des éoliennes, forcément implantées à au moins 500 mètres des premières habitations d’une agglomération ou d’un village et la plupart du temps situées sur des zones agricoles, puisse être considérée comme en « continuité avec une agglomération ou un village existant ».

Par conséquent, la confirmation par la plus haute juridiction administrative de la jurisprudence selon laquelle la construction d’éoliennes constitue une extension de l’urbanisation bloque la majorité des projets de parcs éoliens en zone littorale, là où pourtant, les conditions météorologiques y sont les plus favorables.

La seule hypothèse pouvant écarter l’application restrictive de ces jurisprudences est celle d’un parc éolien situé à proximité d’installations industrielles admises en zone littorale, comme par exemple les ports. En ce cas, la règle de 500 mètres pourrait ne pas s’appliquer (au regard du PLU en vigueur qu’il convient d’analyser) et une implantation en continuité des agglomérations et villages existants.

Pour le reste, cette confirmation de la jurisprudence de la CAA de Nantes est préoccupante pour les parcs éoliens existants, quand bien même ils bénéficieraient de permis de construire définitifs….

 

  • Mais l’arrêt du Conseil d’Etat aurait pu apporter une autre précision intéressante s’agissant de l’implantation d’éoliennes en bande littorale de 100 mètres.

La lecture de la décision montre que la société requérante avait probablement tenté de faire valoir que les aérogénérateurs pouvaient bénéficier de la dérogation prévue à l’article L 146-4 III du Code de l’urbanisme.

Ainsi, dans la bande des 100 mètres, l’article L.146-4, III du Code de l’urbanisme y prohibe toute construction en dehors des espaces déjà urbanisés à moins que celle-ci ne soit nécessaire à des services publics ou des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau (par exemple un local secours-sanitaire – CAA Bordeaux, 9 mars 2006, n°02BX01974, une tour de vigie – CAA Lyon, 21 février 2001, n°95LY01244, des constructions nécessaires à la pêche et à la conchyliculture – CAA Nantes, 7 avril 1999, n°97NT00926), etc.):

« III – En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d’eau intérieurs désignés à l’article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 précitée.

 Cette interdiction ne s’applique pas aux constructions ou installations nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau. Leur réalisation est toutefois soumise à enquête publique suivant les modalités de la loi n° 83-630 du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l’environnement.

 Le plan local d’urbanisme peut porter la largeur de la bande littorale visée au premier alinéa du présent paragraphe à plus de cent mètres, lorsque des motifs liés à la sensibilité des milieux ou à l’érosion des côtes le justifient« .

Sur ce point, il faut se garder de toute interprétation hâtive de la réponse donnée par la Haute juridiction car le caractère inopérant du moyen a été confirmée par le Conseil d’Etat:

 « 9. Considérant, enfin, que les dispositions du III de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme, aux termes desquelles il peut être dérogé à l’interdiction des constructions ou installations en dehors des espaces urbanisés pour les constructions ou installations nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau, ne sont applicables que dans la bande littorale de 100 mètres à compter de la limite haute du rivage ; que, par suite, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit en écartant implicitement mais nécessairement comme inopérant le moyen tiré de ce que la construction des éoliennes autorisée par le permis litigieux, dont il ressort des pièces soumises aux juges du fond qu’elle est prévue en dehors de la bande littorale de 100 mètres, devait bénéficier de la dérogation prévue par le deuxième alinéa du III de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme ».

Ainsi, la juridiction ne se prononce pas ici sur la question de savoir si les éoliennes pourraient être autorisées dans la bande de 100 mètres au titre de leur éventuelle qualification « d’installations nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau », car en l’espèce, les éoliennes ne se situaient pas dans la bande des 100mètres.

En tout état de cause, les éoliennes ne sont pas des hydroliennes….

 

 

Stéphanie Gandet

Avocat associé

Etienne Pouliguen

Juriste

Green Law avocat