HürdePar une question parlementaire publiée au Journal Officiel du 16 juillet dernier, D. Baupin, un député écologiste attire l’attention du Ministre de l’écologie sur la problématique des délais de caducité des autorisations, qui se pose de manière accrue en  matière de projets éoliens.

 

En effet, tant le code de l’urbanisme (art. R.424-17) que le code de l’environnement (art. R.512-74) imposent au pétitionnaire- exploitant :

  • d’entreprendre les travaux dans un délai de deux ans, une fois le permis de construire obtenu. Ce délai est prorogé à trois ans pour les permis en cours au  20 décembre 2008 ou délivrés au plus tard le 31 décembre 2010 (Décret « anticrise » n°2008-1353 du 19 déc. 2008, art. 1er).
  • de débuter l’exploitation de l’installation classée dans un délai de trois ans, une fois l’arrêté d’autorisation adopté.

Les opérateurs éoliens ont de grandes difficultés à respecter ces délais. Les délais de raccordement au réseau d’électricité, qu’il s’agisse du réseau de distribution ou de transport, peuvent être particulièrement longs, obligeant parfois les opérateurs à débuter des travaux significatifs de construction avant l’expiration du délai de validité des permis, sans pour autant avoir avancé dans la procédure de raccordement (parfois même, la PTF est seulement signée).

Les éoliennes sont désormais classées au titre de la réglementation ICPE, et une nouvelle contrainte de validité de l’autorisation ICPE s’ajoute à celle du permis de construire.

De surcroit, les financements de projets sont ralentis depuis l’introduction par une association d’un recours en annulation contre l’arrêté tarifaire du 17 novembre 2008. Ledit recours est toujours pendant dans la mesure où le Conseil d’Etat a posé une question préjudicielle à la CJUE aux fins de savoir si les tarifs éoliens doivent être considérés comme des aides d’Etat au sens du droit communautaire, et la Cour ne devrait pas se prononcer avant cet automne.

 

La question parlementaire commentée suggère au Ministre de proroger les délais de caducité légaux, de la même manière que cela avait été fait pour les permis de construire en 2008 (Décret n°2008-1353 du 19 déc. 2008, art. 1er) afin de favoriser la reprise des activités de construction.

On ne peut anticiper la réponse du Gouvernement, mais on remarquera qu’en matière de délais de caducité, les adaptations apportées par la loi pour faire face aux difficultés rencontrées par les opérateurs apparaissent encore insuffisantes. Il nous semble que le contexte actuel devrait conduire, A MINIMA sur le plan des délais de validité, à une réforme tenant compte des multiples difficultés de calendrier étrangères aux opérateurs.

 

  • Ainsi, en matière de permis de construire, des possibilités restreintes de suspension du délai de validité du permis sont aujourd’hui prévues par les textes :

Annoncées en 2011 par la circulaire relative au classement ICPE des éoliennes  (Circ. 17 oct. 2011, NOR : DEVP1129057C : BO min. Écologie n°2011/21, 25 nov.), ces exceptions ont été intégrées à l’article R. 424-19 du code de l’urbanisme, et à  l’article R. 512-74 du code de l’environnement en 2012 (Décret n°2012-189 du 7 février 2012, art. 8 et 11).

Le délai de caducité du permis de construire est donc suspendu (ce qui  signifie qu’il reprend son écoulement pour la durée restante dès que l’événement « suspensif » est terminé) dans trois hypothèses limitatives :

  • en cas de recours contentieux contre le permis de construire ou l’arrêté ICPE devant le juge administratif ;
  • en cas d’action en démolition ou en dommages et intérêts devant les juridictions civiles ;
  • en cas de contestation de l’arrêté ICPE également obtenu par le pétitionnaire, ou de contestation du  permis de construire également obtenu par l’exploitant, lorsque le projet est soumis aux deux législations (environnementale et urbanistique) et que les demandes ont été déposées de manière simultanée.

 

Des cas d’interruption du délai (le délai recommence à courir dans son intégralité une fois l’événement « interrupteur » achevé) ont certes été également définis par la jurisprudence, qui reconnaît notamment qu’outre la force majeure, le fait de l’administration fait courir un nouveau délai une fois qu’il a cessé (pour les permis de construire : CE, 30 juill. 2003, n°255368  et CE, 24 avr. 1981, n°15417 ; pour les arrêtés ICPE : CE, 22 mai 2012, n°339504, commenté ici https://www.green-law-avocat.fr/icpe-le-delai-de-caducite-de-larrete-dautorisation-est-interrompu-par-le-retrait-de-ladministration-ce-22-mai-2012-n339504/).

Cependant, les conditions d’application de cette interruption sont délicates à remplir. Sont reconnus être des faits de l’administration le retrait de la décision d’autorisation (CE, 30 juill. 2003, n°255368 ; CE, 22 mai 2012, n°339504), l’engagement par une collectivité de travaux faisant obstacle au commencement du chantier (CAA Marseille, 1re ch., 21 oct. 2010, n°08MA04383) ou encore le refus de l’administration de signer le bail emphytéotique nécessaire au commencement des travaux (CAA Paris, 16 mai 2002, n°99PA02124 : BJDU 4/2002).

En revanche, ne sont pas interruptifs du délai les événements indépendants de l’action de l’administration (CE, 30 déc. 2010, n°330521 ; CE, 29 déc. 1999, n°185628 ; CE, 30 janv. 1995, n°139417).

 

  • En matière de délai de validité de l’autorisation ICPE, des cas limités de suspension sont prévus, sauf cas de force majeure.

L’article R 512-74 du code de l’environnement prévoit en effet que « L’arrêté d’autorisation, l’arrêté d’enregistrement ou la déclaration cesse de produire effet lorsque, sauf cas de force majeure, l’installation n’a pas été mise en service dans le délai de trois ans ou lorsque l’exploitation a été interrompue pendant plus de deux années consécutives.

Le délai de mise en service est suspendu jusqu’à la notification à l’auteur de la décision administrative ou à l’exploitant, dans les deux premières hypothèses, d’une décision devenue définitive ou, dans la troisième, irrévocable en cas de :

1° Recours devant la juridiction administrative contre l’arrêté d’autorisation, l’arrêté d’enregistrement ou la déclaration ;

2° Recours devant la juridiction administrative contre le permis de construire ayant fait l’objet d’un dépôt de demande simultané conformément au premier alinéa de l’article L. 512-15 ;

3° Recours devant un tribunal de l’ordre judiciaire, en application de l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme, contre le permis de construire ayant fait l’objet d’un dépôt de demande simultané conformément au premier alinéa de l’article L. 512-15 du présent code. »

 

En l’état actuel du droit, l’interruption des délais de caducité semble donc avoir peu de chances d’être retenue par le législateur : en effet, même si c’est bien l’Etat qui s’est abstenu de notifier les mécanismes de soutien financiers à la filière en tant qu’aide d’Etat à la Commission Européenne, le gel des investissements reste à l’initiative d’acteurs privés…

Mais rien n’empêche le gouvernement d’instaurer un régime provisoire comme il l’avait fait en 2008, ou d’ajouter un cas de suspension aux articles R. 424-19 du code de l’urbanisme et R. 512-74 du code de l’environnement.

Une autre option nous paraitrait encore envisageable : lors de la délivrance de l’autorisation, le Préfet pourrait assortir son arrêté d’une prescription spéciale ayant pour effet de reporter son entrée en vigueur à une date ultérieure. Certaines DREAL y sont pour l’heure frileuses, et le juge ne s’est pas, à notre connaissance, prononcé sur une telle possibilité. On sait en revanche que des arrêtés de permis prescrivant la suspension des travaux durant une certaine période (période de nichage par exemple) ont été validés en jurisprudence, sans qu’un grief tenant à la modification du délai de validité ait été retenu.

 

Pour l’instant, la pratique des opérateurs reste de retarder le dépôt de leur dossier ICPE au maximum, afin de pouvoir avancer le plus possible dans leur demande de raccordement avant que le délai de caducité ne commence à courir. Cela n’est bien-sûr pas une solution satisfaisante, notamment au regard des risques que cela fait peser sur leur situation concurrentielle.

 

 

Stéphanie Gandet- Avocat Associé

Lou Deldique – Eleve avocate

Green Law Avocat