Der grüne ParagraphUn récent jugement du Tribunal administratif de Paris (TA Paris, 13 novembre 2014, n°1304309) apporte d’utiles précisions sur le statut juridique des schémas régionaux éoliens (SRE) adoptés par le Préfet de Région en l’absence de schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie (SRCE) après avoir annulé, pour la première fois à notre connaissance l’arrêté approuvant un tel schéma.

En effet, si le SRE constitue normalement un simple volet annexé au SRCAE (schéma régional climat-air-énergie, Code de l’environnement, art. L.222-1 et R.222-1 et suivants), il résulte des dispositions de l’article 2 du décret n°2011-678 du 16 juin 2011 reprises à l’article L. 314-10 du code de l’énergie que lorsque le SRCAE n’a pas été adopté au 30 juin 2012, le Préfet de Région élabore seul le SRE en lieu et place du comité de pilotage, du président du conseil régional et de l’organe délibérant du conseil régional, jusqu’à la publication de ce volet annexé.

C’est ce qui s’était produit en l’espèce pour le SRE d’Ile-de-France, contesté par huit associations anti-éolien qui prétendant que le document avait été adopté à l’issue d’une procure irrégulière.

Il convient de préciser que le litige avait déjà donné l’occasion au Conseil Constitutionnel de se prononcer sur le statut juridique des SRCAE et des SRE dans une décision QPC du 7 mai 2014 (CC, 7 mai 2014, décison QPC n°2014-395 : voir notre analyse ici), qui précisait que ces documents constituent des « décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement » au sens de l’article 7 de la Charte de l’environnement.

Le jugement commenté rappelle cette analyse, et considère également, en réponse à une fin de non-recevoir soulevée par le Préfet, que le SRE est bien une décision faisant grief susceptible de recours en excès de pouvoir, en ce que son contenu conditionne les possibilités d’obtenir une autorisation ICPE pour les opérateurs :

 « Considérant que, d’autre part, selon ses propres termes, le schéma régional litigieux vise à élaborer une stratégie régionale cohérente qui « permet d’emblée de repérer les territoires potentiellement éligibles à l’éolien sans définir de projet précis et procède par la seule élimination des secteurs contraints », recommande la création de « pôles de densification » et recense « différentes zones présentant un intérêt écologique (protégées ou non) … dans le but de dégager des zones où l’implantation d’éoliennes est proscrite ou déconseillée » ;

Considérant, enfin, qu’à la date de l’arrêté contesté, les dispositions de l’article L. 314-10 du code de l’énergie réservaient la création des zones de développement de l’éolien dans les parties du territoire régional favorables au développement de l’énergie éolienne, et que les nouvelles dispositions de l’article L. 553-1 du code de l’environnement, entrées en vigueur le 17 avril 2013, soit postérieurement à l’arrêté attaqué, prévoient que la délivrance de l’autorisation d’exploiter une installation éolienne tient compte des parties du territoire régional favorables au développement de l’énergie éolienne définies par le schéma régional éolien ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le schéma régional éolien d’Ile-de- France a, par sa nature et ses effets directs ou indirects, le caractère d’une décision faisant grief et est, dès lors, susceptible de recours en excès de pouvoir ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le préfet tirée de ce que l’arrêté approuvant le schéma régional d’Ile-de-France ne serait pas un acte susceptible de recours contentieux doit être écartée ; »

Dans un second temps, il incombait au Tribunal de déterminer si le SRE d’Ile-de-France devait ou non faire l’objet d’une évaluation environnementale.

L’administration soutenait en effet qu’une telle évaluation n’était pas nécessaire, dès lors que le SRE ne constitue qu’une annexe du SRCAE, qui lui est soumis à cette évaluation. Cette position n’était bien-sûr pas sans poser de difficulté quand on sait qu’en l’espèce, le schéma régional éolien avait été adopté avant le SRCAE d’Ile-de-France…

Sur ce point, la décision rappelle :

  • Qu’en application des dispositions de l’article L. 122-4 du code de l’environnement qui prévoit une telle évaluation pour les plans, schémas, programmes et autres documents de planification qui ont pour objet d’encadrer les travaux et projets d’aménagement soumis à étude d’impact ;

  • Et qu’il résulte de l’article 3 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement qu’une évaluation environnementale est effectuée pour les plans et programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

Dans la mesure où le SRE est un document ayant une incidence sur l’environnement et encadrant la réalisation de projets pouvant être soumis à une étude d’impact, c’est donc en toute logique que le juge a considéré que le SRE devait bel et bien faire l’objet d’une évaluation environnementale, et annule l’arrêté du Préfet de la Région d’Ile-de-France pour vice de procédure :

 « Considérant que, comme il a été dit au point 3, le schéma régional éolien a une incidence sur l’environnement ; qu’il encadre la réalisation de projets pouvant être soumis à une étude d’impact en application de l’article L. 122-1 du code de l’environnement, au sens des dispositions précitées du 1° du I de l’article L. 122-4 du code de l’environnement ; qu’ainsi, les schémas régionaux éoliens n’ont pas à faire l’objet d’un examen au cas par cas pour déterminer s’ils doivent ou non être soumis à une évaluation environnementale au sens des dispositions du IV de l’article L. 122-4 du code de l’environnement ; que, dès lors, la réalisation d’une évaluation environnementale pour de tels schémas n’était pas subordonnée à l’entrée en vigueur du décret mentionné au IV de l’article L. 122-4 du code de l’environnement ; que le décret n° 2012-616 du 2 mai 2012, ajoutant les schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie à la liste des plans, schémas et programmes soumis à une évaluation environnementale figurant à l’article R. 122-17 du code de l’environnement, n’a donc pas eu pour effet, contrairement à ce que fait valoir le préfet, de dispenser les schémas régionaux éoliens élaborés avant le 1er janvier 2013 de la réalisation préalable d’une évaluation environnementale ; que, par conséquent, les associations requérantes sont fondées à soutenir qu’en application des dispositions du I de l’article L. 122-4 du code de l’environnement, transposant en droit interne les dispositions de l’article 3 de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 susvisée, le préfet de la région d’Ile-de- France était tenu de soumettre ce schéma à une évaluation environnementale ; 

Considérant qu’il est constant que le préfet de la région d’Ile-de-France, préfet de Paris, n’a pas fait procéder à une évaluation environnementale du schéma régional éolien d’Ile- de-France avant de l’approuver ; que l’absence d’évaluation environnementale est susceptible d’avoir exercé une influence sur le contenu de ce schéma et, dès lors, sur son approbation par l’autorité préfectorale ;

 Considérant, par suite, que les associations requérantes sont fondées à soutenir que l’arrêté attaqué portant approbation du schéma régional éolien d’Ile-de-France est entaché d’un vice de procédure substantiel ; que cet arrêté doit donc être annulé, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ;»

Lou DELDIQUE

Green Law Avocat