Energie / Réseaux fermés de distribution : publication de l’ordonnance attendue n°2016-1725 du 15 décembre 2016

Modern light switch on green grassPar Stéphanie GANDET – avocat associé, et Fanny ANGEVIN – GREEN LAW AVOCATS

Le cadre juridique des réseaux fermés vient de connaitre une étape fondamentale avec la parution d’une Ordonnance n°2016-1725 du 15 décembre 2016 relative aux réseaux fermés de distribution parue le 16 décembre 2016. Un Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n°2016-1725 du 15 décembre 2016 relative aux réseaux fermés de distribution l’accompagne.

Cette ordonnance prévoit enfin la possibilité explicite de créer des réseaux fermés de distribution d’électricité et encadre les modalités de fonctionnement de ces derniers.Elle intéressera en particulier, mais pas seulement, les porteurs de projet de production d’électricité en autoconsommation, pour lesquels les réseaux fermés pourraient, sous certaines conditions, constituer un montage de raccordement opportun.

Analyse.

Historique :

Pour rappel, l’article 28 de la directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant les règles communes pour le marché intérieur de l’électricité, prévoit que

« 1. Les Etats membres peuvent prévoir que les autorités de régulation nationales ou d’autres autorités compétentes qualifient de réseau fermé de distribution un réseau qui distribue de l’électricité à l’intérieur d’un site industriel, commercial ou de partage de services géographiquement limité […] ».

La directive permet donc aux Etats membres de préciser le régime juridique applicable aux réseaux fermés de distribution d’électricité.

Néanmoins, aucun système n’avait réellement été élaboré en application de cette directive en ce qui concerne les réseaux fermés de distribution d’électricité, bien que certaines initiatives aient été mises en œuvre à ce titre. Une clarification du statut des réseaux fermés de distribution était donc nécessaire et représente des potentialités d’applications non négligeables en pratique.

En outre, l’article 167 de la loi n°2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a prévu que le Gouvernement était autorisé à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi afin d’ajouter un chapitre au code de l’énergie relatif aux réseaux fermés de distribution. Cette ordonnance devait être prise dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de cette loi.

C’est donc dans ce contexte que l’ordonnance relative aux réseaux fermés de distribution a vu le jour.

Définition : Cette ordonnance donne, tout d’abord, une définition de la notion de réseau fermé de distribution :

« Un réseau fermé de distribution d’électricité est un réseau de distribution qui achemine de l’électricité à l’intérieur d’un site géographiquement limité et qui alimente un ou plusieurs consommateurs non résidentiels exerçant des activités de nature industrielle, commerciale ou de partages de services. »

 

L’existence d’un tel réseau doit néanmoins remplir l’une des deux conditions suivantes :

– l’intégration dans ce réseau des opérations ou du processus de production des utilisateurs est justifiée par des raisons spécifiques ayant trait à leur technique ou à leur sécurité ;

– ce réseau distribue de l’électricité essentiellement au propriétaire ou au gestionnaire de réseau ou à des entreprises qui leur sont liées au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce.

La définition et les conditions posées par le nouvel article L 344-1 du code de l’énergie méritent de retenir l’attention.

En effet, le projet d’ordonnance qui avait été soumis à la consultation des acteurs de la filière énergie adoptait une formulation quelque peu différente.

Mais surtout, les porteurs de tels projets devront attentivement s’assurer de la satisfaction de l’une des conditions.

  • La première relative aux « raisons spécifiques ayant trait à leur technique ou à leur sécurité » présente un aléa un peu plus important, liée à l’appréciation du Ministre qu’elle induit. Des exemples en jurisprudence européenne pourront constituer une base de réflexion, mais chaque projet devra au cas par cas faire l’objet d’une démonstration de la spécificité technique ou liée à la sécurité.
  • La seconde condition (« ce réseau distribue de l’électricité essentiellement au propriétaire ou au gestionnaire de réseau ou à des entreprises qui leur sont liées au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce ») implique que les sociétés ayant recours au réseau privé soient « liées entre elles » au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce (désormais bien connu des filières de production d’énergie).

Cela suppose que d’une part, le propriétaire peut être le gestionnaire du réseau, sans que cela ne soit une obligation.

Cela inclut d’autre part, en filigrane, la possibilité d’intégrer des installations de production qui injectent sur le réseau fermé, et non pas seulement des installations en soutirage. Ainsi, le dernier alinéa de l’article L. 344-1 du code de l’énergie prévoit que « Les utilisateurs d’un réseau fermé de distribution d’électricité sont les personnes physiques ou morales dont les installations soutirent ou injectent de l’électricité directement sur ce réseau. »

Le caractère alternatif (et non cumulatif) des conditions est un point positif puisque nombres d’hypothèse dans lesquelles l’autoconsommation était souhaitée, mais ne pouvait être mise en œuvre au regard de l’Ordonnance du 28 juillet 2016 relative à l’autoconsommation, pourraient, après analyse au cas par cas, trouver une opportunité intéressante dans le montage en réseau privé.

Régime applicable :

Cette ordonnance définit le cadre général applicable aux réseaux fermés de distribution mais il est évident que de nombreuses précisions sont encore attendues par voie de décret.

Il convient de relever à ce titre, que l’exploitation d’un réseau fermé de distribution d’électricité est subordonnée à la délivrance d’une autorisation par l’autorité administrative. Le régime juridique du réseau fermé sera donc, en partie, un régime de droit administratif (une autre partie relève du droit privé, comme la jurisprudence l’a peu à peu précisé).

Notons que l’autorisation est délivrée au regard des critères distinctifs du réseau fermé (ie : « raisons spécifiques ayant trait à leur technique ou à leur sécurité » ou distribution de l’électricité « essentiellement au propriétaire ou au gestionnaire de réseau ou à des entreprises qui leur sont liées au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce »).

Elle ne peut être délivré que si le gestionnaire du réseau fermé de distribution d’électricité (et non le propriétaire) justifie qu’il dispose des capacités techniques et financières requises. Cette notion de capacités techniques et financières est fréquente en droit de l’énergie (elle conditionne ainsi la qualité de fournisseur d’électricité par exemple) et en droit de l’environnement (notion ancienne en droit des installations classées en particulier).

Une véritable démonstration est requise afin d’anticiper les exigences des services du Ministère sur ce point.

L’autorisation fixe la durée pour laquelle elle est délivrée, qui ne peut excéder vingt ans mais elle peut être renouvelée dans les mêmes conditions.

Enfin, l’article L 344-7 du code de l’énergie prévoit que l’autorité administrative peut, après avis de la Commission de régulation de l’énergie, refuser de délivrer une autorisation d’exploiter un réseau fermé de distribution d’électricité pour des motifs d’intérêt général liés au bon fonctionnement et à la sûreté du système électrique.

Par ailleurs, les réseaux fermés de distribution doivent satisfaire aux mêmes conditions techniques et de sécurité que celles applicables en matière de transport et de distribution d’électricité.

En outre, des exemptions sont prévues pour les gestionnaires de réseaux fermés de distribution en ce qui concerne :

  • Les procédures relatives à la couverture des pertes techniques sur le réseau du gestionnaire de réseau fermé de distribution ;
  • Les obligations portant sur l’approbation des redevances d’accès au réseau.

S’agissant des missions du gestionnaire du réseau fermé de distribution, l’ordonnance prévoit que le gestionnaire est notamment chargé des missions suivantes :

D’assurer la conception et la construction des ouvrages du réseau fermé de distribution d’électricité en s’abstenant de toute discrimination entre les utilisateurs de son réseau ;

D’exploiter lui-même ce réseau fermé de distribution d’électricité et d’en assurer l’entretien, la maintenance et la sécurité ;

De veiller, à tout instant, à l’équilibre des flux d’électricité, à l’efficacité, à la sécurité et à la sûreté du réseau qu’il exploite et d’assurer la couverture des pertes d’électricité et le maintien d’une capacité de réserve sur son réseau ;

4° De fournir aux utilisateurs du réseau qu’il exploite les informations nécessaires à un accès efficace, sous réserve des informations commercialement sensibles ;

De mettre en œuvre des actions d’efficacité énergétique et de favoriser l’insertion des énergies renouvelables sur le réseau qu’il exploite ;

D’exercer, le cas échéant, les activités de comptage pour les utilisateurs raccordés au réseau qu’il exploite, sauf lorsque les utilisateurs du réseau fermé de distribution interviennent sur les marchés de l’électricité ou participent à des mécanismes qui nécessitent une contractualisation avec les gestionnaires des réseaux publics.

Il est intéressant de relever ici que l’ordonnance énonce que le gestionnaire de réseau doit favoriser l’insertion des énergies renouvelables sur le réseau qu’il exploite.

Il est également prévu, et ce n’est pas une surprise, que le raccordement à un réseau fermé de distribution « ne peut faire obstacle à l’exercice par un consommateur des droits relatifs au libre choix de son fournisseur, prévus à l’article L. 331-1 du code de l’énergie ». C’est ici la traduction d’un principe légal que le CoRDIS avait à plusieurs reprises rappelé ces dernières années (voir la décision Valsophia, mai 2015, non définitive et en voie d’être jugée par la Cour d’appel de Paris).

Enfin, il convient de noter que l’ordonnance du 15 décembre 2016 prévoit que le fait de construire ou d’exploiter un réseau fermé de distribution d’électricité sans être titulaire d’une autorisation est puni d’un an d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende. Compte tenu des risques liés à un projet de réseau fermé, il est permis de penser que l’enjeu financier sera suffisant pour inciter les opérateurs à s’inscrire dans la réglementation.